Une terre de souffrance insensée, un peuple enfermé dans des cages multiples. Tout l’effort du colonisateur est d’en empêcher la communication. Un espace qui se réduit comme peau de chagrin, des îlots de survie disjoints, un même fabuleux déni de justice décliné sous des modes disparates.
Wijdan et Najet sont en Cisjordanie. L’une habite dans un village proche de Bethléem, l’autre dans le grand camp de réfugié·es de Jénine. Pour l’une, le quotidien est de se faufiler, pour toute démarche, de checkpoint en checkpoint, de déjouer l’arbitraire en embuscade. Pour l’autre, il n’y a plus de quotidien, le camp vient d’être anéanti, vidé de ses habitant·es, partiellement rasé.
Asma et Sabreen sont dans la bande de Gaza. Seize ans de blocus, quinze mois de tueries. Enfer des bombardements, ordres d’évacuation, déplacements meurtriers, pénuries organisées. Chacune a dû fuir sa maison, pour survivre au centre de la bande de Gaza, où un million et demi de déplacé·es s’entassaient dans les maisons encore debout et dans les immenses camps de toiles improvisés, recouvrant tout l’espace disponible.
Notre proposition, pour le numéro “Femmes“ de L’Émancipation, de décrire leur quotidien, les rattrape dans des instants de vie contrastés, de l’obstination de la lutte quotidienne au paroxysme de l’horreur, en passant par un fragile cessez-le feu. Ces quatre textes reflètent ces moments. Ils n’en résonnent pas moins à l’unisson, être femme face à la logique des soudards.
Brigitte et Sarah
Sabreen : de quelle journée de la femme parle le monde ?
Je connais Sabreen depuis longtemps, et j’ai pu la recevoir une fois chez moi en France, quand elle a accompagné son mari Abu Amir, notre camarade et représentant de l’UJFP à Gaza, dans une tournée de conférence. Elle est aussi discrète publiquement qu’indispensable à l’engagement de son mari et de ses deux grands fils. Contrainte d’abandonner leur maison, dans le centre de la bande de Gaza, au contact direct des tanks et constamment surveillée par les drones, la famille a pu être hébergée en dur par des amis de Deir al-Balah. J’ai demandé à Sabreen de prendre cette fois la parole, et elle a terminé son témoignage ainsi : “Ma chère Sarah, excuse-moi, Abu Amir m’a dit que tu demandes de ne pas dépasser une demi-”page, mais je n’ai pas pu raccourcir davantage. Tu m’as beaucoup manqué et j’espère te serrer à nouveau dans mes bras”.
Sarah
Mon témoignage à l’occasion de la Journée internationale de la femme : Qu’en est-il des femmes de Gaza ?
Le 8 mars, jour où le monde honore les femmes, tout le monde semble avoir oublié ou ignoré les femmes de Palestine, qui ont été tuées, torturées, déplacées de leurs maisons, et dont les fils et les maris ont été tués sous leurs yeux en l’espace de 15 mois.
Aujourd’hui, j’écris mon témoignage sur ce qui s’est passé, bien que je n’aie perdu aucun membre de ma famille, mais j’ai perdu beaucoup de nièces, de neveux, de voisins et d’êtres chers. Mon mari a également perdu plus de 65 de ses cousins.
En l’espace de 15 mois, des centaines de milliers de femmes ont été déplacées et réinstallées à plusieurs reprises dans différentes zones de Gaza. Si nous devions parler de notre déplacement de nos maisons, cela prendrait beaucoup de temps, surtout s’il s’agit d’un déplacement sous les bombardements. En tant que femmes, nous avons échappé à la mort à plusieurs reprises et avons miraculeusement survécu…
J’ai souvent serré mes enfants et mon mari dans une petite pièce, en entendant les obus et les missiles frapper autour de nous ! Chaque fois que mon mari et mes enfants quittaient la maison, je mourais mille fois de peur qu’ils ne reviennent jamais. Les bombardements ne visaient pas tous des personnes en particulier, mais la plupart d’entre eux étaient aléatoires et visaient à terroriser et à tuer les gens.

