Édito

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“Réarmer”…

le mouvement social

Le mouvement syndical, et plus largement l’ensemble du mouvement social, se retrouve percuté par les conséquences d’une situation internationale de plus en plus instable (voir le point de vue d’Émancipation dans le présent numéro p. 4). Ce qui est à l’ordre du jour en Europe, c’est le “réarmement” : la militarisation de la société et l’embrigadement nationaliste, la relance massive des industries d’armement 1… et leurs contreparties : cela n’est possible – notamment en France où les difficultés budgétaires sont connues – qu’en appliquant un plan d’austérité massif. Sécurité sociale, retraites, services publics, droit du travail, législation environnementale… tout doit y passer. Alors oui, pas un sou, pas un homme (ou une femme) pour la guerre, l’argent pour les services publics, les salaires, et la protection sociale !

Cela suppose de combiner deux éléments : une lutte idéologique contre le militarisme bien entendu, notamment dans l’éducation. Car au final, à toutes les époques, l’augmentation des dépenses militaires ne fait qu’accroître le risque de guerre au lieu de le diminuer. Mais cette lutte doit se conjuguer à une autre : défendre nos droits, défendre les services publics, combattre la politique de Macron. Il ne doit pas y avoir d’“unité nationale” ! De ce point de vue, les directions syndicales ne fournissent pas de perspective. Après une grève réussie dans la Fonction publique,

le 05 décembre, elles ont attendu… et n’ont rien fait, pour ne pas rajouter d’“instabilité”. Grâce au “conclave”, le gouvernement a obtenu un attentisme syndical qui lui a permis de reprendre la main et de faire passer un premier plan d’austérité moyennant quelques concessions mineures (l’abandon des trois jours de carence, qui lui coûte beaucoup moins que le passage à 90 % de l’indemnisation des arrêts-maladie) 2.

Ainsi, la “traditionnelle” grève nationale sur la préparation de la rentrée scolaire n’aura même pas eu lieu. Pourtant, le mécontentement existe. Dans plusieurs départements, parents d’élèves et professeur·es d’école ont agi contre les fermetures de classes, la pénurie d’AESH, etc. De même, un mouvement a commencé à se structurer dans plusieurs universités. Une génération militante, sensibilisée à l’internationalisme par la Palestine, se confronte à des conditions d’études de plus en plus dégradées, à la lutte contre les fermetures – parfois massives – de filières (orchestrées par les avis “défavorables” du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur… un autre aboutissement de la loi ORE et de Parcoursup). Des débats, typiques de ceux qui surgissent lors des mobilisations, se font jour : occupation ou pas ? Que faire face à la répression, et aux interventions policières parfois cautionnées par les directions d’université ? Comment mettre en place et faire fonctionner l’auto-organisation ? Comment et quels liens construire avec les personnels (et quels liens entre les différentes catégories de personnels, qui parfois se croisent peu) ? Quelles relations avec les syndicats et les intersyndicales ? Etc. Bref, autant de questions posées, et pour lesquelles les réponses varient. De ce point de vue, force est de remarquer qu’il est tout de même inquiétant que le congrès national de la FSU, ait ignoré presque complètement la mobilisation étudiante de Rennes 2 (voir notre numéro précédent), pourtant en plein développement. Force est de remarquer aussi, que le risque qui se profile, est l’isolement et l’essoufflement des AG locales au fil du temps.

C’est ici que les questions stratégiques se posent pour le mouvement ouvrier. Il s’agit de centraliser les luttes existantes pour les coordonner, mais aussi de les préparer dans tous les secteurs de la société. Face aux attaques très dures qui sont annoncées, ce n’est pas le “dialogue social” qui est nécessaire mais la perspective de la grève générale pour défaire l’austérité militarisée qui va être le cœur de la politique de Macron et des forces réactionnaires.

Quentin Dauphiné

  1. Il est utile de rappeler qu’elles ne sont pas destinées à “aider l’Ukraine”, ni à empêcher l’improbable arrivée de chars russe sur les Champs-Élysées (cela n’existe que dans les jeux vidéos)… mais à armer des États qui poursuivent leurs propres intérêts néo-coloniaux et impérialistes, et éventuellement à réprimer les contestations sociales. ↩︎
  2.  Dans le même ordre d’idées, on peut se poser la question : le gouvernement annonce un “agenda social” dans la Fonction publique, mais qu’y a-t-il à discuter quand on sait qu’il prépare activement de nouvelles coupes budgétaires et des milliers de suppressions de postes ? ↩︎

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