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Le monde se rétrécit

Vous n’avez rien contre les jeunes ?

Sauver un arbre, c’est sauver l’humanité, dit-on

François, lui, veut juste sauver sa grand-mère Mariette, sauver son monde qui rétrécit, “un peu comme si la mort avait décidé de prendre de l’avance”, sa grand-mère “toute cassée” qui, “quand elle lève les bras, c’est comme des candélabres”. Il faut dire qu’elle en a plantés des arbres, plus de mille, avec grand-père “qui est mort sur le grand tilleul”, “le plus vieux, celui qui pousse au fond [du] jardin”, “l’arbre-bateau”.

C’est au pied de cet arbre “âgé de deux cent cinquante ans” qu’elle va passer.

Et puis il y a Diane, dont François aimerait tant qu’elle l’appelle comme sa grand-mère l’appelle lui, “mon chéri”.

  • – “Quand [elle] sera faite, vous aurez une vue magnifique sur la vallée.” C’est rassurant. 
  • – “Nous ferons des passages pour le gibier.” C’est rassurant.
  • “Moi aussi, j’aime bien la nature, les animaux et les petits oiseaux.” C’est rassurant.

Celui qui parle, c’est Prévert. Quel drôle de nom pour un ingénieur. C’est un spécialiste de la couture :

  • – “Nous allons recoudre le paysage. Nous ouvrirons et nous recoudrons.” C’est rassurant.

Alors les gens se disent “pourquoi pas ?” Si avec c’est mieux que sans. Ce sera mieux avec elle que sans elle.

Elle, c’est l’autoroute. “À quoi ça sert de se fatiguer à protester pour une autoroute invisible ?” C’est rassurant ?

Alors pour se rassurer par eux-mêmes, François et Diane décident de prendre non pas les devants mais le haut. Ils vont, à leur manière, lutter contre ce projet destructeur, bâtir leur ZAD, leur Zone À Défendre.

“Nous résisterons ensemble”

Un texte transgénérationnel servi par une écriture précise, incisive, qui va droit au but, tranche dans le vif, questionne le progrès : “Quel progrès ? Pour nous, les pays riches, les consommateurs égoïstes ? Avec plusieurs autos et parfois deux maisons pour la même famille ?” sans être culpabilisant : “Vous croyez aux baguettes magiques ?” La mise en images se fait dans la sobriété, orange et bleu se marient dans un trait rond traçant l’essentiel en pleine page sans forcément la remplir, à l’économie, du mot à l’idée et de l’idée au trait, elle lie le tout, elle coud l’histoire. Un binôme de résistance au nom d’un “présent de combat”.

Quels beaux noms !

CotCotCot éditions lance une nouvelle collection intitulée Combat et Mille arbres de Caroline Lamarche, illustré par Aurélia Deschamps (quels beaux noms pour des Zadistes du livre !), est le numéro 01. En plus d’être un livre combat, pédagogique et militant, subjectif et engagé, c’est un bel objet avec coutures apparentes rouges et blanches, comme de la sève, un dos ouvert comme des racines, des deuxième et troisième de couverture remplies de feuilles de tilleul, imprimé en Belgique et pas à l’autre bout du monde, sur des forêts gérées durablement pour encourager les plus jeunes lecteurs et lectrices à ne rien lâcher comme on le gueule souvent dans les manifestations et avec un slogan : “Demain se fera avec vous !”

Une postface vient “théoriser” l’histoire, la contextualiser, l’ancrer dans une réalité quotidienne. Une œuvre de salubrité écologique, sociale et démocratique. Pour apprendre à lutter, comment lutter et pourquoi lutter. La salubrité civique en quelque sorte.

François Braud

Papier écrit en écoutant Dick Annegarn, Sacré géranium

  • Mille arbres, Caroline Lamarche et Aurélia Deschamps, CotCotCot éditions, Combat 01, 2022, 79 pages, 13€50.
  • À commander à l’EDMP (8 impasse Crozatier, Paris 12, edmp@numericable.fr).