Pourquoi tant d’agitation et parfois de passion autour de la loi qui se prépare et dont l’intitulé est un moyen terme entre “assistance” (en fin de vie) et plus crûment “euthanasie”.
Toutes sortes de débats s’instaurent : sur la légitimité éthique de l’intervention au jugé (très incertain) du temps de vie de l’intéressé probablement restant, sur la qualité de l’arbitre ou des décisionnaire(s), etc.
Le fond du problème est plutôt : pourquoi une telle loi en cette période précise alors que les dispositions légales sur ce sujet de la mort privée – O combien délicat et sensible ! – existaient déjà, de toutes façons débordées comme toutes les précédentes par la pratique des soignant·es – et exceptionnellement des proches – en des situations critiques de souffrance du ou de la malade.
On comprend les tâtonnements légaux sur le plan philosophique : ayant dans nos pays supprimé la peine de mort, nous ne nous sentons guère le droit, même dans les fonctions d’autorité les plus hautes, d’intervenir dans le plus intime de l’intime et par essence le domaine où les conséquences de l’action seront définitives.
Sur le plan politique les raisons de cette préoccupation gouvernementale me semblent plus glauques et plus effrayantes.
On a ôté toute espérance à la plupart d’entre nous : le néo-libéralisme s’est aggravé et a gagné toutes les sphères de la société, réduisant une masse énorme et grandissante de gens à la misère ou à la pauvreté, détruisant notre système socialo-sanitaire, en particulier hospitalier, jetant à la rue toutes celles et ceux que la flambée des loyers et des prix, surtout dans les grandes villes, rend incapables de les payer avec des salaires stagnants voire dérisoires ou des indemnités de chômage régulièrement réduites.
Un député suggérait que cette aide à mourir risquait d’être un moyen, pour le gouvernement, de faire des économies sur les dépenses de santé augmentant avec l’âge !
On peut se demander aussi si légiférer sur ce gravissime sujet ne s’intègre pas au retrait des libertés fondamentales – d’expression et de choix de vie – visible dans la répression de ceux et celles qui refusent de soutenir les consensus officiels.
Pour qui est au bas de l’échelle sociale, nulle échappatoire possible à cette situation et pour les mieux nantis·e, une marée montante de sottises passant pour de l’information et de la culture, et de passe-temps technologiques pour de la liberté. Aucune source de vie et de socialisation dans tout cela.
Internationalement on nous entraîne déjà mentalement dans une guerre possible contre la Russie et une participation aux combats en Ukraine… pour commencer : ça nous occupera l’esprit.
Comment dans ces conditions, malgré la lutte continue pour l’égalité, la culture et la création pour tous et toutes, continuer d’espérer, d’aimer la vie et rester décidé·es à la défendre coûte que coûte, à l’améliorer, la fortifier et la reconquérir quand elle est psychiquement ou physiquement en péril ?
Le plus facile serait de se laisser couler et pour favoriser cette tendance, laisser la médecine ou nos proches décider de notre fin.
Pour le pouvoir, se trouverait résolu cet encombrant et insoluble problème des luttes persistantes individuelles comme collectives.
Marie-Claire Calmus