Émancipation


tendance intersyndicale

Le “passe”, fossoyeur des libertés

S’il n’est pas question de remettre en cause les campagnes de vaccination, le rôle du syndicalisme devrait être de protéger le salariat, et plus généralement, la population, des mesures liberticides d’un pouvoir d’autant plus autoritaire qu’il est moins représentatif dans le pays.

En plein mois de juillet, Macron décide d’une généralisation du “passe sanitaire” et d’un durcissement considérable de la loi d’urgence. Peu importe qu’il affirme le contraire de ce qu’il a clamé quelques jours avant, on n’en finirait pas de relever toutes les contradictions, tous les mensonges d’un pouvoir toujours péremptoire dans ses volte-faces. Le président a parlé, tout s’incline, gouvernement, Parlement. Et le silence syndical (à de rares exceptions près, SUD Santé) est assourdissant, alors que des lois inédites remettent en cause droit du travail, secret médical et les libertés en général. Ce sont les vacances, notamment à la FSU (mais pas seulement !) et pas le moment de mobiliser qui que ce soit.

Naturellement ce “passe” ne s’applique pas au législateur (les politiques sont exempté·es) ni à ceux et celles qui le protège (la police, chargée d’en vérifier l’application). Les élus·es sont au-dessus des lois, et peu importe que les conséquences de la législation soient ubuesques. Ainsi les offices dans les églises (lieu de culte) sont en entrée libre, en revanche les concerts qui s’y déroulent (lieu de culture) sont soumis au “passe”. Les fidèles ne contaminent personne, les spectateurs et spectatrices, si ! Un tel arbitraire a du sens. Il permet d’habituer la population à une obéissance aveugle à des diktats injustes et absurdes. Il permet de croiser les fichiers (la MGEN, Mutuelle Générale de l’Éducation nationale, ne délivre pas le “passe” mais impose de se connecter sur les impôts ou la Poste pour l’obtenir !!!). Il permet un marquage du peuple suivi à la trace comme du bétail. Il permet de créer de nouveaux délits. Faute de politique de santé en matière de prévention et de soins, il permet d’avancer d’un cran vers un État policier : c’est la répression qui s’abat, amendes astronomiques et menaces de prison, de suspension de contrats voire de licenciements pour les salarié·es. Il permet surtout la surveillance généralisée des gens entre eux/elles, avec une obligation de contrôle à tous niveaux, bars et restaurants, cinémas, théâtre, centres socioculturels, institutions médicosociales… bref presque tout le monde devient auxiliaire de police. On sait aujourd’hui que le “passe” offre une sécurité fallacieuse, puisque la vaccination elle-même n’empêche pas le virus de circuler et que les gestes barrière semblent plus que jamais nécessaires.

Ne pas passer aux côtés d’une colère légitime

Face à cette poussée estivale liberticide, la réaction citoyenne a été immédiate, et les manifestations se sont succédées, un peu à la manière des gilets jaunes. Les manifestant·es ont alors été accusé·es de tous les maux : complotisme, obscurantisme, antisémitisme ; même dans les rangs d’Émancipation, on traque, on relève parfois des signes inquiétants, et certes il peut exister quelques amalgames douteux ou inscriptions condamnables, mais qui empêche la gauche, le syndicalisme et l’extrême gauche de s’organiser, de défiler avec ses propres pancartes, ses propres mots d’ordre, soit hors des autres cortèges, soit de façon unitaire si les conditions sont réunies, au lieu de s’abstenir frileusement de toute mobilisation ? Résultat, la liberté est revendiquée par la droite ou l’extrême-droite, et le mouvement syndical et social dans son ensemble passe largement à côté d’une colère légitime, comme elle est restée en marge d’une des mobilisations les plus importantes du quinquennat, celle des gilets jaunes. Dans les deux cas, on caricature, on ridiculise, on méprise et on se rend complice de Macron. N’opposons pas libertés individuelles (qui sont limitées par le souci de ne pas nuire à autrui) et collectives (qu’il est du devoir des syndicats de promouvoir et de défendre, contre toute régression, on est loin du compte !).

Un des arguments utilisés contre les personnes mobilisées est le caractère minoritaire du mouvement, et les sondages favorables aux mesures prises en haut lieu. Mais les sondages sont des outils de manipulation de l’opinion, et, si l’on s’en tient aux faits, c’est-à-dire aux élections, on constate que le pouvoir légal et absolu du monarque républicain et de LREM ne repose que sur l’adhésion d’une fraction infime des citoyens ou citoyennes, qu’il s’agisse des municipales, des régionales ou départementales, tous et toutes les Ministres sévèrement battu·es mais toujours en poste, des candidat·es en Marche avec 3 % du corps électoral (70 % d’abstention) mais 100 % du pouvoir législatif ! Le zèle liberticide et antisocial des député·es LREM est pourtant sans limite, à voir leur empressement à adopter à la hussarde la loi sur les retraites, et leur refus (corrigé ensuite, Laurence Parisot elle-même s’étant émue de tant d’inhumanité) d’accorder un congé spécifique aux parents salariés ayant perdu un enfant ! Certes, tous les pays ont pris des mesures restrictives face à la pandémie mais peu de régimes dits démocratiques reposent sur un socle de votant·es aussi dérisoire. D’où une révolte que le mouvement social et syndical devrait entendre : il devrait en être partie prenante, et les premières grèves du personnel soignant sur cette question du “passe” notamment ouvre une première brèche dans la torpeur estivale.

Marie-Noëlle Hopital (13)