Le congrès de la FSU a eu lieu à Rennes du 3 au 5 février 2025. C’est normalement le moment pour les délégué·es de confronter leur vision du monde, de l’école et des services publics, du syndicalisme et de l’action. Ce congrès a montré comment la FSU s’éloigne (si tant est qu’elle en ait déjà été proche) du combat contre le capitalisme mais surtout comment elle est incapable de réfléchir, mener des luttes et soutenir l’auto-organisation de celles-ci, qu’elles soient locales, nationales ou internationales.
Une FSU incapable de soutenir la mobilisation étudiante de Rennes
Le congrès s’est tenu alors que depuis 15 jours les étudiant·es et personnels de l’université Rennes 2 se mobilisaient contre le budget d’austérité décidé par le ministère et mis en place par la direction SNESUP-FSU de l’université. La direction de la FSU et la section de l’Ille-et-Vilaine ont préféré tenir un congrès sous forme de conclave, quasiment hermétique à la mobilisation étudiante plutôt que de profiter de l’occasion pour affirmer l’opposition de la FSU à l’austérité et confirmer son soutien à la jeunesse qui se mobilise.
Palestine : la dénonciation d’un génocide, “pas au nom de la FSU”
Dans différents congrès départementaux, un texte écrit par des militant·es Unité et Action et soutenu par Émancipation avait été adopté. Il portait clairement la dénonciation du génocide, du colonialisme de l’État d’Israël et demandait l’investissement effectif de la FSU dans les collectifs locaux ainsi que de renforcer les actions de Stop Arming Israel, de BDS notamment avec des ruptures diplomatique, universitaire, culturelle, sportive et de l’accord d’association UE/Israël. Les rapporteur·es ont choisi de ne pas faire de “zoom” Palestine, ce qui aurait permis de mettre en avant la situation de la Palestine. Les compromis entre U&A et École Émancipée n’ont conduit qu’à euphémiser le génocide et l’apartheid en cours, en laissant parler les rapports de la Cour Internationale de Justice ou en écrivant “logique d’apartheid”. La question des différentes modalités de boycott, notamment universitaire ou culturel ainsi que de l’accord d’association a été évincée du texte final.
Lutter contre le capitalisme, vraiment ?
La codirection U&A et ÉÉ de la FSU reste dans une logique d’aménagement du capitalisme et ne se donne pas les mandats pour en sortir, encore moins les moyens. Les amendements d’Émancipation pour la nationalisation des services publics et l’expropriation des moyens de production pour une gestion par les travailleur·euses sont éliminés d’emblée par les rapporteur·es du texte et recueillent, au maximum, 20 % des voix. D’ailleurs, l’organisation des textes montre toute l’incapacité de lier les différentes composantes : la dénonciation du capitalisme, présente dans le thème 3, n’est pas reliée au syndicalisme, traité dans le thème 4 ou bien à l’action, traitée à part.

Ainsi, la FSU ne se dote pas de mandats pour soutenir et prendre part aux luttes anticapitalistes, écologiques auto-organisées comme les Soulèvements de la Terre ou les collectifs locaux de grève. Elle poursuit sur une logique de “concertations” avec les gouvernements successifs, continuant de réclamer la participation au conclave de Bayrou sur les retraites. Elle n’ouvre aucune réflexion sur l’organisation d’une grève générale ou, a minima, de savoir comment gagner sur les retraites, les services publics ou des revendications sectorielles et reste sur de potentielles journées d’action. Plus grave encore, alors que le gouvernement est affaibli et n’a pas de majorité, aucune action n’est décidée contre le budget d’austérité ou pour l’abrogation de la réforme des retraites. La FSU fait le choix de la stabilité politique alors même que celle-ci ne fera pas obstacle à l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir.
