Réponses à Claude Marill
Dans l’article Face à la guerre génocidaire en Palestine, que faire ? (Revue n°9), il y a, de mon point de vue, plusieurs inexactitudes. Et un point de vue général qui nous éloigne du soutien au peuple palestinien.
• Cette guerre n’est pas une guerre Israël-Hamas. C’est une guerre de destruction du peuple palestinien. Il n’y a eu ni riposte, ni représailles de l’État colonial. Gaza est attaqué en permanence, quelle que soit la période. Faut-il rappeler le bilan des “marches du retour” ? 350 mort·es et près de 10 000 estropié·es alors que les manifestations étaient pacifiques.
• Dans une guerre coloniale, il y a un oppresseur et un opprimé. Il ne me semble pas correct de mettre sur le même plan Israël et ses alliés avec les alliés du Hamas. Certes le régime iranien est une horreur. Mais ce qui se passe à Gaza n’a rien à voir avec l’Iran ou avec le boucher de Damas. Au contraire, c’est l’intérêt de Nétanyahou d’internationaliser la guerre de génocide qu’il mène.
• Les témoignages sur ce qui s’est passé en 2007 à Gaza sont formels. Il y a eu une tentative de coup d’État d’un dirigeant mafieux du Fatah (Mohammed Dahlan) encouragé par l’Occident et par les dirigeants israéliens. Voyant qu’il allait échouer, il s’est enfui, laissant ses troupes se faire massacrer. Le Hamas n’avait pas “prémédité” de prendre le pouvoir à Gaza.
• Le Fatah n’a pas été “chassé” de Gaza. J’ai rencontré sans problèmes ses dirigeants (en 2016) qui ne sont pas clandestins. J’ai rencontré de même les dirigeants du Hamas, du Jihad Islamique, du FPLP, du PPP, de l’Union Démocratique Palestinienne…. Gaza n’est pas une dictature. C’est une société pluraliste où, quand on rentre dans un taxi collectif, on entend aussi bien “vive le Hamas” que “à bas le Hamas, ce sont des corrompus”. Les gens s’expriment librement.
• Claude qualifie l’attaque du 7 octobre “d’incontestablement terroriste”. Le “terrorisme” fait partie de l’arsenal juridique français (et européen) et on voit l’usage qui en est fait : quiconque remet en cause la version des génocidaires à propos du 7 octobre, est accusé “d’apologie du terrorisme”. Ce terme n’existe pas dans le droit international. Par contre les termes “crimes de guerre”, “crimes contre l’humanité”, “apartheid” et “génocide” sont très précisément définis et l’État d’Israël coche les quatre cases.
• S’il faut comparer le 7 octobre à un événement qui concerne la France, c’est le 1er novembre 1954. Ce jour-là, les insurgés algériens ont tué des civil·es : instituteurs/trices, médecins, agriculteurs/trices… Je ne sais pas quel autre choix ils avaient. Comme disait Mandela : “C’est toujours l’oppresseur et non l’opprimé qui choisit la forme de lutte”. Amnesty International parle de “crimes de guerre” le 7 octobre. Restons-en là. Et il est préférable de reprendre l’expression des anticolonialistes israéliens sur le 7 octobre : “c’est une cocotte-minute qui a explosé” (Michel Warschawski).
• J’étais au Caire le 7 octobre dans un hôtel rempli de Gazaouis. Apprenant que la “barrière” avait été coupée et que des dizaines d’Israélien·nes étaient emmené·es à Gaza, la réaction a été : “on va pouvoir les échanger. Enfin nos prisonniers vont rentrer à la maison”. Faut-il rappeler que 900 000 Palestinien·nes ont connu la prison depuis 1967.
Plus de la moitié de l’article de Claude porte sur l’Iran et ses alliés. Je m’excuse, dans un article sur la guerre génocidaire à Gaza, c’est totalement hors sujet.
Il y a sûrement une vraie question : pourquoi la société civile palestinienne pluraliste, éduquée, résiliente, unitaire, organisée en une multitude d’associations petites et grandes, est-elle non écoutée ou silencieuse ?
Répondre à sa souffrance c’est l’aider à rester debout, à ne pas être vaincue comme d’autres peuples l’ont été. C’est lutter pied à pied dans nos sociétés pour briser la complicité obscène de nos dirigeant·es et de nos médias avec les génocidaires.
L’Occident présente cette guerre comme celle de la démocratie contre le fanatisme. Claude la présente comme la guerre du Mal contre le Mal.
Ce n’est ni l’un, ni l’autre. C’est juste la tentative de destruction d’un peuple qui aspire à la liberté, à l’égalité et à la justice.
Pierre Stambul