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“La rentrée c’est maintenant” ?

Ce propos entendu en Conseil national du SNES il y a quelques jours, s’inscrivait dans un débat fondamental : comment lutter face à un gouvernement qui s’annonce encore plus réactionnaire que le précédent ?

Lors de ce Conseil national, l’idée sous-jacente de plusieurs interventions 1 était que les personnels jusqu’à maintenant manifestaient peu d’attention aux conditions de la rentrée scolaire, étant surtout préoccupé·es par la situation gouvernementale… mais que les problèmes commencent à émerger. Dans ce cadre, l’échéance centrale est la “journée d’action” et de grève du 1er octobre, en insistant sur la question d’un “autre budget”. En effet, ce que le gouvernement Barnier veut faire, c’est un plan d’austérité dans les services publics.

Mais en réalité l’austérité est déjà là, au cœur de la rentrée scolaire.

Pénuries en tous genres

En cette rentrée, dans tous les secteurs les manques de personnels se font sentir. Ils se font sentir tout d’abord dans les classes : le nombre d’élèves par classe continue à augmenter dans de nombreux endroits, les postes fixes non-pourvus se développent. Le gouvernement s’est d’ailleurs bien gardé de proclamer qu’il y avait un·e enseignant·e devant chaque classe en cette rentrée.

En cette rentrée, les problèmes sont loin de s’arrêter là : dorénavant il est reconnu que les pénuries de personnels concernent toutes les catégories : personnels administratifs, AESH… et même personnels de direction 2. Quand même les cadres intermédiaires manquent dans l’institution, c’est que celle-ci est menacé d’effondrement. Bien entendu, et cela commence de plus en plus à se voir, l’enseignement catholique n’a pas ces problèmes…

En cette rentrée, la crise n’est pas seulement humaine, elle est aussi financière : dans des régions entières 3, les dotations sont en baisse. Ici c’est tel CDI qui ne pourra pas commander quoi que ce soit, là ce sont des voyages scolaires annulés ou reportés, etc. D’ailleurs des établissements ont réagi par la mobilisation 4.

Attaques sur les métiers

Cette situation ne fait qu’engendrer souffrance professionnelle pour les personnels et aggravation des conditions d’études. Mais il ne s’agit pas seulement de pénuries : il s’agit d’une transformation systémique graduelle. La contre-réforme Blanquer des lycées et du bac a détruit le “groupe classe”, désorganisant profondément les lycées jusque dans la confection des emplois du temps. Le “choc des savoirs” s’attaque en cette rentrée au collège, imposant le même type d’organisation et le même renforcement du tri social.

La transformation systémique de l’école publique en cours s’accompagne d’une transformation des métiers. D’abord en développant la précarité : dans une académie comme celle de Nice, le nombre de contractuel·les est devenu supérieur à celui des titulaires remplaçant·es. Cela permet à la hiérarchie d’opposer les catégories entre elles (enseignant·es avec le “pacte enseignant” ou pas, titulaire et non-titulaires pour l’affectation sur un poste, engnant·es avec des groupes de taille réduite ou pas en collège, etc.), voire de développer ici ou là des pratiques clientélistes et “managériales”.

Ces phénomènes accélèrent des tendances déjà à l’œuvre : ainsi l’enrégimentement des projets pédagogiques et une restriction encore accentuée de la liberté pédagogique. Par exemple, la formation initiale s’annonce comme devant de plus en plus être déportée hors du temps de travail… à l’exception des “priorités”, par exemple celle des “valeurs de la République”. L’académie de Nice, encore elle, est l’une de celles où la logique a été poussée le plus loin : consignes du rectorat pour libérer une demi-journée de l’emploi du temps des enseignant·es de mathématiques (jeudi après-midi) et de lettres (lundi après-midi)… pour leur faire assister aux formations nécessaires à la mise en place du “choc des savoirs” ! De même, dans plusieurs académies, la liquidation de la rémunération pour les différents projets pédagogiques, voire même parfois la réduction des “pactes enseignants”, s’opère… pour que les seuls projets mis en place soient ceux téléguidés par l’institution, donc en conformité avec la politique gouvernementale.

Dans cette situation, il est hors de doute que l’année scolaire déjà engagée sera lourde de dangers, et de nécessités de luttes !

Quentin Dauphiné

  1. Nous passerons sur un débat lunaire centré sur la classe exceptionnelle… ↩︎
  2. Cf. article de Mediapart : “Rentrée scolaire : des trous dans la raquette partout”. ↩︎
  3. Les financements régionaux ont une grande importance pour les lycées : dotations du CDI, personnels agents, construction et rénovation, équipement informatique, etc. ↩︎
  4. Voir par exemple : https://dijoncter.info/preavis-de-greve-au-lycee-le-castel-5720 ↩︎