Droit de réponse
C’est avec stupeur que nous avons pu lire dans la revue un article de Christian Eyschen titré : Un ouvrage qui fera date et qui s’en prend à Jean Pierre Obin le traitant de raciste et de xénophobe.
Il y a de quoi être doublement outré :
• Cette revue, continuatrice de l’École Émancipée d’avant 2004, la plus ancienne revue du syndicalisme radical de l’enseignement, créée en 1910, n’a jusqu’alors jamais faibli dans son opposition à tous les intégrismes : chrétiens, juifs ou musulmans… Et voilà qu’est publié, en bonne place et sans aucun recul, un texte d’un militant extérieur à la tendance (dont la revue est l’expression) et qui a condamné l’interdiction du port des signes religieux ostensibles à l’école, ne visant pourtant qu’à garantir le rejet de toute emprise religieuse sur la liberté des élèves.
• On peut avoir des désaccords sur la laïcité, avec Jean-Pierre Obin le cas échéant, mais il est infâme qu’on lui fasse un procès en racisme et en xénophobie.
Voici ce qu’on peut lire dans L’Émancipation :
“L’ouvrage de Françoise Lantheaume et Sébastien Urbanski fera date, il vient à point nommé pour faire le contrepoint des propos racistes, xénophobes, à la solde du gouvernement macroniste, du dénommé Jean-Pierre Obin, auteur de L’école face à l’obscurantisme religieux, éditions Max Milo en 2006, encensé par tout ce que la sphère “officielle” compte de réactionnaires. Ce « nouveau croisé », Inspecteur général commandité par le gouvernement de Dominique de Villepin, se prend pour Charles Martel en 732 à Poitiers, il n’est jamais vraiment descendu de cheval depuis.”
Que Christian Eyschen (ancien militant FO, Franc-maçon, dirigeant de la “Libre Pensée”), s’en prenne aux intrusions politiques dans l’école publique, c’est son droit. Cela étant, l’État, dans le cadre de sa responsabilité, peut décider d’organiser des temps forts symboliques sans instrumentaliser l’école lorsque par exemple, des enseignants sont assassinés pour avoir assuré leur mission, par des fous de dieu. Par ailleurs, les intrusions politiques dans l’école ne datent pas d’aujourd’hui et ont toujours été dénoncées et combattues par les instituteurs syndicalistes qui, au début du siècle dernier, dénonçaient l’emprise des potentats locaux.
Mais pourquoi ne pas dénoncer bien d’autres intrusions, notamment de la part des militants de l’islam politique, instrumentalisant des élèves ? Le dénoncer, est-ce être raciste ? Les premières victimes de l’intégrisme islamique ne sont-elles pas les jeunes filles de culture musulmane, sommées de se conformer à des diktats religieux dont la légitimité est loin de faire l’unanimité chez nos concitoyens musulmans ?
Ce sont des jeunes filles musulmanes qui, les premières, en 2003, ont demandé qu’on ne recule pas en matière de laïcité, car si le port du voile était autorisé au sein de l’école, elles seraient obligées de le porter.
On ne compte plus les agressions en milieu scolaire imputables aux musulmans intégristes. Deux enseignants ont été assassinés, d’autres ont été menacés… Récemment, dans un département d’Ile-de-France, une professeure qui avait parlé de la Shoah dans sa classe a été menacée par un “père d’élève” et frappée chez elle. Évidemment qu’on ne dira pas son nom : protégée par la police, elle a été de nouveau menacée. Elle a peur. Qui n’aurait pas peur à sa place ?
Dans son article, Christian Eyschen dénonce les provocations politiques venant de mairies de droite et d’extrême droite voulant supprimer les repas de substitution sans porc dans les cantines. Mais que n’est-il pas dénoncé en même temps que, pour “faciliter le service” des restaurants scolaires, on laisse se multiplier des tables “sans porc” distinctes des autres auxquelles sont parfois assignés des enfants en fonction de leurs souhaits supposés. On traite ainsi certains enfants non plus à égalité de droit mais chacun selon sa communauté supposée, par assignation ce qui constitue l’air de rien une discrimination, tout en encourageant le séparatisme.
Alors oui à la contradiction, mais en développant une argumentation construite sans manier ce vil procès en racisme et en xénophobie qui, par l’atteinte morale entend faire table rase de tout débat, et abîme notre démocratie.
Que Jean Pierre Obin ne soit pas vu comme un révolutionnaire aux yeux de certains, n’autorise en rien ces attaques abjectes qui touchent à l’honneur d’un homme. Rien ne peut étayer ces accusations dans ses propos ou ses écrits. Lorsque j’ai dirigé la publication du livre collectif sur la laïcité , Christian Eyschen, sans l’avoir lu ni même ouvert, l’a désigné publiquement ainsi : “La laïcité, une exception menacée, co-signé entre autres par Jean-François Chalot, Caroline Fourest, Éddy Khaldi, Guylain Chevrier, bref, le ban et l’arrière-ban des pseudo-laïques pétris de xénophobie antimusulmane”. C’est ainsi qu’il nous voit et nous désigne à la vindicte de ceux qu’ils considèrent comme les “vrais” laïques, uniquement ceux qui pensent comme lui.
Pour nous, la laïcité, ce sont des principes qu’il faut défendre, notamment la liberté de conscience qui est l’émanation de la liberté de pensée, et le devoir pour la République de protéger l’ensemble de ses enfants contre tous les intégrismes, quels qu’ils soient.
Jean-François Chalot et Jean Mourot