Émancipation


tendance intersyndicale

École et pacte enseignant : un basculement sans précédent

En cette fin d’année, Macron ne se limite pas aux retraits, mais entend mettre en place aussi tout un ensemble de mesures dans l’éducation. Elles s’articulent autour du “pacte enseignant”, et constituent une attaque très grave contre l’école publique. Le CDFN (Conseil Délibératif Fédéral National) de la FSU a discuté de cette situation, nous reproduisons ci-dessous la motion déposée par les délégué·es d’Émancipation.

La FSU s’inscrit dans la mobilisation pour l’abrogation de la contre-réforme des retraites. Elle estime que celle-ci s’articule avec les luttes contre d’autres attaques programmées par le gouvernement.

Macron avait indiqué que l’éducation constituerait une des priorités du second quinquennat après la contre-réforme des retraites. Depuis quelques mois, dans l’éducation, le gouvernement a multiplié les “concertations” et groupes de travail, pour présenter une série de mesures particulièrement néfastes : pour le CDFN de la FSU, les personnels sont confronté·es à une attaque historique contre l’école publique, ses personnels et leurs garanties statutaires.

Cette attaque se décline aux différents niveaux de l’Éducation nationale

Premier degré :

• Aller vers la généralisation de “l’expérimentation” marseillaise, en renforçant le pouvoir des directions d’écoles dans le but d’en faire un échelon hiérarchique.

Collège :

• Mesures sur la sixième (suppression de la technologie).

• Mais aussi mise en place d’une pré-orientation précoce des élèves en fin de cinquième sur la base de la suppression d’heures d’enseignement au profit de demi-journées “découverte des métiers”.

Lycée professionnel :

• “Réforme” mettant en cause les finalités de l’enseignement professionnel au profit d’un “accompagnement à l’emploi” défini par les besoins patronaux, et fermeture annoncée de filières entières, ainsi que d’établissements.

Le projet éducatif du gouvernement s’appuie sur plusieurs objectifs pour l’ensemble du système éducatif

1) pour la jeunesse :

• Éducation visant à un formatage pour les besoins à court terme du patronat local, et à en finir avec une émancipation scolaire basée sur les savoirs, laquelle, selon Macron doit être axée sur le travail.

• Embrigadement idéologique durant toute la scolarité, renforcé par la généralisation progressive du Service national universel : projet de “classes SNU” liées au “pacte enseignant”, que la FSU combat.

• Individualisation des apprentissages au détriment des jeunes des classes populaires, des filles… Cela résulterait de la casse du cadre national de formation, par exemple en conditionnant le financement de dispositifs ou de projets pédagogiques à la participation au “pacte enseignant” ou aux projets labellisés “conseil national de la refondation”, ainsi qu’en organisant la participation d’entreprises ou d’associations à des fins de formation.

• Attaque contre la laïcité de l’école publique sous couvert de “mixité sociale”, en opérant un rapprochement public-privé et en présentant le réseau d’enseignement catholique comme ayant une mission de service public. Cela est contradictoire avec les mandats de la FSU.

2) pour les personnels :

• Renforcement du poids de la hiérarchie, avec création de hiérarchies intermédiaires, de mécanismes de contrôle, de pression et de répression avec des modalités le plus souvent anti-statutaires (“devoir de réserve”, évaluation des établissements à “360 degrés”…).

• Attaques contre le statut au travers du “pacte”, flexibilité et polyvalence des personnels. Notamment par le biais d’échanges de services (entre écoles et collèges, entre collèges et lycées professionnels), voire la dénaturation du sens du métier lui-même : pour les personnels de lycées professionnels, pour les AESH dont la mission d’inclusion scolaire serait mise en cause par une fusion annoncée avec les AED (dont le nombre diminuerait !)

Ces éléments s’ajoutent aux autres éléments de fragilisation en cours de l’école publique

• Suppressions de postes.

• Développement de la précarité en lieu et place de personnels à statut.

• Reconversions forcées programmées pour des centaines d’enseignant·es de technologie en collège.

• Crise de recrutement qui s’accentue, notamment avec une nouvelle fois un grand nombre de postes aux concours non pourvus.

Pour le CDFN de la FSU, le “Pacte Enseignant” constitue le levier pour mettre en place ce projet de démolition de l’école publique. À l’inverse des revendications salariales portées par la FSU, il s’inscrit dans une logique de “revalorisation” individuelle par le biais de primes.

  • Le Pacte constitue de ce fait un moyen pour transformer profondément le sens du métier, notamment dans les lycées professionnels mais à terme dans tout le système éducatif.
  • Il suppose un contrôle renforcé des hiérarchies, en particulier par un système de “lettres de mission”.
  • Il pose les bases d’un décompte du temps de service qui ne serait plus sur une base strictement hebdomadaire, mais sur une base annualisée. Il met en cause la fonction publique de carrière au profit d’une vision centrée sur l’accomplissement de “missions”, dans une logique contractuelle et non plus statutaire.
  • Il oppose les personnels entre eux/elles, et renforce les inégalités de genre.

Pour le CDFN de la FSU, le “Pacte Enseignant” et les “réformes” qui lui sont liées, visent à adapter l’école publique à un système capitaliste en crise, où l’ensemble des droits sociaux et démocratiques sont mis en cause. Elle lui oppose ses revendications :

  • la perspective d’une école plus égalitaire et plus démocratique, refusant la sélection sociale et la mise en concurrence des élèves et des personnels ;
  • l’amélioration immédiate des conditions de travail des personnels : indexation des salaires sur l’inflation, augmentations salariales uniformes, titularisation immédiate de tous et toutes les personnels précaires.

Pour le CDFN de la FSU le projet éducatif global porté par Macron et son gouvernement, n’est ni amendable ni négociable. Le CDFN revendique donc l’abrogation du décret sur le “Pacte Enseignant”, ainsi que de toutes les “réformes” annoncées. La FSU ne participera pas aux “concertations” pour les mettre en place.

La FSU proposera aux autres organisations syndicales de l’éducation une action commune pour mettre en échec cette politique :

  • Appel à boycotter la mise en place du “Pacte enseignant” dans les écoles et les établissements : refus collectif de signer le “Pacte”, refus de mettre en place des “classes SNU”, etc.
  • Soutien, dès maintenant, aux personnels et aux établissements qui sont en lutte pour leurs revendications, comme le lycée Théodore Monod de Noisy-le-Sec (93).
  • La rentrée scolaire ne peut se préparer sur les bases préparées par le gouvernement : la grève et la manifestation nationales sont à l’ordre du jour.

Pour la FSU, face à une attaque historique, l’enjeu est de développer une mobilisation, historique : il s’agit donc de permettre aux personnels de s’impliquer massivement, et de prendre en main démocratiquement l’organisation de la mobilisation. Pour ce faire, la FSU appelle les personnels à se réunir massivement en AG, à coordonner ces AG pour développer la mobilisation à partir des lieux de travail sur leurs propres revendications et dans un cadre national.

Émancipation tendance intersyndicale, le 23 mai 2023