Dans l’Anthologie de la connerie militariste d’expression française en cinq volumes parue en 2010, le dessinateur Sine écrit : “Les marchands d’armes peuvent se frotter leurs mains ensanglantées : leurs affaires marchent, ils ne savent plus où donner de la tête de mort”.
Avec la guerre en Ukraine nous y sommes, et comme dans toutes les guerres, ce sont les civils les premières victimes, ce sont les femmes qui sont violées : on le sait, la guerre génère de manière systémique les crimes et leur impunité, et notre impuissance à l’arrêter se vérifie : les fabricants et vendeurs d’armes sont à la manœuvre, encore et encore.
Dans ce contexte, la lecture d’un petit livre paru en 2013 aux éditions du passager clandestin par les désobéissants : Désobéir à la guerre, en soixante pages, est utile.
La puissance du complexe militaro-industriel
Le premier chapitre propose un rapide historique en rappelant que c’est essentiellement la “révolution urbaine” datant de 5000 ans, instaurant propriété privée, accumulation, accaparement, inégalités qui produit les situations de guerres. Il est souligné que quand “l’Occident” les mènent, il s’agit cyniquement “d’opération de pacification, d’antiterrorisme”. Opérations qui font plus de 250 000 civil·es mort·es par an, et en 2011 on dénombrait plus de 250 000 enfants soldats.
Ces “opérations” permettent au complexe militaro-industriel, toujours plus puissant, avec l’OTAN qualifiée de “machine de guerre”, d’expérimenter in vivo, et de vendre les armes.
Au niveau planétaire, plus de 1700 milliards sont dépensés au quotidien quand 40 milliards suffiraient pour l’accès à l’eau potable pour toutes et tous, et cinq pour supprimer l’analphabétisme.
En tête de cette industrie de mort, les USA (75 %), puis la Russie. La France aussi, qui dépense des sommes vertigineuses, notamment dans l’armement nucléaire : un sous-marin coute la bagatelle de trois milliards d’euros, soit le salaire annuel pour 240 000 enseignant·es !
L’antimilitarisme, qui s’inscrit contre tout cela, n’est pas signe de naïveté mais nécessité de refus des dominations et de son corolaire, l’obéissance, la soumission : alors comment faire ?
La désobéissance civile
Le second chapitre dresse un rappel de l’histoire de la désobéissance civile en commençant par celle des femmes dans Aristophane (411 avant J.C.), et récemment au Soudan entre 2002 et 2009 qui font la grève du sexe : “pas de paix, pas d’amour !” Comme la grève du “ventre” en 14-18 ou le refus de mettre au monde des enfants servant de chair à canon. Sont citées ensuite différentes initiatives comme la création en 1870 du bureau international pour la paix, les appels à mettre la crosse en l’air, les mutineries, l’anticolonialisme avec les sabotages en Indochine, en Algérie, la désobéissance “tranquille” comme au Danemark où en 1941, la population entière se met à porter l’étoile jaune ce qui empêche la déportation massive des juif/ves ; la création du Mouvement de la paix en 1948.
Citons aussi pendant la guerre d’Algérie, l’appel à la désertion des 121 en 1960 : “Tous suspects” ; aux USA, en 1970, les 200 000 refuseux jugés, 14 000 arrestations d’opposant·es à la guerre du Vietnam : “ça ne passera pas par nous”, tout simplement.
Dans les années 70, des organisations comme le MOC (Mouvement des objecteurs de conscience), le MAN (Mouvement pour une alternative non-violente), Greenpeace, des syndicats de soldats prennent de l’ampleur, soutenus par la gauche et la CFDT de cette époque, c’est aussi l’emblématique lutte au Larzac ; les jeûnes et grève de la faim – notamment celle de Lanza del Vasto – les marches, et dans les années 80 de nombreuses actions dans le monde entier contre le nucléaire, par exemple le 12 décembre 1982, 30 000 femmes entourent la base de Cardiff contre l’installation de missiles, ou encore les intrusions diverses, notamment dans des “salons de l’armement” !
Cette idée est reprise en octobre 2015 où des centaines de militant·es antimilitaristes, des zadistes encerclent l’usine de production d’armes et de munitions à Pont-de-Buis dans le Finistère, mais à quand la suite ?
L’essentielle action
Le troisième et dernier chapitre aborde l’Action, essentielle !
“Les seuls adversaires sont les capitalistes” martèle Louis Lecoin, anarchiste, avec la CGT de 1912, grande figure de l’antimilitarisme (obtention du statut d’objecteur en 1963). Oui, mais que faire contre cette culture de la violence, de l’abus de pouvoir, de la militarisation, des armes, de la peur, que faire contre “l’équilibre de la terreur” nucléarisée, contre cette politique décidée de manière unilatérale par les dirigeant·es de ce monde ?
Les auteur·es listent un certain nombre d’actions à mener : en premier lieu se former à l’insubordination, à la désobéissance (déconstruire, et apprendre l’espéranto !), créer et diffuser de la contre propagande partout où l’on peut, rendre public des documents et informations, perturber les filières de fabrication, de transport des armes, perturber les lieux de recrutements militaires, traiter tous les acteurs du complexe militaro-industriel comme des criminels, créer des jeux vidéo, des outils audio-visuels et numériques non-violents, antimilitaristes (voir le collectif Non-violence XXI).
Pour cette lutte, tentons d’être tenaces, plus organisé·es. Concrètement le SNU (Service national universel) est un dispositif destiné à nourrir cette culture de la guerre et du nationalisme, un collectif divers, horizontal existe : prendre des initiatives, sans attendre, dans nos régions, est un pas pour lutter contre ces “criminels de guerre” qui nous gouvernent.
Emmanuelle Lefèvre