MGEN, Sécu, le piège

Le 4 Avril, à 6 jours de l’élection présidentielle, Macron attend la signature quasi unanime des syndicats (FO ne signerait pas) pour un accord de méthode sur la prévoyance complémentaire et statutaire. Rien n’arrêtera les directions syndicales dans cette folle caution à ce pouvoir dont le mandat d’agression touche à son terme et alors que pire encore se dessine après l’élection. Pas même l’enquête approfondie de la journaliste Joséphine Kalache sur la MGEN (Voir encadré). Ci-dessous, l’intervention d’Emancipation au bureau national de la FSU du 30 mars, pour refuser la signature de cet accord.

D’abord quelle serait la pertinence de signer, à quelques jours de l’élection présidentielle, un accord pour une “négociation” sur la prévoyance, sans le moindre rapport de force. Un accord dit de méthode, sans calendrier, sans échéance, ni certitude sur ce que sera le pouvoir politique dans un mois. À moins que le projet soit d’aider Macron à être réélu pour appliquer de supposés engagements. Voilà qui fait preuve d’une naïveté de plus en plus incompréhensible sur les engagements de l’État que l’on voit régulièrement bafoués.

Ensuite la décision de la signature de la FSU est soumise à des instances de plus en plus réduites : on nous a refusé que l’accord sur la PSC soit discuté au congrès national ; elle ne l’a été qu’en Conseil national ; pour cet accord de méthode sur la prévoyance l’instance n’est plus que le bureau national, et pour la suite de ces signatures qui se généralisent, ce sera le secrétariat ? Le secrétaire général tout seul ?

Lequel secrétaire général a affirmé dans son introduction, comme il l’avait fait lors du dernier Conseil national que la signature garantissait le recouplage de la santé avec la prévoyance, ce qui n’est pas du tout le cas.

Une modification tardive et importante du texte soumis à signature n’a pas été signalée dans la note fournie par l’exécutif de la FSU : dans l’article 1 du projet, définissant l’objet de l’accord de méthode, le premier alinéa stipule que “Le présent accord de méthode définit les modalités et le périmètre de négociation sur la prévoyance dans la fonction publique de l’État”. Ce qui semble assez clair, mais il y est ajouté dans la version du texte datée du 17 mars : “Il s’applique à l’égard des agents publics pour lesquels les organisations syndicales élues au Conseil supérieur de la Fonction publique d’État sont représentatives”, formule qui ne figurait pas dans la version datée du 11 mars, ni dans l’accord de méthode sur la PSC du 3 juin 2021, dont ce projet d’accord se présente comme un avenant. Il ne peut s’agir que d’une entourloupe de plus permettant d’exclure de cet accord une partie des agents de la Fonction publique (les retaité·es, les chômeur·ses…).

Le ministère a répondu à la FSU que cette formule permet d’inclure les enseignant·es du privé.

La FSU ne peut pas signer ce projet d’accord  

Il ne s’agit pas simplement d’un accord sur le versant prévoyance de la protection sociale complémentaire, ce qui déjà repose toutes les questions et désaccords autour du versant santé : obligation, participation et donc contrôle de l’employeur qui choisit assurance privée ou mutuelle, panier de prestations type au financement “équilibré”, abandon des solidarités liées à l’âge, à la famille, aux revenus, prise de pouvoir accrue de l’assurantiel privé sur la PSC….

En fait, cette négociation porterait sur la prévoyance complémentaire, mais aussi sur la prévoyance statutaire et donc sur la sécu. Et là c’est encore plus grave : l’exécutif et derrière, les assureurs privés, prendraient la main à la fois sur la gestion paritaire de la sécu et sur le vote du PLFSS (Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale) par le délibératif. Et les vases communiquants entre la sécu et les complémentaires que nous estimions comme un risque important pour déstabiliser encore plus la sécu seraient renforcés.

La FSU a tort de se vanter d’avoir obtenu un engagement à lancer une négociation sur ces deux aspects prévoyance (complémentaire et statutaire), qui devraient rester deux revendications et d’éventuelles négociations séparées, et avant tout sur la base d’un rapport de force (ce qui n’est pas le cas actuellement).

Les syndiqué·es, les personnels n’ont toujours pas digéré l’absence d’informations claires préalables à la signature de l’accord PSC santé qui a été signé à la sauvette sur la base de “l’expertise” de négociateur·trices des syndicats. Alors sur la prévoyance – qui est encore plus technique – l’information et la consultation des personnels doit être longue et complète sur les enjeux, y compris l‘attaque directe de la sécu. Par rapport à cette technicité, le ministère prévoit une formation. En fait on retrouve là la proposition d’Émancipation qui n’a pas été retenue au congrès, que la FSU se dote, si possible en intersyndicale, d’outils indépendants du pouvoir sur des sujets essentiels pour l’action syndicale comme le calcul de l’augmentation du coût de la vie ou du nombre de manifestant·es et donc aussi pour que les militant·es se forment sur les sujets pointus dont ils sont amenés à discuter avec le pouvoir.

Olivier Vinay, le 31 mars 20222

Que se passe-t-il à la MGEN ?

La journaliste Joséphine Kalache dévoile, dans une enquête étayée par des témoignages, le plan de la bourgeoisie pour abattre la plus grosse mutuelle de la fonction publique (400 000 adhérent·es, 10 000 employé.es et plus de 18 000 militant·es animant les sections départementales), et ensuite la sécu que la MGEN gère depuis l’après-guerre pour les personnels de l’EN. (https://josephinekalache.com/2022/ 02/25/que-se-passe-t-il-a-la-mutuelle-generale-de-leducation-nationale/) ?.

Cet article renforce les opposant·es à l’accord PSC signé par les directions syndicales.

L’offensive remonte au début des années 90, lorsque le pouvoir pousse les mutuelles à être gérées par le statut des assurances privées lucratives. Puis, en 2009, sous couvert de mettre l’Europe à l’abri de faillite type Lehman, les accords dit Solvabilité II imposent aux sociétés assurantielles :

  • – un certain niveau de fonds propre et de trésorerie, ce qui pénalise les mutuelles dont la finalité est la qualité de la prise en charge et non la rentabilité. Ainsi la MGEN, doit statutairement réinvestir 93 % des cotisations en prestation aux adhérent·es, et ne peut pas faire d’augmentation de capital.
  • – et aussi qu’elles se dotent d’outils de contrôle de la prise de risque, ce qui a nécessité de recruter, former et payer très cher des directions opérationnelles émanant de la haute Fonction publique et/ou de la finance. Elles ont fini par prendre le pouvoir par rapport aux délégué·es élu·es émanant de l’EN, garant.es des principes de solidarité et de qualité. Y compris au niveau national, avec des proches de Macron

Résultat : une forte concentration (le groupe VYV/MGEN pèse 11 millions d’assuré·es et 45 000 salarié·es), des exclusions, des démissions, l’aggravation des conditions de travail des employé.es, une baisse de la qualité et de la solidarité des prestations. D’autant que depuis la loi El Khomri de 2016, les employé·es n’ont plus le droit d’être assuré.es à la MGEN et ont moins de communauté d’intérêts avec les adhérent·es.

O. V