Après avoir visité la grotte préhistorique de Pech Merle dans le Lot où il a pu voir quelques belles traces graphiques laissées par les premiers sapiens, Étienne Davodeau a entrepris de se rendre à pied et sac au dos jusqu’à Bure où l’humanité risque de laisser aussi des traces durables et d’une autre ampleur : un centre d’enfouissement de déchets nucléaires.
Au cours de ce périple, dont il a tiré une importante bande dessinée, il évoque bien sûr le plaisir de la randonnée, la beauté des paysages, son immersion dans la nature, la fatigue mais aussi quelques rencontres avec des spécialistes du nucléaire qui abordent avec lui la longue durée des effets de la radioactivité et les dangers que représente le centre de stockage de Bure pour la planète, ce que se gardent bien d’évoquer les tenants du projet.
Le rapprochement entre les deux lieux est justifié. “Sous le sol de Pech Merle, il y a des milliers d’années, des sapiens ont laissé à leurs descendants des souvenirs admirables. Sous le sol de Bure, d’autres sapiens […] envisagent d’enterrer des déchets nucléaires dont certains resteront dangereux des milliers d’années. Je veux comprendre ce qui sépare et ce qui relie ces deux lieux et ces deux dates”. C’est ce qu’il tente de nous faire partager.
Si des amis le rejoignent et cheminent avec lui quelques jours simplement pour le plaisir, quelques autres, spécialistes du nucléaire, conscients des dangers, prônent le recours à d’autres énergies et dénoncent le véritable lobby nucléaire. C’est le cas de Bernard Laponche, auteur notamment du Dossier Électronucléaire. Ils évoquent le coût du nucléaire, du démantèlement des centrales et du stockage des déchets pour des centaines de milliers d’années (p. 98-102). “Les générations futures auront de bonnes raisons de nous en vouloir”, dit-il.
La route passe par Colombey où est enterré le général De Gaulle qui a imposé le nucléaire sans qu’il n’y ait jamais eu “de vrai débat national sur le sujet” et le “lobby atomique, véritable état dans l’état irradie sans faillir les brillants cerveaux qui se succèdent au pouvoir”. Aujourd’hui, on peut ajouter Macron, nouveau chantre des surgénérateurs.
Joël Domenjoud, militant local, se demande comment l’Andra a pu s’emparer des terrains de Bure contre la volonté de la population locale et malgré les recours juridiques. Il évoque aussi, bien sûr, la résistance sur place et la répression policière et juridique (p. 180-192).
L’auteur nous rappelle à la fin que “ce livre est terminé, mais l’histoire continue”, nous incitant ainsi à rester particulièrement vigilant·es.
Jean-Pierre Tusseau
- Étienne Davodeau, Le Droit du sol, journal d’un vertige, Futuropolis,2021, 25€.
- À commander à l’EDMP (8 impasse Crozatier, Paris 12, edmp@numericable.fr).