L’Assemblée pour la Grève Féministe de Dijon réunit des militant·es, issu·es de collectifs et organisations associatives, syndicales et autogérées, et des individu·es, dans l’objectif de préparer la grève féministe du 8 mars 2023. Notre assemblée, qui s’élargit au fur et à mesure des réunions, se compose d’une pluralité politique et militante qui fait déjà notre force !
Quel féminisme ?
En France le féminisme est l’objet de la plus grande des récupérations. D’un côté, il y a les grandes patronnes bourgeoises du féminisme libéral comme Élisabeth Borne, Christine Lagarde ou Marlène Schiappa qui voient le féminisme comme un auxiliaire du capitalisme. Elles veulent un monde dans lequel la gestion de l’exploitation au travail et de l’oppression dans la société serait partagée de façon égalitaire entre les hommes et les femmes de la classe dirigeante. Ce qu’elles veulent, c’est une égalité des chances de dominer : les gens, au nom du féminisme, devraient être reconnaissants que ce soit une femme, et non un homme, qui démantèle leur syndicat, ordonne à un flic de pourchasser des migrant·es à la frontière ou détruise les services publics.
Le gouvernement n’est pas non plus en reste pour ce qui relève de la récupération. Alors que les violences de genre commencent à peine à être reconnues par l’État, le gouvernement essaie de nous faire croire que seules les personnes non-blanches sont sexistes, homophobes et transphobes. Le fémonationalisme, c’est-à-dire l’instrumentalisation du féminisme à des fins racistes et islamophobes, se répand crescendo ces dernières années, et depuis les plus hautes sphères du pouvoir. Iels ne savent que parler du voile, en détournant le principe de laïcité, infantilisent ou diabolisent les musulmanes, et présentent les migrants, les hommes noirs et les musulmans comme les seuls hommes menaçant la sécurité des femmes. C’est le même discours que certains groupuscules féminins venus de l’extrême droite, proches des catholiques traditionalistes ou des identitaires.
Et pendant ce temps, le gouvernement ne parle pas des femmes précaires racisées toujours cantonnées dans les emplois du ménage et du soin, il ne parle pas des violences structurelles subies par nos aîné·es dans les EHPAD, il ne parle pas des violences lesbophobes et transphobes qui augmentent chaque jour, il ne se préoccupe pas de l’accueil inconditionnel qu’il devrait mettre en place pour toutes les exilé·es, et il ne parle pas non plus des conditions de vie des personnes en situation de handicap en France.
Pendant ce temps-là, il y a le mouvement féministe qui reprend la rue contre les violences de genre #MeToo. Depuis cinq ans, nous observons un nouvel internationalisme féministe, qui se perçoit dans la rue et sur les réseaux sociaux avec les reprises d’hashtag #Metoo, #NiUnaMenos ou encore la chorégraphie chilienne #elEstadoEsUnMachoViolador qui a été reprise par des féministes de toute la planète. Le 8 mars 2017, dans le monde entier, des femmes ont décidé de faire grève en même temps. Avec ce coup de force, elles ont repolitisé la Journée internationale du 8 mars. Les grévistes ont réactivé les origines ouvrières et socialistes du 8 Mars et ont positionné le féminisme comme un appel à la révolte et à la lutte contre l’alliance du patriarcat et du capitalisme qui veut les rendre obéissantes, soumises et silencieuses.
Le premier chemin nous mènerait vers une planète calcinée sur laquelle la vie des terrestres finira par être intenable. Le second nous conduira à ce qui a toujours été au cœur des rêves les plus fous de l’humanité : un monde juste, dont les richesses et les ressources naturelles seront partagées par tou·te·s, et où l’égalité et la liberté ne seront pas seulement des espoirs, mais des réalités concrètes.
Que voulons-nous ?
Face à ces deux conceptions du féminisme, notre choix est fait. Aujourd’hui dans l’Assemblée de la Grève Féministe de Dijon, nous portons le projet d’une société réellement et profondément égalitaire, où le genre ne détermine pas les rôles, n’assigne pas à des positions. Une société où la question du genre ne se poserait plus. Nous aspirons à l’émancipation de tou·te·s et de chacun·e. Afin de progresser sur ce chemin, nous partons des besoins des plus vulnérables pour construire nos revendications, dans un souci de justice sociale. Aujourd’hui les femmes, les minorités de genre, les racisé·es, les précaires et les personnes en situation de handicap subissent de plein fouet la pauvreté, la domination patriarcale, les violences sexistes, racistes, LGBTQIA phobes, validistes, l’exclusion, les discriminations, et ce d’autant plus au travers d’appartenances croisées, intersectionnelles.