Plus d’une fois, nous avons vu des morceaux de corps sur les routes alors que nous fuyions d’une zone à l’autre ! Combien de fois avons-nous vu des voitures en feu avec des personnes brûlées vives à l’intérieur ! Je n’oublierai jamais, aussi longtemps que je vivrai, le jour où j’étais avec mon mari dans notre voiture, allant de Nuseirat à Deir al-Balah, et que j’ai été surprise au milieu de la route par une voiture en feu, avec deux personnes à l’intérieur qui brûlaient vives, après avoir été prises pour cible par un drone.
À ce moment-là, j’ai poussé un cri hystérique sous l’effet de l’horreur de la scène, et mon mari m’a ramenée à la maison en essayant de me calmer. Je lui ai demandé, ainsi qu’à mes enfants, de ne pas quitter la maison de peur de les perdre. Je n’ai pas pu dormir pendant de longues nuits, et la vue des personnes brûlées vives me hantait dans mes rêves.
Quant à mon témoignage sur la souffrance des femmes dans les camps de déplacé·es, bien que je n’aie pas vécu sous une tente, j’ai vu la situation de mes propres yeux en rendant visite à mes amis et à mes parents sur place, et j’en ai débattu sans cesse en lisant les rapports de mon mari.
Pendant la guerre, les femmes ont enduré ce que les montagnes ne pourraient pas supporter. Elles dormaient à la belle étoile, sous la pluie et dans le froid, dans la crainte constante des bombardements, avec peu d’eau et sans intimité. Même les bains sont devenus un luxe rare, car les femmes devaient rester longtemps sans se laver.
J’avais l’habitude de recevoir de nombreuses femmes des camps proches de ma maison, et même lorsque j’ai été déplacée à Deir al-Balah, certaines femmes frappaient timidement à ma porte, juste pour demander à utiliser la salle de bain pour se doucher. Elles m’ont beaucoup parlé des conditions inhumaines dans lesquelles elles vivaient.
Sans parler du harcèlement des veuves et des jeunes filles, conséquence immonde d’une situation de guerre inhumaine. Certaines mères ont été contraintes de marier leurs filles à l’âge de 15 ans uniquement pour les protéger des attaques et du harcèlement.
De quelle journée de la femme parle le monde ?
Qu’ils viennent à Gaza et qu’ils voient comment les femmes sont humiliées !
Wijdan : les enfants d’abord
Al-Masara est un village situé à 6 km au sud-ouest de Bethléem, en Cisjordanie. Le village se trouve à environ 10 kilomètres à l’ouest de la “ligne verte” de 1948. L’énorme “bloc de Gush Etzion”, composé de sept colonies israéliennes, se trouve à proximité. Dans ce paysage de collines, où l’on cultive en particulier l’amandier, où que l’on tourne les yeux, les colonies barrent le paysage. Je connais Wijdan et sa famille depuis longtemps, leur hospitalité chaleureuse, le jardin de plantes aromatiques et de légumes, le petit élevage de moutons. Lui est enseignant, et affronte quotidiennement l’arbitraire des checkpoints pour se rendre jusqu’au collège. Elle a créé de toute pièce, pour que les jeunes mamans du village puissent travailler, un jardin d’enfant.
Sarah

Au cœur de la Palestine, où les échos de l’histoire se mêlent aux luttes actuelles, la vie des femmes est devenue un témoignage de résilience et de force. Pour beaucoup d’entre nous, chaque jour commence avec le poids de l’incertitude, alors que nous naviguons dans les complexités de la vie sous occupation. Nos rêves semblent souvent lointains, éclipsés par les dures réalités auxquelles nos communautés sont confrontées. Au milieu de ces circonstances épouvantables, nous trouvons des moyens de nous soutenir les unes les autres. Les femmes se réunissent en petits groupes pour partager leurs histoires, leurs rires et leurs larmes, créant ainsi un sanctuaire au milieu du chaos. Nous sommes des mères, des filles et des sœurs qui portent le fardeau des soins, devenant souvent l’épine dorsale de nos familles.
