Ci-dessous un communiqué de SUD Industrie francilien publié après la mort d’un salarié d’Eiffage, écrasé par la chute d’une plaque d’une demi tonne sur un chantier du Grand Paris à Saint-Denis le 5 janvier 2022
Nous exprimons à ses proches ainsi qu’à ceux de toutes les autres victimes d’accidents du travail mortels toutes nos condoléances et leur souhaitons courage pour obtenir justice !
La responsabilité de l’employeur et du donneur d’ordre est indéniable. Rappelons que sur ce même lot attribué à Eiffage, un autre ouvrier, Abdoulaye Soumahoro, est mort à La Courneuve, tombé dans un malaxeur à béton. La grille sur cet engin a cédé. “Ce deuxième mort, ce n’est pas surprenant, commente un ouvrier du Grand Paris Express qui tient à rester anonyme. On sait bien qu’on n’est pas dans les temps. On a la pression tout le temps, de l’État, du client (la SGP)… On se retrouve fréquemment en sous-effectifs, ou avec des travailleurs détachés qui défilent et qui ne connaissent pas le chantier. On repousse les limites des machines et des hommes. Il y a tout un tas de facteurs qui font qu’on se demande franchement qui sera la prochaine victime” (Le Parisien du 5 janvier 2022).
En avril 2021, deux ouvriers sans-papiers vivant à Montreuil ont été victimes, de graves accidents du travail. Bary Keita, a succombé à ses blessures. Plutôt que d’appeler les pompiers ou de l’emmener à l’hôpital, son patron l’a simplement déposé à son foyer. Birima Konaté, a été gravement blessé en tombant d’un échafaudage. Leurs employeurs ont tenté de dissimuler la gravité des faits. Leurs familles réclament la vérité sur ces accidents.
Les cas de Bary et de Birima montrent comment la législation sur le séjour des étrangers crée une catégorie de travailleurs “sans-papiers” privés de nombreux droits et ainsi poussés à accepter des conditions de travail encore plus dangereuses. La suppression des Comités pour l’Hygiène, la Sécurité et les Conditions de Travail est un autre exemple d’entrave mise par l’État à la protection de la vie et de la santé des salarié·es.
Telles sont les conditions de travail inhumaines généralisées dans les grandes ou petites entreprises du BTP, qui ont fait 176 victimes en 2019 (sans parler des estropiés à vie) et ce sous la pression (chantiers du Grand-Paris…) des donneurs d’ordre.
La course au profit entraîne : non-respect des normes de sécurité, sous-effectifs, surcharge de travail, manque de formations… telles sont les raisons principales qui entraînent des accidents du travail. C’est pour cela que notre syndicat émet par exemple toujours un avis défavorable aux demandes de dérogations au repos dominical des entreprises du BTP.
Ce qui est vrai dans le BTP l’est aussi ailleurs : en France, quatorze décès surviennent chaque semaine rien que dans le privé. Pour camoufler cela, aucune statistique n’est tenue sur le sujet et les mesures prises par l’État entravent de plus en plus la prévention des accidents du travail (suppression des CHSCT…), comme dans le cas de la lutte contre le COVID avec le manque chronique de moyens octroyés aux hôpitaux.
Les crimes des magnats du BTP
Les crimes des magnats du BTP ne menacent pas que la vie de leurs salarié·es.
Bouygues par exemple, a utilisé sur le chantier de la centrale nucléaire de Flamanville, pour aller plus vite, une méthode inhabituelle pour de tels chantiers : la levée du béton dans le coffrage s’est faite par tranche de 5 m au lieu de 2 m. Résultat : des cavités de 1 m sur 50 cm dans le voile de la piscine. De la malfaçon là, c’est mettre en danger toute la population.
Les crimes des magnats du BTP français n’ont pas lieu qu’en France.
L ‘ONG Sherpa avait déposé une plainte en 2015 contre le champion français du BTP Vinci pour “travail forcé” et “réduction en servitude” des ouvriers immigrés employés sur les chantiers du mondial de football 2022 au Qatar.
Vinci avait reçu l’appui de l’appareil judiciaire qui a classé la plainte sans suite. Sherpa a donc dû déposer une nouvelle plainte en 2019. Une plainte sur le même fondement qu’en 2015 mais avec constitution de partie civile, aux côtés du Comité contre l’esclavage moderne et d’anciens employés népalais et indiens. Des semaines de travail de 66 à 70 heures, sous une chaleur écrasante, parfois mortelle, pour 50 centimes à 2 euros de l’heure. Ces travailleurs sont entassés dans des chambres exiguës et leurs passeports sont confisqués. C’est bien là un exemple de la manipulation des médias qui accusent l’État du Qatar mais aucunement les entreprises françaises là-bas !
“J’ai signé un contrat dans une langue que je ne connaissais pas. Et quand je suis arrivé au camp, ils ont pris mon passeport. Je savais que je n’avais pas le choix”, témoigne ainsi l’un des plaignants. “Au Qatar, travailler dehors pendant la saison chaude est un réel risque. À cause de la chaleur et de l’humidité, j’ai vu des personnes vomir, et tomber comme ça sur le sol”, raconte un autre.
Au Qatar, depuis 2010, plus de 6 500 travailleurs sont morts sur les chantiers des stades de la Coupe du monde 2022, en moyenne 12 par semaine. En résumé, comme l’écrivait déjà le syndicaliste T.J. Dunning dans son livre Les syndicalistes et les grèves en 1860 : “Le capital abhorre l’absence de profit ou un profit minime, comme la nature a horreur du vide. Que le profit soit convenable, et le capital devient courageux : 10 % assurés, et on peut l’employer partout ; 20 %, il s’échauffe ! ; 50 %, il est d’une témérité folle ; à 100 %, il foule aux pieds toutes les lois humaines ; 300 %, et il n’est pas de crime qu’il n’ose commettre, même au risque de la potence. Quand le désordre et la discorde portent profit, il les encourage tous deux, à preuve la contrebande et la traite des nègres”.
Nous appelons les ouvriers et ouvrières ainsi que l’ensemble des personnes de bonne volonté à s’organiser et se mobiliser pour que, dans le BTP ou ailleurs, que le crime ait été commis en Île-de-France, en France ou ailleurs pour que :
– Lorsqu’une entreprise ou une administration ne respecte pas les normes de sécurité et met la vie de personnes en danger, que les patrons comme les donneurs d’ordre finissent en prison pour tentative d’homicide.
– Lorsque cela entraîne un accident du travail mortel, que les patrons comme les donneurs d’ordre finissent en prison pour homicide volontaire.
SUD INDUSTRIE Francilien réclame :
► Des embauches avec des analyses de risques systématiques et des formations.
► Le respect des droits de retrait.
► L’octroi du statut de salarié·es protégé·es et d’une prime à qui dénonce le non-respect des normes de sécurité, les sous-effectifs, la surcharge de travail…
► Le rétablissement des CHSCT et l’accroissement significatif de leurs moyens par rapport à ce qu’ils avaient.
► L’augmentation significative des moyens et des effectifs de l’Inspection du travail et de son pouvoir de coercition vis-à-vis des employeurs.
► La régularisation des sans-papiers et l’abrogation des lois xénophobes.
Sud Industrie Francilien