Mercredi 17 janvier 2024, Stop Arming Israel France était invité par le Collectif Solidarité Palestine 69, à la Bourse du Travail de Lyon. Patrice Bouveret, fondateur de l’Observatoire des Armements, a présenté les liens militaires et industriels entre la France et Israël. Une militante de Stop Arming Israel France a quant à elle présenté l’appel des syndicats palestiniens, ses répercussions mondiales et les actions déjà mises en place en France, dont l’activité d’Émancipation dans le cadre syndical et dans l’action. La première action ayant eu lieu le 15 novembre 2023, il s’agit donc d’un bilan de deux mois de campagne internationale.
Le collectif Stop Arming Israel France s’est donné pour objectif de diffuser et faire connaître l’appel des syndicats palestiniens, de diffuser et promouvoir les actions en lien avec l’armement d’Israël qui ont lieu dans le monde et en France, et d’informer et sensibiliser au sujet des liens militaires entre la France et Israël. C’est aussi, de fait, un rassemblement d’activistes et de militant·es de syndicats qui participent à des actions en lien avec l’armement.
L’appel des syndicats palestiniens
Le 16 octobre 2023, les syndicats palestiniens ont lancé un appel mondial à l’aide : “End all complicity. Stop Arming Israel”. L’appel est issu du collectif Workers in Palestine, qui regroupe plus de 30 syndicats et associations professionnelles. Les différentes confédérations syndicales y sont représentées, ainsi que des syndicats indépendants aussi bien de Gaza que de Cisjordanie (L’appel est à consulter sur le site workersinpalestine.org).
Dans cet appel unitaire, les Palestinien·nes elles et eux mêmes nous demandent de :
- Refuser de construire des armes destinées à Israël.
- Refuser de transporter des armes vers Israël.
- Adopter des motions en ce sens au sein des syndicats.
- Agir contre les entreprises complices qui participent à la mise en œuvre du siège brutal et illégal de Gaza par Israël.
- Faire pression sur les gouvernements pour qu’ils cessent tout commerce militaire avec Israël.
L’appel s’adresse d’abord aux organisations syndicales, et plus généralement aux travailleurs·euses du monde entier. Il s’inscrit dans la tradition de solidarité internationale, d’anti-impérialisme et d’anti-militarisme, centrale dans le mouvement syndical et ouvrier.
Plus largement, il n’est pas nécessaire d’être syndicaliste pour répondre à leur appel : en tant qu’habitant·es de grandes puissances impérialistes qui soutiennent la machine de guerre israélienne, nous sommes toutes et tous bien placé·es pour y répondre.
Nous savons que sans le soutien militaire de nos pays occidentaux Israël ne pourrait tout simplement pas mener l’offensive génocidaire en cours. Si les actions de boycott sur des marques alimentaires ou de vêtements permettent une pression économique, c’est bien avec des armes que sont tués les enfants palestiniens.
Sans les envois d’armes, de technologies et de pièces détachées par les pays occidentaux, nous savons que les bombardements s’arrêteraient au bout de trois jours. En manifestation, sur les réseaux sociaux, en interpellant nos élu·es, nous implorons jour après jours nos gouvernements de demander un cessez-le-feu. Cela ne suffit plus. Il est clair que ni Netanyahou, ni nos chef·fes d’État ne nous écoutent. Ce cessez-le-feu, nous pouvons l’imposer, en coupant les vivres à l’armée israélienne, en coupant le robinet des envois d’armes.
Les réponses à l’international
À ce jour, 39 syndicats et organisations sont référencés comme soutenant la campagne sur le site de Workers in Palestine. Ce sont à la fois des syndicats sectoriels, comme les dockers de Barcelone, les mines de charbon en Colombie, ou les conducteurs de trains à Chiba au Japon ; des syndicats nationaux tels que la CGT en Espagne ou le SI Cobas en Italie ; et des organisations syndicales internationales (IAATW – International Alliance of App-Based Transport Workers, Public Services International…).
L’appel a également été publié par le Réseau Syndical International de Solidarité et de Lutte (RSISL), qui regroupe près de 200 organisations et mouvements syndicaux.
En Espagne, une grande campagne unitaire, “Fin del commercio de armas con israel”, regroupe des centaines d’organisations syndicales, associations, partis politiques et individus.