L’un de mes projets, un jardin d’enfants, est une lueur d’espoir pour nos enfants. Il leur offre un espace sûr où ils peuvent apprendre, jouer et rêver, malgré les difficultés qui les entourent. Grâce à l’éducation, nous visons à responsabiliser la prochaine génération et à lui inculquer la conviction qu’elle peut façonner son propre avenir. Malgré les défis, nous gardons espoir. Notre résilience fait partie intégrante de notre identité et nous continuons à nous battre pour des lendemains meilleurs. Par l’art, l’éducation et l’activisme, nous cherchons à nous réapproprier notre histoire et à inciter le monde à nous écouter. En racontant nos histoires, nous invitons le monde à nous voir, non pas comme des victimes de circonstances, mais comme de puissants agents de changement, déterminés à s’élever et à tracer un chemin vers la paix et la justice.
Najet : effacer les réfugié·es de la carte de la Palestine
J’ai rencontré Najet en 2010, elle m’a accueillie quand je suis arrivée au camp de réfugié·e de Jénine. Un grand camp, au flanc d’une colline, à proximité de la ville de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie. Enseignante dans un des villages proches, Najet animait la maison des femmes du camp de réfugié·es. Lutteuse infatigable, héritière de la tradition Fatah de l’OLP, le camp était son univers fraternel et la personnification de la volonté inflexible du retour sur les terres dont leurs parents avaient été chassés. Avec les habitant·es du camp, elle a fait face à de multiples épisodes sanglants. Pour l’avoir écouté parler de ces décennies de luttes, pour l’avoir vu traverser une épreuve intime terrible, la maladie mortelle de sa fille Tala, j’entends aujourd’hui, dans son témoignage sur l’attaque sur le camp depuis le 19 janvier 2025, une douleur immense. Dans la course contre la mort qui s’organise pour trouver abris et nécessaire vital aux familles chassées du camp, Najet n’a ni le temps ni la disponibilité d’écrire. Elle enregistre pour moi, “à l’arrache”, des clips vocaux que je transcris ici. Je n’ai pas voulu gommer l’aspect oral de son témoignage.
Sarah
Aujourd’hui, la situation à Jénine devient de plus en plus grave après l’expulsion de plus de 10 000 habitant·es du camp. C’était le 19 janvier, toutes les familles du camp ont été obligées de sortir de chez eux, de leur maison, sans rien avec eux, ni vêtements ni rien du tout, sans qu’iels puissent amener leur matériel, leurs médicaments. Alors imaginez les conditions de vie, et pour aller où ?
Les forces israéliennes ont entouré le camp de réfugié·es, et ont commencé à bombarder, à détruire et à jeter la population hors du camp. Plusieurs maisons ont été détruites, des maisons qui appartiennent à des habitant·es du camp. Les habitant·es ont été obligé·es de quitter leurs maisons, avec leurs enfants.
Alors c’est une deuxième Nakba ! Mais cette fois on ne sait pas quand on pourra revenir.
Pourra-t-on revenir comme on a pu revenir en 2002 ? Cette fois on ne sait pas, non. Les destructions, les bombardements des maisons… La maison qui était à côté de nous, tu te souviens Sarah, la maison où tu as participé à la fête, c’était une cousine de mon père, qui faisait une fête pour le mariage de son fils, et on a dansé, tu te souviens ? Elle est détruite. Ma maison je ne savais pas si elle est toujours là ou pas. Je viens de t’envoyer une photo.

La maison de ma sœur, où tu as vécu, elle est détruite aussi, la maison de Kifah, elle a été brûlée. Trente-cinq martyrs, quand les forces ont attaqué la ville de Jénine et le camp de réfugié·es. Ils ont blessé des centaines de gens, tué des gens qui n’étaient pas des résistant·es.
