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Disparition inquiétante

Disparition inquiétante

“C’est sur un plateau de cinéma que je l’ai rencontrée, fin 2017. Plus exactement que je l’ai vue pour la première fois. J’assistais au tournage d’En guerre de Stéphane Brizé et parmi la foule d’acteurs non professionnels pour la plupart ouvriers qui jouaient aux côtés de Vincent Lindon j’ai remarqué une femme, Letizia Storti. Pourquoi ? Difficile à dire. Quelque chose m’a touchée chez elle, que je n’ai pas su identifier. Elle avait 51 ans et travaillait à UPSA, l’entreprise pharmaceutique située à Agen, où elle était élue Force Ouvrière ”. Ce récit, très documenté d’une femme engagée, et résistante dans tous les moments de sa vie, passionne aussi parce qu’il interroge sur la solitude et l’effacement.

L’écriture distanciée de l’auteure le rend plus émouvant encore.

Disparition inquiétante d’une femme de 56 ans , Anne Plantagenet, Seuil, avril 2024, 160 p., 17,50 €.

Majo No Michi

Majo No Michi

Vera et Mary sont colocataires et sorcières. Elles se livrent bien sûr à des rituels mais font aussi du gravel. Mary est d’ailleurs livreuse à vélo, tandis que Vera subsiste avec l’allocation citoyenne de persévérance pour se consacrer à la magie. Seulement voilà, Vera passe au tribunal pour vol à l’étalage et est condamnée à tester le permis de citoyenneté à points. Elle est alors contrainte de travailler, mais la plateforme de commandes désactive son compte après qu’elle a tenté de fédérer les livreurs ubérisés. Majo No Michi est un manga strasbourgeois de son temps, qui cache derrière une narration rythmée une acuité politique dont l’autodérision ne gâche rien. On y croise des préoccupations sociales, écologiques et féministes qui s’entrecroisent avec brio dans différents fils narratifs qu’on suit avec délice, et un chat noir, évidemment.

Majo No Michi , Tony Concrete, Dargaud, juin 2024, 288 p., 13,5 €.

La Belle de Mai

La Belle de Mai

Elles sont femmes, ouvrières, et étrangères. On est à la fin du XIXe et la Commune semble déjà loin, d’autant plus loin qu’on est à Marseille, à la Belle de Mai, quartier encore aujourd’hui parmi les plus pauvres d’Europe, que Jules Guesde a qualifié en 1871 de boulevard des révolutions. La Commune semble déjà loin et pourtant la colère s’agrège et bientôt sourd rue Bleue, à la Manufacture des tabacs. La sanction d’une des cigarières va être l’étincelle qui allumera la mèche d’une grève contre les fouilles au corps, qui aura la tête de leur chef d’atelier et à l’issue de laquelle elles seront les premières à former un syndicat au sein d’une manufacture de l’État. On suit avec ferveur la lutte de ces femmes en bleu, qui font face à toutes les tonalités de difficultés auxquelles on se confronte quand plutôt que l’asthénie individuelle on choisit l’action collective. De difficultés et de victoires.

La Belle de Mai – Fabrique de révolutions , Mathilde Ramadier et Élodie Durand, Futuropolis, août 2024, 144 p., 22 €.

Long Island

Long Island

Eilis Lacey vit à Long Island avec ses deux enfants, leur père, et la famille de celui-ci. Une famille d’artisans, immigrée comme elle. Une famille tentaculaire comme les familles savent l’être, où elle peine à trouver sa place. Le livre s’ouvre et un homme se présente. Un client du mari d’Eilis, qu’il accuse d’avoir eu une liaison avec sa femme. De cette union un enfant va naître, et l’homme la prévient, il n’en veut pas chez lui. Passé le choc, Eilis prend une décision, cet enfant, elle n’en veut pas non plus. Alors que sa belle-famille bruisse de conciliabules, Eilis part. Elle qui en deux décennies n’était pas rentrée une seule fois retourne en Irlande pour plusieurs semaines. Elle y retrouve une communauté aussi étriquée que soudée, où l’on s’observe et tient scrupuleusement le compte des gloires et déconvenues de chacun. Une communauté qui s’organise autour d’un pub, celui de Jim Farrell, avec qui Eilis a vécu un amour vingt ans auparavant, alors qu’elle venait de se marier aux États-Unis. On ne veut pas quitter ces personnages derrière la dignité desquels bouillonnent désirs et doutes. Comme en chacun·e d’entre nous ?

Long Island , Colm Tóibín, Grasset, 2024, 400 p., 24 €.