Notre utopie est celle d’une société débarrassée de toute forme de domination, d’oppression, de discrimination.
Comment faire ? La grève
Les femmes sont nettement majoritaires dans les métiers du travail reproductif (1) et elles prennent en charge très majoritairement les tâches inhérentes au travail reproductif gratuit dans la sphère privée, notamment les tâches ménagères et parentales. Et ce sont encore elles qui supportent la charge mentale qui accompagne ce travail.
Le capitalisme s’appuie sur le travail reproductif gratuit (sphère privée) ou sous-payé (secteur tertiaire ou services publics) des femmes pour s’enrichir. Il n’est pas possible d’exploiter les ouvriers et les employés via l’outil de production si ces ouvriers et employés n’ont pas une maison propre et entretenue, des courses faites, des repas chauds, des enfants en bonne santé, des vêtements et des chaussures en bon état, des parent·es âgé·es soigné·es à la maison ou en EPHAD… Et pourtant le capital refuse de payer ce prix-là, ce travail invisible et pourtant tellement indispensable au fonctionnement d’une société. C’en est assez.
La grève féministe est un outil de lutte qui a montré sa force mobilisatrice dans de nombreux pays ces dernières années. Il s’agit à la fois de porter la revendication de la grève dans la sphère du travail salarié mais aussi du travail domestique, d’essayer d’articuler ce qui a été développé plus haut : le continuum du travail des femmes et minorités de genre de la maison à l’entreprise. Le monde entier le sait, le devine, mais il va maintenant en faire l’expérience. Quand les femmes s’arrêtent de travailler, tout s’arrête. Le capitalisme s’arrête.
La grève féministe permet de faire le lien entre la violence économique capitaliste et la violence patriarcale à l’encontre des femmes et minorités de genre. Nous travaillerons dans cette assemblée à l’alliance entre les luttes féministes et queers et les luttes anticapitalistes.
Une grève féministe
La grève du 8 mars ne sera pas une grève au sens classique du terme, mais une grève féministe qui élargit le questionnement de la sphère du travail. La grève féministe nous invite à repenser la grève telle que nous la connaissons, qui au sens le plus commun se réfère uniquement au travail salarié.
Globalement la grève féministe est :
– une grève des femmes au travail ;
– une grève des étudiantes, des stagiaires, des apprenti·es ;
– une grève de la consommation pour questionner le rôle des femmes, principalement chargées de la consommation des foyers, dans le maintien d’une économie capitaliste ;
– une grève du travail reproductif (1) ;
– une grève du travail émotionnel (2).
La grève féministe sera une réinvention de la grève. Sous cette forme, la grève sera démocratisée et pourra inclure véritablement toutes les personnes situées hors du champ du travail salarié. Les étudiantes, les stagiaires et les apprenties sont concernées par la grève féministe. Les chômeuses aussi. Les mamans au foyer aussi. Les retraitées aussi. Les lycéennes aussi. La grève féministe permet de redéfinir et étayer la catégorie de “travailleuses” en mettant en évidence que le travail est également domestique, informel, et non rémunéré.
Nos objectifs ? Comment fonctionnons-nous ?
Notre grève féministe aura deux finalités : rendre visible le travail des femmes et établir un rapport de force face au capitalisme patriarcal. Nous nous organisons sous la forme d’assemblées de la grève féministe mensuelles. Ces réunions sont ouvertes à tou·tes et on peut rejoindre l’AG à tout moment. Des groupes de travail ont aussi commencé pour préparer la grève du 8 mars 2023 et sont rejoignables à tout moment !
Les femmes ont souvent été motrices dans les mouvements sociaux, à travers les époques et les régions du monde. Aujourd’hui le capitalisme patriarcal veut les femmes isolées, bloquées dans une routine infernale de travail-courses-école-dodo.
Pourtant, si nous marchions toutes ensemble, si nous nous arrêtions seulement une journée, nous pourrions paralyser le pays tout entier.
Sortons de chez nous, retrouvons-nous, rencontrons-nous, tissons des liens de solidarité, de sororité et d’adelphité (3) qui seront la base de notre puissance féministe !
grevefeministe.dijon@protonmail.com
(1) Travail reproductif : c’est à dire le travail qui permet la reproduction de la force de travail : éducation des enfants, travail domestique (nettoyage et nourriture)… Il vise à préserver, à prendre soin de ce qui est (soins aux bébés/enfants et aux personnes dépendantes).
(2) Travail émotionnel : désigne le travail du soin qui consiste à offrir des signes d’affection ou d’attention en sacrifiant l’attention à ses propres besoins.
(3) Adelphité : Vient de la racine grecque adelph, qui sert à former à la fois les mots frère et sœur (cela peut remplacer fraternité/sororité).