Une justice au service du pouvoir et du système bassines

Ce 17 janvier, le tribunal de Niort a rendu son verdict. Le juge a suivi les réquisitions du Procureur, et est même allé au-delà pour certaines. Dans ce procès évidemment politique, il a coché toutes les cases de la Macronie. Mais la lutte continue. Émancipation tendance intersyndicale assure de tout son soutien les personnes condamnées, y compris dans leur demande de levée des peines en appel. Elle contribuera à la réussite de la manifestation internationale contre les méga bassines prévue les 20 et 21 juillet.

Ci-dessous le communiqué du Collectif Bassines Non Merci et des Soulèvements de la Terre publié le 17 janvier à l’issue de l’énoncé du verdict.

Ce 17 janvier marque l’issue d’un procès où le tribunal de Niort s’est illustré une nouvelle fois par sa détermination à se mettre au service du pouvoir et du système bassines. Le juge Durafour a choisi, comme à son habitude, de suivre et même de durcir les peines demandées par le parquet, en distribuant de lourdes amendes, peines de prison avec sursis et bannissement des Deux-Sèvres pendant plusieurs années. Incarnant ce matin la voix du vieux monde, le juge est allé jusqu’à justifier sa décision en remettant en cause, au nom de son analyse lunaire des rapports du GIEC, l’état de nécessité et l’urgence à agir face à l’urgence climatique. Il a conclu ses motivations par une promotion désinhibée du système bassines pendant laquelle les condamnés ont choisi de sortir de la salle. Ceux-ci ont préféré marquer, au dehors et avec leurs soutiens, la nécessité de continuer le combat et les mobilisations sur le terrain et face à la justice. Voici une analyse à chaud de cette séquence et des suites à donner à ce jugement.

Neuf personnes ont été condamnées aujourd’hui par une justice aux ordres. Mais c’est bel et bien le droit fondamental à manifester et le mouvement anti-bassines qui est visé par cette condamnation politique.

Ce procès s’est tenu dans un contexte d’intenses pressions des pouvoirs exécutif et législatif pour criminaliser le mouvement écologiste en général et tenter de mettre un coup d’arrêt au mouvement antibassines en particulier. Il s’est déroulé dans le sillage de la Commission d’Enquête Parlementaire formatée pour justifier de nouvelles propositions de lois liberticides après Sainte-Soline et faciliter les dissolutions d’associations. Il a répondu aux appels du garde des Sceaux à en finir avec la “petite musique de la désobéissance civile” et à judiciariser systématiquement et en priorité les mobilisations écologistes. Il a appuyé les désignations diabolisantes du ministère de l’Intérieur sur les “éco-terroristes”. L’objet du procès pour le parquet était bel et bien de dédouaner le gouvernement de sa responsabilité écrasante dans le maintien de l’ordre sanglant à Sainte-Soline.

Nous y avons opposé notre conviction résolue de la nécessité de défendre les biens communs à l’heure de la catastrophe climatique, l’eau et les terres que le modèle agro-industriel empoisonne et s’accapare. Nous avons défendu avec les milliers de personnes rassemblées le 8 septembre l’état de nécessité et la liberté de manifester.

Nous avons pointé le danger qu’il y aurait à condamner des personnes parce qu’elles assument de prendre la parole pour un mouvement. Nous avons montré avec nos témoins l’inadaptation fondamentale des bassines aux enjeux climatiques, la corruption et les conflits d’intérêts au sein des institutions qui régissent l’usage de l’eau et leur soumission à des lobbys et intérêts privés. Nous avons plaidé pour le renouveau d’une agriculture paysanne qui prenne réellement soin de la biodiversité et d’une alimentation saine.

Le juge de Niort a choisi de se soumettre à l’intimidation politique et de condamner pour l’exemple quelques-unes des voix de ce mouvement pour tenter d’étouffer les autres.

Les peines retenues pour organisation de manifestation interdite vont d‘amendes de 1000 euros avec interdiction de territoire, à des peines de sursis jusqu’à trois mois, ce qui aboutit, avec les différents cumuls, à l’image de ce procès politique “fourre-tout”, à des peines allant jusqu’à 12 mois d’emprisonnement avec sursis pour Julien Le Guet, co porte-parole de Bassines Non Merci. Des interdictions de territoire de trois ans ont été prononcées pour tous les prévenus qui ne résident pas dans les Deux-Sèvres, et interdiction de Mauzé et Sainte-Soline pour Julien Le Guet. Le montant total des amendes et dommages requis avoisine les 20 000 euros.

Les peines d’exclusion des Deux-Sèvres de trois ans demandées sont la traduction emblématique de cette volonté d’étouffer un mouvement. Le fait d’interdire pendant des années à des personnes profondément engagées dans une mobilisation citoyenne et qui en portent régulièrement la parole de se rendre sur le territoire où ce mouvement se déploie, fusse-t-il de la taille d’un département entier, n’est ni plus ni moins qu’un bannissement politique. Les peines de prison, pour avoir supposément participé à l’“organisation d’une manifestation”, fruit du travail et de l’engagement de milliers de militant·es, est un parti pris répressif extrêmement inquiétant vis à vis des libertés publiques et syndicales dans ce pays. C’est la première fois que la CGT est condamnée pour organisation de manifestation interdite depuis l’occupation en 39-40. Quand un mouvement écologiste, syndical et paysan dérange, la réponse du pouvoir et celle du tribunal de Niort sont dorénavant claires : couper les liens militants, amicaux, les attachements profonds et intimes aux territoires que l’on défend, les mettre en exil ou les incarcérer.

Chacun des condamnés va se concerter au sein de son organisation et très certainement faire appel de cette décision que l’on ne peut laisser passer. Les batailles juridiques vont se poursuivre. La récente saisine par des dizaines de blessé·es de la Défenseure Des Droits aura pour but d’établir la vérité sur ce qui s’est passé à Sainte-Soline. Un recours va être également déposé auprès du Conseil d’État pour faire annuler les travaux et les conclusions de la commission d’enquête. Mais bientôt, nous devrons aussi batailler contre le projet de Loi d’Orientation de l’Avenir Agricole (LOAA) porté par le gouvernement. Celui-ci prévoit notamment d’inscrire les projets de bassines en “intérêt majeur”, afin de pouvoir s’affranchir des réglementations et garde-fous juridiques qui ont permis jusqu’alors de ralentir le bassinage généralisé du territoire.

La résistance sur le terrain face aux bassines ne s’est pas arrêtée pendant le temps judiciaire et va évidemment se poursuivre elle aussi, avec plus de détermination encore, dans les prochains mois.

Une prochaine mobilisation internationale est, comme vous le savez, d’ores et déjà annoncée du 14 au 21 juillet prochain, par plus de 65 organisations qui continueront à manifester quoi qu’il en soit. Les quelques bassines en chantier dans les Deux-Sèvres ont, nous le savons, le plus grand mal à voir le bout de leurs travaux. Celles qui restent en projet seront certainement arrêtées suite à des décisions de justice, comme cela a récemment été le cas à Poitiers ou par des actions massives pour la défense de l’eau.

Six ans jour pour jour après l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, les peines d’aujourd’hui ne nous font surtout pas oublier la nouvelle victoire obtenue hier sur le terrain avec l’abandon par Lafarge du projet d’extension de carrière de sable à Saint-Colomban et les victoires que nous arracherons demain dans les Deux-Sèvres et ailleurs.

Puisqu’il faut tirer le frein d’urgence, aujourd’hui plus que jamais, désobéir est un devoir et nous ferons en sorte de nous en donner le droit !

Le Collectif BNM & Les Soulèvements de la Terre