Résister à la guerre
et à ses profiteurs
Le présent texte est écrit le 31 mars, donc sans connaître ni le résultat des élections en France, ni l’évolution de la guerre provoquée par l’invasion de l’Ukraine.
Si ces deux événements n’ont pas de lien particulier, en revanche ils montrent bien qu’il est – aujourd’hui comme hier – impossible de dissocier les questions internationales et les questions nationales.
Aujourd’hui, dans un contexte de faillites sociales, démocratiques et écologiques, le capitalisme international montre de plus en plus sa vraie nature : celui de la lutte – économique et politique souvent, armée parfois – des grandes puissances pour défendre leurs intérêts les unes contre les autres… mais aussi pour combattre les mouvements populaires porteurs de revendications, d’émancipation. Parmi ces impérialismes, l’impérialisme de l’État russe, s’il n’est pas le plus puissant, est à la pointe de la vague réactionnaire internationale contre les peuples : c’est pourquoi la résistance à cette invasion, et la solidarité internationaliste avec les mouvements sociaux ukrainiens et russes, sont indispensables. L’invasion de l’Ukraine s’accompagne de bombardements, destructions, décès et crimes de guerre sans nom. Elle s’ajoute aux méfaits subis par les pays et les peuples dominés depuis des dizaines d’années : invasion de l’Irak et de l’Afghanistan, guerres en Tchétchénie désagrégation de la Libye et de la Syrie… Elle montre aussi la duplicité des phrases des politiciens néo-libéraux sur la “sécurité collective” et le “multilatéralisme dans le cadre de l’ONU” : concrètement, les grands États capitalistes majeurs se mettent au-dessus du “droit international” quand ils le jugent nécessaire.
Cette vague réactionnaire mondiale a aussi des répercussions dans chaque pays. Nombre de gouvernements veulent instrumentaliser la situation pour faire taire leurs oppositions, porter atteinte aux droits démocratiques et sociaux au nom de “l’unité nationale”, développer le militarisme et augmenter les budgets militaires.
En France, c’est précisément ce que cherche à faire le gouvernement Macron : “l’union nationale” pour la “démocratie” (alors que les droits démocratiques reculent d’année en année), doit se faire pour poursuivre et accentuer sa politique au service des capitalistes. Le candidat-président annonce d’ores et déjà des mesures destructrices en cas de réélection : contrôle social des pauvres et exploitation avec la réforme du pourtant déjà misérable RSA, développement de l’industrie de guerre et relance du nucléaire, nouvelles lois liberticides (notamment par le biais d’une loi renforçant les pouvoirs de la police), recul de l’âge de la retraite, attaque des services publics et généralisation de la précarité…
Pour l’éducation en particulier, les premières mesures annoncées constitueraient une destruction en règle de l’école laïque et des statuts des personnels. Ainsi, la piste déjà avancée de la suppression du CAPES s’accompagnerait d’une extinction du recrutement sous statut au profit d’une flexibilité généralisée. Comme l’annonce Macron (1) : “On propose un pacte aux enseignants : on vous demande de nouvelles missions qu’on est prêts à mieux payer comme le remplacement des profs absents, ça doit être une obligation, le suivi individualisé des élèves, l’accompagnement sur le temps périscolaire. Pour les enseignants en place je propose un nouveau contrat. On augmente leur rémunération s’ils sont prêts à changer leur organisation. Toutes les nouvelles embauches sont sur la base de ces nouveaux contrats”.
Ce processus est d’ailleurs déjà amorcé, d’un certain point de vue : en septembre 2022, avec la contre-réforme sur le recrutement et la formation des personnels, les stagiaires seront affecté·es à temps plein et avec le statut de contractuel·le ; en d’autres termes, l’entrée dans le métier par la précarité ! La casse des garanties statutaires nationales irait logiquement de pair avec celle des garanties salariales : “On ne va donc pas payer les professeurs de façon uniforme dans le pays”. Au demeurant, les hiérarchies intermédiaires auraient tout pouvoir dans la mesure où elles pourraient recruter les personnels et exiger une allégeance aux projets d’établissement locaux, autrement dit une soumission aux contre-réformes (“Je veux que les directeurs aient la possibilité de récuser des profils et participent à la décision”). Ce qui en fait est déjà en germe avec l’ « expérimentation » décidée par Macron à Marseille (et au passage, montre bien l’enjeu qu’il y a à organiser le boycott par les écoles de l’“expérimentation” marseillaise, dans la perspective de l’abrogation du dispositif et de la dernière loi sur la direction d’école).
Le plus brutal, ce serait – une fois de plus – dans l’enseignement professionnel : là il s’agit clairement d’organiser la déscolarisation d’une partie de la jeunesse, qui serait « formée » uniquement en entreprise par apprentissage. Autrement dit, pour les seuls besoins du patronat local. Logiquement, dans cette perspective, c’est la casse des diplômes nationaux – pas ceux des hauts cadres sorti·es des grandes écoles, mais des ouvrier·es, employé·es… – reconnus par les conventions collectives. D’ailleurs Macron ne s’en cache pas, évoquant “un outil de gestion des compétences qui sonne la fin de l’hégémonie des diplômes”.
L’attaque sur l’enseignement professionnel, qui recrute massivement les jeunes de la classe ouvrière et des quartiers populaires, est un élément d’une attaque en fait plus globale. Car le projet de Macron, c’est celui avancé par le MEDEF dans le cadre de la campagne présidentielle. Il est axé sur la “baisse du coût du travail”, la casse des solidarités collectives (Code du travail dans le privé, statuts de la Fonction publique, protection sociale…). Il ne lui est pas propre, il est partagé par toutes les candidatures de droite et d’extrême droite, sous des formes plus ou moins brutales ici (teintées de xénophobie et de racisme), plus ou moins mercantiles là (recours massif aux cabinets de conseil et aux combines affairistes et opaques).
Dès lors, bien entendu, il serait nécessaire que le plus grand nombre de travailleur·es refusent de voter pour ces représentant·es des milieux d’affaires. Car ce qui nous attend s’ils/elles sont élu·es ou réélu, c’est une attaque massive contre les droits sociaux et démocratiques.
Mais surtout, sans être suivistes par rapport au calendrier électoral, il est indispensable pour le syndicalisme de préparer dès maintenant la résistance nécessaire à leurs projets destructeurs. En commençant bien entendu par refuser toutes concertations, “négociations”, accords sur les mesures avancées par Macron, ou tout·e autre chef·fe de l’État qui les reprendrait. Et aussi en préparant la lutte sur les revendications, la mobilisation sous toutes ses formes pour obtenir le retrait de ces agressions si elles voient le jour dans les prochaines semaines. Au vu de la brutalité du pouvoir, cette lutte exigera un très haut niveau de combativité qui ne saurait se borner à des journées d’action de 24h, et donc aussi un très haut niveau d’auto-organisation (AG souveraines de travailleurs et travailleuses organisant et contrôlant la lutte). Pas d’“état de grâce”, pas d’“union nationale”, mais organiser l’action collective dès maintenant !