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Chronique des sexismes ordinaires

PARCE QUE C’EST AUSSI UNE FORME DE HAINE

Du “procès historique” à la mobilisation

Le 2 septembre 2024 a débuté le procès de Dominique Pélicot, qui pendant près de dix ans, a drogué sa femme, Gisèle, et orchestré plus d’une centaine de viols par une cinquantaine d’hommes. Le procès fait grand bruit et permet de décortiquer la rhétorique et les stratégies systémiques utilisées dans les affaires de viols. Ainsi la presse mentionne et critique les avocats des violeurs qui ont d’ores et déjà eu recours à la stratégie d’invisibilisation ou minimisation des faits, qualifiant les images de “relations sexuelles” et non de viols, et interrogeant la victime sur ses “préférences et pratiques sexuelles” – le triolisme ou l’échangisme. Elle relaie aussi les propos de la victime qui “agit pour toutes les victimes de soumission chimique”… Au-delà du monstre, montrer que ces violences sont bien plus courantes qu’on ne le pense.

Ce procès intervient en France dans un contexte où la définition du viol comme acte de pénétration sexuelle commis sous la menace, la contrainte, la surprise ou la violence fait débat car elle ne mentionne pas la notion de consentement. Si Macron a surfé sur le pinkwashing le 8 mars dernier en annonçant vouloir inscrire la notion de consentement dans la loi, il ne faut pas s’y tromper. Les affaires de viols – et a fortiori celles où les victimes sont droguées – sont emblématiques du sexisme systémique qui traverse l’État et la société de toutes parts : les endroits où la parole sur ce sujet est possible ne sont pas nombreux et quand ils existent, manquent de moyens ; l’accueil des personnes qui veulent porter plainte est pour le moins violent ; les affaires qui sont effectivement jugées finissent dans beaucoup de cas par être classées faute de preuve. Inscrire la notion de consentement ne suffira donc pas. Il faut garantir des moyens financiers et humains dédiés à la question des viols, former de manière obligatoire toutes les personnes qui accueillent, défendent ou jugent les affaires de viols. Surtout, il est important de continuer à nous organiser (notamment à l’occasion des 25 novembre et 8 mars), dans des collectifs, AG, pour revendiquer ces moyens et élaborer des plateformes revendicatives qui véhiculent les transformations nécessaires à une société libérée de toutes les oppressions.

Karine

Août 2024 : les Afghanes muselées

Depuis l’arrivée au pouvoir des talibans le 15 août 2021, les droits des femmes n’ont cessé de régresser en Afghanistan. À de nombreuses reprises, dans cette page, nous avons dénoncé les atteintes intolérables à ces droits durant ces trois années : droit à l’éducation pour les filles, droit de s’habiller et de disposer librement de son corps, droit de travailler. Au printemps 2023, la liberté de se déplacer dans l’espace public était attaquée à son tour : interdiction de se promener dans les parcs et jardins publics, de pratiquer des activités sportives, de se rendre seules au café ou au restaurant, de se déplacer sans chaperon sur une distance de plus de 72 kilomètres. La moitié de la population de ce pays assignée à résidence !

Mais cela ne suffisait pas. Pour le troisième anniversaire de leur arrivée au pouvoir, le ministère de la justice des talibans vient de promulguer un texte de loi pour “promouvoir la vertu et prévenir le vice” : l’un des nouveaux interdits impose aux femmes de “couvrir leur corps entièrement en présence d’hommes n’appartenant pas à leur famille”, de même que leur visage “par peur de la tentation”. Ceci implique le port d’un masque (type covid) sur la bouche. Idem si “les femmes doivent sortir de chez elle par nécessité”. Elles ne doivent par ailleurs pas faire entendre leur voix en public : il leur est désormais interdit de chanter ou de lire à voix haute.

Mais déjà la résistance des Afghanes s’organise : sur les réseaux sociaux, à l’intérieur du pays ou à l’étranger, seules ou en groupes, des femmes se rebellent en chantant. Associons nos voix aux leurs et à leurs chants, pour crever le silence incroyable des institutions internationales face à l’ignominie des conditions de vie qui leur sont imposées. N’oublions pas nos sœurs afghanes, emprisonnées sous leur propre toit et condamnées au silence, simplement parce que ce sont des femmes.

Joëlle