Une tribune internationale intitulée elle aussi “Stop arming Israel”, “pour mettre fin à la complicité avec les crimes internationaux et demandant un embargo bilatéral sur les armes à destination d’Israël” a, elle, été signée par plus d’une centaine d’organisations donc ATTAC, l’UJFP et l’AFPS. Sans toujours mentionner l’appel des syndicats palestiniens, de nombreuses organisations et groupes dans le monde mènent donc cette campagne et reprennent le mot d’ordre “Stop arming Israel”.
Cela a donné lieu à des actions dans de nombreux pays, dont certaines ont été diffusées sur les réseaux sociaux ou dans des articles de presse.
Quelques exemples d’actions dans divers pays
En Angleterre, le collectif Workers for a Free Palestine a organisé plusieurs opérations de blocage regroupant des centaines de militant·es, travailleur·euses, syndicalistes et activistes, notamment sur des usines Elbit, principale entreprise d’armement israélienne, ou BAE systems, qui vend des missiles à Tsahal. Le groupe Palestine Action quant à lui organise régulièrement des actions coup de poing, bloque et occupe des sièges sociaux, force des usines à fermer en s’introduisant sur les sites ou en menant des actions de sabotage.
Aux États-Unis et en Australie, des manifestations et des blocages dans des ports ont permis de retarder des bateaux de l’entreprise israélienne ZIM, qui convoient notamment des armes. À Oakland, un bateau a été envahi par des activistes. À Seattle, le départ d’un bateau a été retardé de huit jours. En Australie, les manifestant·es ont pu perturber un convoi en encerclant le bateau en jet-ski.
Les dockers ont également rejoint la campagne, en bloquant les ports : en Italie, les travailleurs portuaires ont bloqué par la grève les ports de Palerme et Ravenne, tandis que les dockers grecs ont organisé une journée de grève sur les ports de Méditerranée.
Le jeudi 10 décembre, des actions coordonnées ont eu lieu dans plusieurs pays d’Europe.
Rassemblements, blocages, saccage de sièges sociaux : des groupes d’activistes organisent des actions partout dans le monde, avec et sans les syndicats.
Les réponses en France
Ici, ce sont d’abord des syndicats d’enseignant·es qui ont pris position. Émancipation, tendance intersyndicale, a été la première à rejoindre l’appel. Ont suivi la FSU, le SNES et Sud Éducation à l’échelle nationale. À l’échelle locale, la CGT Éduc’action 95, Sud Éducation 35, la CNT Finistère 29, et le Syndicat des Travailleurs Autogestionnaires du Finistère (STAF) ont soutenu l’appel.
D’autres syndicats ont publié le texte de l’appel sur leurs sites internet, sans prendre position activement pour le moment : l’Union Syndicale Solidaires, la CNT-SO, l’UL CGT de Gimgamp et l’UL CGT de Paris 18.
Solidaires Industrie, branche armement, a également sorti le 10 novembre 2023 un communiqué adressé aux travailleurs et travailleuses du secteur dénonçant l’usage fait des armes à Gaza et dans d’autres guerres. Ils lancent une perspective : “préparons-nous à nous donner le pouvoir de décider ce que nous produisons”.
Les syndicats de dockers de Marseille ont quant à eux mis le port à l’arrêt par une heure de grève symbolique “pour la paix” le 1er décembre, dans le cadre de la coordination dirigée par les dockers grecs.
Les répercutions syndicales sont encore insuffisantes. Face à l’urgence du moment, face à l’évidence de cette campagne, on attendrait plus de prises de position, et des prises de position plus claires, des grandes forces syndicales à l’échelle nationale.
Syndicalistes, à nous de pousser dans ce sens dans nos structures syndicales, de soumettre des propositions de motions, de proposer des actions… aussi bien à l’échelle locale, sectorielle que nationale.
C’est face à ce constat que s’est lancé le collectif Stop Arming Israel France, avec à sa base des militant·es de syndicat, dont des membres d’Émancipation, et d’autres activistes, pour mieux relayer l’appel, la campagne, et les actions qui peuvent être prises en France.
Des actions très variées
Le 15 novembre, un rassemblement a eu lieu à Villepinte (93), devant MILIPOL, salon international de l’armement, qui mettait à l’honneur 52 entreprises israéliennes. Si la préfecture de police l’a interdit aussitôt annoncé, sur la base de motifs fallacieux, une trentaine de personnes se sont tout de même rassemblées derrière une banderole Stop Arming Israel. Face à elles, une centaine de policiers venus défendre la sauterie des vendeurs de mort. Malgré la répression, cette action a mis en lumière cet événement à l’échelle nationale et a permis de lancer la campagne.
