Sommaire

Sommaire

Les militants libertaires précurseurs de l’égalité homme/femme pour la contraception

Les médias mainstream se sont récemment emparés de ce sujet, brève sur France-Culture dans le journal de 8h en février, et documentaire sur France3 le même mois, par exemple. Ces médias surfent sur l’effet et ses répercussions dans la société, sur le débat autour du droit à l’IVG à inscrire dans la Constitution ainsi que celui autour du partage de la charge de la contraception.

Bien sûr depuis quelques temps on peut s’adresser à des centres de contraception et d’IVG (CIVG), comme le centre Simone Veil du CHU de Nantes comme on peut le lire dans l’article de la revue de mars .

Mais la vasectomie, puisqu’il s’agit de cela, ne date pas d’il y a quelques mois…

À Bordeaux en 1936

Le Métron

Le 30 avril 1936, cinq hommes, militants anarchistes sont condamnés par le tribunal correctionnel de Bordeaux et plusieurs dizaines de militants sont poursuivis ; ils le sont avant tout parce qu’ils se revendiquent militants anarchistes, mais ce n’est qu’un prétexte pour la justice, ils sont en fait poursuivis pour s’être fait pratiquer une vasectomie.

En effet c’est les 23 et 24 mars 1935, à la demande du Groupe libertaire de Bordeaux, que le médecin Norbert Bartosek pratique des vasectomies sur 15 hommes.

Or pour l’État cette atteinte à leur corps, à leur capacité de reproduction (fabriquer de la chair à canon, rôle qui est principalement assigné aux femmes, l’est forcément aussi aux hommes) n’est pas acceptable.

La vasectomie n’est pas interdite par les lois françaises, c’est l’acte chirurgical du médecin qui l’est : assimilé à une mutilation volontaire par la loi, ce qui la fait tomber sous le coup des articles 9 & 10 du code pénal qui prévoit amende et peines de prison.

D’ailleurs le seul médecin du groupe de Bordeaux, le docteur Bartosek , de nationalité autrichienne, sera condamné à trois ans de prison et les militants anarchistes “vasectomisés”, Harel et Prévôtel, seulement à six mois pour “complicité de coups et blessures”.

La presse s’en mêle et un débat s’installe dans la société, les accusés faisant appel.

La Cour d’appel se saisit du dossier et le 8 juillet elle confirme les motifs de la condamnation, mais applique alors l’article 316 du code pénal, qui réprime la castration et l’article 311 qui vise les violences “coups et blessures volontaires”, mais diminue les peines, ramenant notamment celle de Bartosek à un an ferme, ce qui le fait libérer immédiatement, et à quatre mois pour Harel et Prévôtel.

Autoriser la vasectomie

La stérilisation est la première méthode contraceptive utilisée dans le monde , 26 % des Américains du Nord de 50 à 70 ans sont vasectomisés.

Aux États-Unis, il se pratique chaque année environ 500 000 vasectomies dans un but contraceptif. En Grande Bretagne ou au Canada, la vasectomie est utilisée par plus de 20 % des couples. En Belgique, en Espagne ou en Suisse, la proportion s’élève à environ 8 %.

Le sujet de la vasectomie revient dans les cercles militants lors du vote de la loi Neuwirth en 1967 qui autorise l’usage des contraceptifs, et notamment la contraception orale.

La loi vient abroger celle du 31 juillet 1920 qui interdisait non seulement toute contraception, mais aussi l’information sur les moyens contraceptifs. Elle n’est appliquée qu’à partir de 1972 à cause de multiples freinages de l’administration d’État et des partis politiques.

Cette loi stipulait que “[…] les individus peuvent, à bon escient, réclamer et obtenir de leur médecin les moyens de limiter leur fécondité […]”.

Mais ce sont les débats ouverts lors de l’adoption de la loi portée par Simone Veil en 1974 qui relancent l’intérêt pour cette méthode de contraception masculine.

Un militant libertaire nantais, Noël Leroux, se fait vasectomiser en avril 1975 et écrit une lettre ouverte au procureur de la République pour l’en informer.

Une brochure est éditée par la Fédération Anarchiste “La vasectomie, une contraception masculine interdite”, Le Monde Libertaire publie un article “L’année de la Femme ou une vasectomie subversive” la même année.

On trouve des débats autour de cette contraception dans les mouvances féministes et anarchistes, la journaliste Marina Mollof en fera écho dans un article publié par le journal Le Monde en juillet 1975.

Noël Leroux réalise un petit film militant, en 1976, évoqué par Le Monde Libertaire de janvier 1976 , montrant une vasectomie in vivo, accompagnée de schémas comparatifs sur la vasectomie et la ligature des trompes, popularisant les idées libertaires autour de l’inégalité homme/femme à ce sujet, et sur la nécessité d’y mettre fin en autorisant la vasectomie.

Tout reste donc à faire …

Bernard Foulon