Après trois ans de mise en place du Service National Universel, le gouvernement prévoit le recrutement de 60 000 jeunes pour 2023, sans tri, avec une ouverture à tous les jeunes entre 15 et 17 ans.
En 2022, 32 000 ont déjà fait le séjour de cohésion, première phase du SNU. Ce séjour dure 14 jours pendant les vacances ou début juillet lors desquels les jeunes font la levée des couleurs, chantent La Marseillaise, apprennent à faire leur lit au carré et sont en uniformes. Un tiers des encadrant·es sont des militaires, nommés tuteurs ou tutrices de maisonnées, capitaine de compagnie, cadre de cohésion…
Ces séjours constituent un formatage des esprits, tout le contraire de ce que nous faisons au jour le jour avec nos élèves par les échanges et la formation à l’esprit critique. L’accélération du SNU se fait dans un contexte de militarisation croissante de la société avec un budget militaire qui explose avec une hausse de 59 milliards par an sur les sept prochaines années. Le gouvernement, alors qu’il supprime des postes d’enseignant·es (1 100 pour 2023), augmente le recrutement des militaires : 1 500 en plus depuis trois ans, 1 500 en plus pour chaque année entre 2023 et 2025 ; pour la police et la gendarmerie, il y aura 2 900 recrutements en plus en 2023.
Le SNU n’est pas un service civique, ce n’est pas une colonie de vacances, il sert une vision rétrograde de l’engagement. L’engagement, les jeunes en ont ! On l’a vu ces dernières années lors des manifestations pour le climat, et dès le 31 janvier les étudiant·es et les lycéen·nes ont rejoint en nombre les cortèges contre les réformes des retraites. Ils et elles n’ont pas besoin d’un prêt-à-penser, ils n’ont pas besoin du SNU pour s’engager.
Au sujet des séjours de cohésion, ils coûtent 2000€e par jeune pour l’encadrement et l’hébergement mais ça ne prend pas en compte les activités annexes. La généralisation du SNU, qui serait dans la tête de Macron, coûterait au minimum 2 milliards d’euros et même plutôt le double ou le triple en comptant tous les frais et les autres phases du SNU. Cet argent doit servir à autre chose !
Les lycées lieu d’accueil
Avec l’augmentation du nombre de participant·es, l’Éducation nationale cherche des lieux d’accueil et cible les établissements qui ont un internat. Les chef·fes d’établissements, pensant à leur carrière, ne font pas d’opposition à l’accueil.
Pour être plus précise, dans mon lycée de Côte-d’Or, pour l’accueil de deux séjours de cohésion avec une centaine de jeunes et une dizaine d’encadrant·es, cela rapportera au lycée presque 90 000 €, soit 10 % du budget, soit aussi la baisse de la dotation de fonctionnement de la région pour 2023. Cette recette est reversée directement au budget de fonctionnement, ce qui valide un transfert d’argent du ministère de l’Éducation nationale vers un budget de fonctionnement région. Il est complètement anormal que le budget d’un établissement soit équilibré par l’accueil du SNU, et le cas de mon lycée n’est sûrement pas isolé !
L’accueil du SNU pose d’autres problèmes : les agent·es, qui acceptent pour arrondir leur faible salaire, n’auront pas de vacances ; l’accueil du séjour en juillet se fait en période scolaire, au moment des résultats du bac et des épreuves de rattrapage. Il y aura donc mélange entre jeunes du SNU en uniformes et nos élèves. Que dire de la confusion des genres pour des lycéen·nes, d’être accueilli·es dans un autre lycée avec une toute autre organisation et un encadrement militaire ?
La promotion du SNU est aussi en croissance, avec des séances d’information des élèves de seconde pendant les heures de cours, accompagnées par les enseignant·es du lycée ; on découvre partout des spots de propagande sur le SNU.
Face à l’intrusion du SNU dans les établissements, il est urgent de réagir en votant contre l’accueil dans les lycées, en boycottant les séances de présentation du SNU, en informant collègues, parents et élèves et en participant aux collectifs Non au SNU.
Marine Bignon