Le lundi 16 octobre Mariam Abu Daqqa a été arrêtée à Marseille. La police lui a signifié un arrêté d’expulsion signé par Darmanin et l’a assignée à résidence.
Mariam Abu Daqqa est née à Gaza, au moment où des centaines de milliers de Palestinien·nes, victimes d’un nettoyage ethnique, s’y réfugiaient. Elle a connu la prison à l’âge de 15 ans. Un million de Palestinien·nes ont connu les prisons israéliennes depuis 1967. Puis il y a eu 30 ans d’exil. Militante du FPLP, farouchement féministe, elle a passé sa thèse en Bulgarie (en Palestine où elle est unanimement respectée, on l’appelle Doctora Mariam).
Je la rencontre en 2016 dans sa maison d’Abasan, au Sud-Est de la Bande de Gaza. Au mur, une photo avec Leila Khaled, cheveux au vent, à l’époque de la lutte armée. Ses premiers mots sont clairs : “Je lutte contre l’occupation de mon pays et le patriarcat dans ma propre société”.
Dans l’excellent film de Roland Nurier Yallah Gaza, elle est longuement interviewée. Du coup, le collectif Marseille Palestine en Résistances (dont fait partie l’UJFP locale) a décidé de l’inviter pour parler, entre autres des 30 ans d’Oslo. De nombreux autres groupes voulant aussi l’inviter, une tournée de 17 villes a été organisée. Elle a obtenu sans problème un visa Schengen de fin septembre à fin novembre donné par le Consulat de France à Jérusalem.
Dès la première conférence à Paris, le 2 octobre (avec le chirurgien Christophe Oberlin), les premières menaces sont apparues. Interdiction d’être à la tribune dans l’université de Lyon, interdiction de venir à l’Assemblée nationale pour le film Yallah Gaza (à l’invitation d’une députée LFI, Roland Nurier et moi-même présenterons le film), interdiction de la conférence à Metz.
Dans la région de Marseille, nous avons su contourner les interdictions. Malgré la présence de la police, nous avons tenu une conférence à la Bourse du Travail de Martigues. Malgré le retrait d’une salle municipale par le maire communiste de Martigues, nous avons rempli la salle de la MJC dont le directeur qui nous accueillait a dit : “sur la Palestine, je suis un résistant”. Malgré le retrait d’une salle du diocèse à Marseille, un curé courageux nous a accueillis. Une soixantaine de personnes n’ont pas pu entrer dans une salle archi-comble de 150 places. Mariam a pu rencontrer des élu·es et des syndicalistes. Elle a reçu un soutien efficace et total de la CGT 13, très engagée pour les droits des Palestinien·nes.
Lundi 16 octobre à 6 h 30 du matin, nous quittons ma maison (où elle était logée) pour la gare. Un véhicule démarre derrière nous et intercepte ma voiture à la sortie de l’Estaque. C’est la police nationale. Elle contrôle mes papiers et l’interdiction de téléphoner durera 20 minutes.
L’arrêté d’expulsion signé par Darmanin est un fourre-tout totalement surréaliste : on y trouve le FPLP terroriste (alors qu’il fait partie de l’OLP reconnue y compris par Israël), le fait que ses conférences parlent de “colonisation et apartheid” ou de “résister à Gaza”. Puis la logorrhée s’envole. Darmanin y mêle le “terroriste” Georges Ibrahim Abdallah, l’attentat d’Arras, le trouble à l’ordre public…
Depuis, Mariam est assignée à résidence dans un hôtel pour réfugié·es (principalement ukrainien·nes) de 22 h à 7 h et doit pointer tous les jours au commissariat à 12 h30. La police a pris son passeport et son visa a été annulé.
Plusieurs médias l’ont interviewée lors de sa première sortie d’un commissariat (une centaine de solidaires étaient aussi présent·es).
On lâche rien.
Pierre Stambul, 20 octobre
Dernière minute :
Pour l’assignation à l’hôtel et l’obligation de pointer au commissariat, il faudra encore 24 h sans doute. Et elle doit récupérer son passeport.
Le tribunal administratif suspend l’arrêté de Darmanin en infirmant toutes les accusations qu’il contenait…
Bien sûr, on va débattre avec elle de la suite.
MAIS C’EST UNE GRANDE VICTOIRE !!!