Services publics et précarité

Alors que les constats sont partagés sur les attaques contre les services publics, la direction de la FSU continue de saucissonner les revendications par secteurs ou ministères de la Fonction publique, de s’appuyer sur des avancements au mérite ou la qualification et sur une augmentation du point d’indice. C’est ainsi le cas de la titularisation, où des plans de négociations catégoriels avec des modalités diverses sont proposés… avec le résultat qu’on connaît depuis 20 ans ! À ce titre, hors de question pour les U&A d’un statut pour les AED ! Une intervention d’Émancipation a pointé ces éléments pour aborder la question de la titularisation sans condition de concours ni de nationalité et l’arrêt du recrutement de précaires. La tribune a répondu que cela constituerait un coup très grave aux statuts de la Fonction publique, tout en admettant le bilan négatif des précédents plans de titularisation (on remarquera que lors du congrès précédent, il avait été question au moins d’un plan de titularisation de tou·tes les précaires…). Une séquence incroyable a aussi eu lieu : un amendement proposait une augmentation des salaires de 85 points d’indice (contre 70 pour le texte initial). Les rapporteur·es ne l’ont pas intégré et le vote a obtenu une grande majorité, mais, comme il faut 70 % pour être adopté, les rapporteur·es ont proposé une moyenne à 80 points d’indice… le ridicule ne tue pas, heureusement !
Protection sociale et retraites
Alors que le dernier congrès se tenait au moment de la signature du protocole d’accord sur la protection sociale complémentaire, ce congrès a connu de vifs échanges sur cette même PSC. Les retraité·es, comme Émancipation, ont dénoncé cet accord qui brise les solidarités intergénérationnelles. Bien que la direction reconnaisse que la PSC s’éloigne du mandat de la FSU du 100 % sécu, aucune remise en question de la position de la FSU et de sa signature des accords n’a été remise en question. Sur les retraites, l’abrogation de la réforme 2023 a bien été réaffirmée mais il semble que certains syndicats semblent vouloir aménager la revendication de 60 ans, 37,5 annuités et 75 %… mais cela n’avait pas l’air d’être pour un progrès.
Vers la nationalisation de l’école privée sous contrat
Le mandat actuel est celui d’une perspective lointaine de nationalisation, plusieurs interventions ont montré que cette question prenait une dimension nouvelle et plus actuelle avec le rôle de plus en plus visible du privé dans le tri social : il faut donc se prononcer sur la nationalisation sans indemnité ni rachat. La tribune a écarté cette perspective, qui devait être débattue dans le thème 1. L’abrogation de la loi Debré et des dispositifs de financement du privé a été rappelée. Les délégué·es Émancipation ont porté une motion pour un autre projet éducatif, qui s’inscrit dans une sortie du capitalisme et envisage une école sans domination, démocratique, sans lien hiérarchique entre les personnels et qui cesserait de former une future main d’œuvre au service du capitalisme.
Vers une maison commune avec la CGT ?
Le rapprochement de la CGT avec la FSU a été discuté. Le texte prend le parti de créer une maison commune. Sophie Binet était d’ailleurs invitée et s’est exprimée en plein milieu des discussions sur les mandats de la FSU sur un tel rapprochement, ce qui est déjà contestable. En plus, ce discours a eu lieu alors que les étudiant·es de Rennes 2 étaient devant le palais des congrès et s’étaient vu refuser l’entrée. Émancipation a porté sa motion sur la création d’une fédération basée sur des sections locales intercatégorielles pour organiser les luttes par la base, loin de l’organisation actuelle qui fait que sur un même établissement scolaire il peut y avoir des syndiqué·es dans cinq syndicats de la FSU, qui ne se connaissent même pas ! Si unification il y a, elle doit se faire par les syndiqué·es.
Le congrès 2025 a ainsi montré une FSU qui peine à trouver des moyens d’actions, tout comme à offrir des perspectives claires face au capitalisme, aux gouvernements libéraux et pour la défense des précaires. L’absence de soutien effectif au mouvement étudiant, tout comme les attaques d’une partie de congressistes contre la délégation Émancipation (voir page 6) montrent les limites de la codirection actuelle U&A et ÉÉ. Enfin, cette mise en accusation d’Émancipation, sans perspective de droit de réponse et avec une bronca organisée a fait prendre la décision à la délégation de ne pas participer au dernier jour du congrès.
Les interventions, les motions et les amendements d’Émancipation sont consultables sur le site 1. Malgré des conditions difficiles, beaucoup de nos amendements et motions ont recueilli un nombre de voix largement supérieur à nos seuls votes, et nous avons contribué à l’adoption de deux amendements, sur le vote des étranger.es et la dissolution de la BAC.
Marine Bignon