À la lecture de l’Arbre-Monde on ne peut s’empêcher de penser à toutes les luttes menées actuellement en France autour du changement climatique et de la destruction de la nature, des arbres notamment, et de l’exploitation des forêts domaniales par l’ONF au profit de la filière industrielle du bois.
Richard Powers, romancier américain qui écrit depuis 1985 (Trois fermiers s’en vont au bal, publié au Cherche-Midi, en 2004), est considéré comme l’un des écrivains les plus importants de la littérature américaine – Prix Pulitzer 2019 pour ce roman [publié en 2018 aux États-Unis] mais aussi National Book Award en 2006 pour La chambre aux échos.
Ce roman s’inscrit directement dans la prise de conscience d’une petite partie de l’humanité de l’importance de la nature (initiale) sauvage, de l’impossibilité d’une croissance infinie dans un monde fini, de l’importance fondamentale de la biodiversité, des équilibres à retrouver si on veut éviter l’extinction de l’humanité due aux impacts du dérèglement climatique à la surface de la Terre.
Mais il s’agit bien pourtant d’un roman, qui s’appuie sur des faits réels1 (comme aime à le rappeler le cinéma grand public hollywoodien)
Utilisant une réflexion sur les arbres, qui, “[…] chacun dans leur unicité, participent à l’équilibre du monde, et forment un écosystème interdépendant, non seulement avec leurs congénères, mais aussi par l’intermédiaire des systèmes-réseaux fongiques reposant sur des champignons voire des petits rongeurs […]”, il ouvre la fiction à une réflexion sur les liens indissociables entre l’humanité et les arbres, la forêt.
Or la déforestation industrielle du dernier reste de forêt primaire, Great Smoky Mountains, met en péril l’équilibre du monde car 95 % à 98 % des forêts américaines – qui auraient dû durer toujours – ont déjà été abattus victimes d’enjeux bassement financiers
Le roman commence par une suite de portraits d’individus dont le destin semble lié à un arbre ce qui laisse accroire qu’il s’agit d’un recueil de nouvelles puis les récits se rejoignent petit à petit tels autant de cours d’eau venant grossir le fleuve de la narration.
Nous suivons alors le parcours de neuf personnages dont la destinée va se lier autour d’un arbre mythique voire mythologique, Mimas, en Californie, où ce séquoia géant, et tout son environnement, est menacé de destruction par une compagnie agro-industrielle, prête à tout, voire au pire, pour alimenter la filière du bois, très prospère aux États-Unis.
Le roman s’articulant en quatre parties (Racine, Tronc, Cime & Graines) nous allons donc suivre neuf protagonistes, aux parcours et vécus différents : le descendant d’une famille d’immigrés norvégiens ayant grandi à l’ombre d’un châtaignier familial ; une fille d’immigrés chinois, et ses deux sœurs autour d’un mûrier de leur jardin ; un jeune surdoué en passe de devenir sociologue ; un couple qui s’épanouit dans des rôles joués au théâtre amateur ; un ancien militaire sauvé miraculeusement par des arbres lors de la guerre du Vietnam ; un adolescent devenu paraplégique à la suite de la chute d’un arbre et qui va devenir un génie informatique ; une biologiste détruite par ses pairs et qui vit dans la forêt parmi les arbres ainsi qu’une jeune femme qui “revient” d’un accident mortel et qui sera l’égérie du groupe.
Devenu·es défenseur·es des arbres à leur corps défendant, iels vont se trouver embarqué.es dans une aventure contre l’État, l’industrie agro-forestière et tous ceux qui ont intérêt à la destruction de ce qui reste de la forêt primaire pour y replanter des espèces exploitables rapidement…
Bernard Foulon
- L’Arbre-Monde est visiblement inspiré de l’histoire de Julia Lorraine Hill, militante écologiste américaine ↩︎
La lutte contre l’autoroute A69
Partout en France des opposant.es s’organisent pour défendre des arbres, des forêts, menacé.es particulièrement dans des zones fortement urbanisées (Politis a publié un article sur ce sujet)
Bien sûr le parallèle se fait avec la lutte contre l’autoroute A69, à laquelle s’oppose sur le parcours une très grande majorité des habitant·es ainsi que le Groupe National de Surveillance des Arbres, [entre autres organisations], paralèlle aussi avec la grève de la faim, en haut d’un platane face au Ministère de la Transition Écologique à Paris, de 33 jours de Thomas Brail, qui a été délogé par la police le 24 septembre, accompagné dans son action par 14 autres grévistes de la faim en Occitanie.
Thomas Brail avait décidé, le 4 octobre, d’entamer une grève de la soif (ainsi que plusieurs autres personnes) face au refus des élu·es, et de la Présidente (PS) de la Région, Carole Delga, d’arrêter ce projet anachronique et inutile.
Ces actions ont été stoppées à la suite de l’annonce de la suspension provisoire de l’abattage des arbres avant une réunion le 13 octobre qui n’a débouché sur aucun accord. Le ministère des transports a annoncé que “[…] le projet d’autoroute A69 entre Toulouse et Castres ira « jusqu’à son terme » et son chantier, va reprendre lundi 16 octobre…” .
Dans une lettre ouverte à E. Macron 1500 scientifiques ont appuyé cette demande.
Une manifestation est prévue sur le parcours de l’autoroute Castres-Toulouse les 21 et 22 octobre.