Ce n’est pas depuis le 7 octobre que le camp de Jénine est attaqué. On peut citer 2002, et plus près 2020, 2022, 2023… chaque fois il y avait des massacres. Chaque fin de semaine il y avait des mort·es. Et ça continue. On peut dire que cela a augmenté de plus en plus depuis le 7 octobre. On a cru, après le cessez-le-feu sur la bande de Gaza, que la Cisjordanie vivrait en paix aussi maintenant. Mais non ! Les crimes de cet État barbare continuent toujours, vers les villes de la Cisjordanie et surtout vers les camps de réfugié·es.
Le camp de réfugié·es de Jénine en est l’exemple. Ce camp qui a été attaqué plusieurs fois chaque mois cette année, et l’année d’avant, et déjà l’année d’avant. On était attaqué toujours trois à quatre fois par mois, imaginez, et chaque fois l’armée israélienne pouvait rester 3 jours, 10 jours, 12, voire plus ! Et avant d’entrer, ils bombardaient les maisons, c’est vrai… mais pas à ce point ! Et comme destructions supplémentaires, ils rasaient toujours les routes pour rendre la vie impossible dans le camp… Mais cette attaque, vraiment, elle a changé les lignes. Ils sont toujours là, à raser les routes et à bombarder les maisons, et à dessiner une autre planification : ils ne veulent pas de l’existence de ce camp, de l’existence de ces familles.
Ces gens, ces habitant·es du camp, iels sont tous seul·es, confronté·es à cette grande épreuve. La plupart de ces maisons, la plupart de ces quartiers, ont été éliminés, détruits ou brûlés. Ces réfugié·es, iels vont rentrer où ? Est-ce que les forces israéliennes vont leur permettre de revenir, un jour, à leur maison ?
Malheureusement, je le dirai, quarante-cinq jours avant le 19 janvier, l’Autorité palestinienne a encerclé le camp de réfugié·es de Jénine. Pendant quarante-cinq jours ! Et elle poursuivait les résistant·es en disant qu’iels sont des hors-la-loi. Alors nous sommes considéré·es par l’Autorité palestinienne comme des hors-la-loi… Ils ont bombardé des maisons, il ne faut pas le nier, ils ont recherché et poursuivi des résistant·es, des jeunes, ils ont arrêté beaucoup de jeunes dans le camp. Même maintenant, les forces israéliennes sont toujours là, dans le camp, et dans les villages alentour aussi. Ils sont là pour commettre leurs crimes, les assassinats contre le peuple palestinien, contre les habitant·es du camp. Et l’Autorité palestinienne est toujours là, à poursuivre les résistant·es ! Imaginez la coopération de cette autorité avec l’État d’Israël, malheureusement.
Cela fait environ une année que je vis en dehors du camp. Pourtant j’ai une maison dans le camp, cette maison représente pour moi le souvenir de Tala, celui de mon mari Bassam. J’ai été obligée de faire une petite maison à l’extérieur du camp, parce que mon mari était très malade, il dépendait de la dialyse, c’était difficile pour nous d’aller à l’hôpital gouvernemental, qui était toujours encerclé par les forces israéliennes, pour qu’il fasse sa dialyse. Je n’oublierai jamais ma maison ! C’est vrai que j’ai une maison à l’extérieur du camp, mais je vais revenir. Les souvenirs de ma fille, mes affaires, les affaires de Bassam… cela fait trois mois qu’il est décédé, et ses souvenirs resteront toujours dans cette maison, la maison du camp.