Par la suite, les actions se sont succédé : à la Défense, devant le siège de l’entreprise Thalès qui collabore à la fabrication de drones avec l’israélien Elbit ; devant un laboratoire de l’université Paris-Saclay co-géré lui aussi par Thalès ; à Paris, devant le siège de l’entreprise Exxelia, dont les composants ont été retrouvés parmi les débris d’un missile ayant tué trois enfants à Gaza en 2014 ; à Paris encore devant les bureaux de la banque Barclays, qui investit dans de nombreuses entreprises d’armement complices du génocide…
Des actions de visibilisation de la campagne ont également eu lieu dans des lieux publics, avec des déploiements de banderoles et de drapeaux à la Gare du Nord et la Gare Saint-Lazare à Paris, devant le sapin de noël du Forum des Halles, sur un pont au-dessus du périphérique, sur les marches du Sacré-cœur à Montmartre… Ces actions, menées parfois en collaboration avec d’autres collectifs, ont toutes été très bien accueillies par les passant·es, qui ont repris les slogans et applaudi les activistes.
Les militant·es de Stop Arming Israel France travaillent également à faire connaître la campagne en organisant des stands, des tractages et des cortèges pendant les manifestations pour la Palestine, avec la participation des membres d’Émancipation à Paris.
Des opérations de collage ont eu lieu dans plusieurs villes de France, notamment aux abords des locaux d’entreprises complices telles que Safran et Thalès, en partenariat avec des groupes de colleuses féministes aussi bien à Paris qu’en régions.
Enfin, le tractage auprès des travailleur·euses des entreprises d’armement s’est imposé comme étant une activité centrale. Un tract leur étant spécifiquement adressé a été élaboré. Les objectifs sont multiples : les sensibiliser au sujet de la Palestine ; les informer sur les complicités de leur entreprise avec Israël, dont ils ignorent souvent tout ; les inciter à en parler sur leur lieu de travail et à poser des questions ; les encourager à nous faire parvenir des informations s’ils/elles en ont ; enfin, les encourager à s’organiser pour exprimer leur désaccord avec les choix de leur employeur, notamment par la grève. Plusieurs opérations de tractage ont ainsi d’ores et déjà eu lieu sur des sites des entreprises Safran, Thalès et Nexter en région Parisienne, et un rythme régulier est en train de se mettre en place.
Favoriser les initiatives
Différents groupes d’activistes se sont formés pour organiser et participer à des actions ces derniers mois et semaines. Stop Arming Israel France relaye, soutient et encourage chacune de ces initiatives. Le but de la campagne est que toutes ces formes d’actions se multiplient pour mettre en lumière les collaborations militaires entre la France et Israël, mettre les entreprises face à leurs responsabilités, et perturber leur activité autant que possible.
Pour l’instant, les actions visant spécifiquement l’armement en France ont principalement eu lieu en région Parisienne. La rencontre à Lyon aura été l’occasion de participer à construire la mobilisation sur place. Cette mobilisation est appelée à grandir et à se répandre dans toutes les régions.
Pour aider à ce que la campagne se diffuse, Stop Arming Israel France a commencé à mettre en place des outils pour que chacun·e puisse s’en emparer :
- une page de ressources en libre accès offre des affiches et des tracts à télécharger et imprimer : https://padlet.com/stoparmingisraelfrance/ressources
- une carte interactive a également été créée pour recenser toutes les implantations des entreprises d’armement en lien avec Israël. Celle-ci est encore en cours d’élaboration, chacun étant invité à écrire pour suggérer des sites à ajouter à l’adresse stoparmingisraelfrance@proton.me ;
- des fiches d’information par entreprise sont en cours d’élaboration pour recenser les liens qu’elles entretiennent avec l’armée israélienne.
Le but est que chacun·e puisse rejoindre la campagne et que, partout en France, des groupes puissent se former pour aller tracter auprès des travailleur·euses ou organiser des actions. Le 7 février a d’ores et déjà été annoncé comme journée internationale d’action contre les entreprises d’armement complices. Espérons qu’elle sera suivie, et que la campagne continuera de se développer. La solidarité est plus que jamais notre force.
Isa