Le projet de “grande sécu” et ses différents scénarios attestent des objectifs de Macron : en finir avec les bases mêmes de la Sécurité sociale de 1945, avec son financement par les cotisations sociales (une fraction du salaire mutualisée), qui organise la solidarité entre les salariés. Macron et la bourgeoisie n’ont pas renoncé à la réforme des retraites. Ce projet de “réforme” de l’assurance maladie conduit à mainmise totale de l’État et à un système d’assurance maladie bas de gamme avec des compléments plus ou moins importants selon le portefeuille des assurés. Dans cet objectif, la réforme de la protection sociale complémentaire est un maillon décisif.
En application de la loi de transformation de la Fonction publique (TFP), une ordonnance du 17 février 2021 prévoit de rendre obligatoire la complémentaire santé pour les agents de la Fonction publique et la participation des employeurs à son financement. À première vue, la mesure pourrait paraître positive. Mais le diable se cache dans les détails.
Le gouvernement entend en évincer les retraités, rompant toute solidarité intergénérationnelle alors qu’elle est liée au statut. (À noter que cette mutualisation, des risques et des personnes, entre actifs et retraités reste aujourd’hui présente dans les contrats établis avec les différentes mutuelles qui ont un caractère professionnel).
L’ordonnance prévoit de reverser à l’agent 50 % du panier minimal, soit 30€e par mois à partir de 2024. Le panier de soins imposé risque de conduire à une baisse importante du niveau de couverture. La logique de la protection complémentaire obligatoire (PSC) dans le privé va s’appliquer aux fonctionnaires : inégalités entre les salariés selon les entreprises, exclusions des plus précaires, cotisations systématiquement plus élevées pour les retraités, développement de surcomplémentaires, mise en concurrence des opérateurs privés et les mutuelles…
De plus, pour le Fonction publique d’État (FPE), l’ordonnance n’impose pas le financement de la prévoyance (incapacité, invalidité, inaptitude ou décès et prise en charge de la perte d’autonomie).
Alors que le gouvernement poursuit le gel des salaires, il assimile cette participation à un gain salarial afin de masquer la non-revalorisation des salaires.
La PSC obligatoire est en fait conçue comme le moyen de réduire la couverture de la Sécu et de développer les assurances privées (complémentaires) avec différents niveaux de couverture (selon le portefeuille du salarié). Elle constitue une nouvelle et importante attaque contre le statut.
Ce projet de réforme de la PSC participe en fait de la nouvelle phase de l’offensive contre la Sécurité sociale de 1945.
Les exonérations de cotisations sociales se poursuivent. Et depuis l’été 2017, certaines de ces exonérations ne sont pas compensées par le budget de l’État. (Sans cette perte d’environ 5 milliards€ pour la seule année 2019, le budget Sécu aurait pu être excédentaire). Le vol de cet argent qui appartient aux salariés a fait un bond spectaculaire en 2020 : reports d’échéances de cotisations souvent traduites en exonérations. Et Macron veut que ce déficit historique induit par sa politique soit remboursé par les salariés.
De nouvelles mesures drastiques prévues dans la PLFSS (Loi de financement de la sécurité sociale) 2022 vont conduire à des réductions de p rises en charge. L’ONDAM (Objectif national des dépenses d’assurance maladie) hospitalier 2022, implique une aggravation des fermetures de lits, du manque de personnel hospitalier qui reste sous-payé, du manque criant de créations d’emplois pour les personnes âgées… et des économies sur la qualité des soins.
Macron a annoncé la suppression des régimes spéciaux. D’ores et déjà, la PLFSS 2022 prévoit que l’URSSAF qui collecte les cotisations du régime général collectera aussi les cotisations AGIRC, ARRCO (retraites complémentaires du privé), celles de six autres régimes de retraites dont celui des fonctionnaires hospitaliers et territoriaux, de la retraite complémentaire publique (gérées actuellement par la Caisse des Dépôts). Cela montre que le gouvernement n’a pas renoncé à son projet de “régime universel”. Le code des pensions est donc aussi lourdement et rapidement menacé.
Quant à la 5e branche, c’est avant tout un cheval de Troie pour transformer la sécu en un système financé et géré par l’impôt et qui proposera à terme une protection minimale sous forme d’assistance aux plus précaires, laissant ainsi la place aux assureurs.
C’est dans ces conditions que depuis juin dernier, suite à la signature par les directions syndicales d’un “accord méthode”, la FSU participe aux “négociations” sur la PSC, lesquelles sont totalement cadrées par les objectifs du gouvernement.
La CA du SNES de Lyon dénonce le projet de réforme de la PSC dans la Fonction publique, et considère qu’il constitue une menace pour la sécu et le statut. Elle se prononce pour le retrait de ce projet totalement contradictoire au “100 % sécu” sur la base des principes de la Sécu de 1945.
La CA s’adresse à la direction nationale du SNES et de la FSU pour leur demander de se prononcer en ce sens, de quitter les concertations en cours et d’engager une campagne massive d’information sur les plans du gouvernement ouvrant la voie à la mobilisation pour en exiger le retrait.
Motion Émancipation défendue à la CA académique du SNES de Lyon,
le 17 novembre 2021