Chronique des sexismes ordinaires

PARCE QUE C’EST AUSSI UNE FORME DE HAINE

En Russie, mais pas que…

Depuis le début du conflit et suite aux pertes humaines sur le front ukrainien, la Russie adopte des mesures contre l’avortement. Ainsi dès l’automne dernier, de nombreuses villes ont affiché des campagnes gouvernementales en faveur de la natalité.

Plus récemment, Vladimir Poutine tout en se disant opposé à l’interdiction de l’avortement a déclaré haut et fort que les IVG étaient contre l’intérêt d’un pays : “L’État a intérêt à ce que le problème démographique se résolve de lui-même si les femmes décident, après avoir appris qu’elles sont enceintes, de préserver la vie de l’enfant”. Mêlant le problème démographique et la morale, il vilipende la communauté LGBT+, et fait l’apologie des familles nombreuses au nom de valeurs traditionnelles se rapprochant de la position anti-avortement de l’église orthodoxe.

Cet hiver, dans la droite ligne de ces déclarations conservatrices, des cliniques privées ont restreint le droit à l’IVG. Dans plusieurs régions, les contraceptifs d’urgence ont été plus difficiles à obtenir. Selon la démographe Viktoria Sakievitch, les hôpitaux doivent désormais “faire pression sur les femmes [qui viennent pour avorter], les effrayer”.

Compte tenu des conflits actuels sur la planète, les politiques natalistes ont de beaux jours devant elles. Et en France ? Les propos tenus le 16 janvier par Emmanuel Macron, ne sont guère différents sur le fond. Les termes choisis par le chef de l’État sont ultra choquants : Le “réarmement démographique”, qui fait suite au “réarmement civique” a de quoi nous révolter. Ce registre guerrier n’annonce rien de bon. Les injonctions ne sont pas de mises, monsieur le Président, c’est nous qui décidons ! Des enfants, si on veut, quand on veut et pas de la chair à canon !

Joëlle

Olympisme et sexisme

Macron se dit “déterminé” à faire des jeux olympiques et paralympiques une des “fiertés françaises” : il faut “faire beaucoup plus” qu’à Tokyo, arracher 80 médailles…

Célébrant sans cesse l’olympisme, relayé par la presse, Macron se situe en continuité de la devise des JO (“Toujours plus vite, plus haut, plus fort”), la devise, disait Coubertin, “de ceux qui osent prétendre abattre des records”.

Car l’olympisme est intouchable, et Coubertin, son totem, honoré en dépit de ses positions réactionnaires. Il se déclarait “colonialiste fanatique”, et en 1936 (JO de Berlin), adressait ses louanges à Hitler “un des plus grands esprits constructeurs de notre temps”. Quant à l’accès des femmes aux JO, en 1912, il déclarait : “Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte”. « Le véritable héros olympique est à mes yeux l’adulte mâle individuel. Les Jeux Olympiques doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout de couronner les vainqueurs”.

Aujourd’hui, le CIO valorise la présence des femmes dans le sport. Mais ces modifications ne sont pas tant liées à “la mise en cause des stéréotypes de genre” qu’à “une évolution sociale du capitalisme mondialisé particulièrement insidieuse” 1.

Ainsi, en 2008, Roger Roge président du CIO n’hésitait pas à affirmer : “Le sport a besoin des femmes, de leur participation non seulement parce qu’elles représentent la moitié de l’humanité, mais parce qu’elles jouent un rôle essentiel dans la société et en particulier pour ce qui est de transmettre l’amour du sport aux jeunes”.

Et le patron de WTA, l’association du tennis féminin, se réjouissait de la diversification de la provenance des joueuses pour développer de nouveaux marchés : “Nous attendons l’émergence de joueuses de l’Est asiatique […] c’est la certitude de conquérir de nouveaux territoires en termes de marketing”. C’est pourquoi de 2008 à 2013, “les filles iront jouer leur Master au Qatar puis ce sera Istanbul”. “Ce seront ainsi 14 millions de dollars qui entreront dans les caisses de la WTA” en six ans. Et les sponsors traquent les jeunes filles au “physique prometteur” dès leur plus jeune âge. Le corps des femmes est aussi exploité pour conquérir de nouveaux territoires en termes de marketing.

Décidément l’institution sportive, loin de contribuer à l’émancipation des femmes, en soumettant leur corps à la compétition le transforme en corps-objet.

Hélène

  1. Ronan David, Le sport contre les femmes. ↩︎