Alors comment toutes les familles peuvent-elles surmonter cette épreuve ? Comment peuvent-ils oublier leur souvenir dans ce camp ? Leurs affaires, leurs vêtements, leurs plantes, leurs souvenirs… Obligé·es à sortir du camp, iels ne savaient pas où aller. Certain·es sont venu·es chez moi, d’autres familles dans des salles, dans des écoles, dans des villages, mais iels vivent dans des conditions très difficiles. Personne ne peut les aider. Plus de 10 000 habitant·es, comment peut-on les soutenir ? On essaie, comme étant le centre des femmes, nous les femmes, moi Najet, on essaie de trouver avec nos relations de France, avec France Palestine Solidarité, qui peut soutenir ces habitant·es à surmonter cette épreuve ?
Je viens de le dire, les familles vivent dans des conditions très difficiles, elles ont besoin maintenant de colis alimentaires, de matelas, de couverture, surtout cet hiver. L’Autorité palestinienne ne les soutient pas, l’UNRWA, c’est sa fin, elle ne donne rien dans ces conditions, parce que sa mission est finie… Alors imaginez, devant un monde qui ne bouge pas le petit doigt, ce qui reste du droit de retour de ces réfugié·es ! C’est le but, d’effacer ce camp et d’effacer les réfugié·es de la carte de la Palestine, afin d’oublier le droit au retour des réfugié·es aux villages natals, depuis 48.
Mais notre but ici maintenant c’est de nous mettre debout, de nous relever. Chaque fois on tombe, mais on essaie de se relever, même s’il y a un grand, comment dirais-je, complot, contre les réfugié·es, je sais bien. Mais malgré tout ça, malgré toutes les difficultés, on essaie de se remettre debout, et de ne pas oublier nos maisons, nos racines. Que puis-je vous dire de plus ?
Asma : on a le droit de vivre comme vous, on est des êtres humains
J’ai connu Asma en 2014 à Gaza lors d’un séjour de plusieurs mois, elle est devenue et restée une amie avec qui, à l’époque, dans tous nos moments partagés, nous avions longuement échangé sur l’amour idéal, le mariage et la place des femmes dans la société gazaouie. Asma est arrivée avec sa famille en provenance d’Algérie en 2005 pour s’installer avec sa famille à Khan Younis, grande ville du sud de la bande de Gaza. Elle est professeure de français dans une école, c’est une petite femme d’une quarantaine d’années, célibataire, sensible, très discrète et réservée et toute cette année qui vient de s’écouler, nous sommes restées en lien. Déplacée au moins trois fois avec toute sa famille, elle a perdu récemment dans cette guerre son père puis sa mère. À la proposition de témoigner “ce que fait d’être une femme dans les conditions faites à la Palestine”, elle m’a répondu immédiatement positivement.
Brigitte

La première chose pour moi très difficile, et pour toutes les femmes ici à Gaza, c’était de ne pas pouvoir se procurer des serviettes hygiéniques ou protection, trop chères et introuvables. Avant la guerre je pouvais me changer quand j’avais mes règles toutes les deux heures, c’était normal. Pour remédier à ce problème plusieurs femmes ont pris la pilule pour arrêter les règles, on l’a fait exprès, moi je l’ai fait trois mois. Pendant la guerre je n’ai pas pu me changer quand je voulais je me sentais sale dégoûtante. Ne pas pouvoir se doucher dans ces périodes c’était dur. Parfois attendre de nombreux jours. Ma solution pour le papier WC introuvable ça a été d’utiliser les vieux vêtements de mes parents, les couper en morceaux pour les toilettes. On avait aussi de grosses difficultés pour trouver tous les produits d’hygiène (savon, shampoing, papier WC…) Je n’ai pas pu acheter des sous-vêtements, trop chers, les miens étaient en trop mauvais état.
On était faible à cause de l’alimentation sans fruits et légumes, on avait faim la nuit et l’obligation de marcher sans cesse pour chercher tout, car il n’y a plus de transport, c’était très difficile. Les femmes avec des enfants c’était terrible, des mois pendant lesquels les enfants ont eu faim c’est bouleversant pour leurs mères, surtout l’impossibilité de trouver de la farine, avec des petits qui demandent toujours du pain. Les femmes qui ont perdu leur mari et doivent assumer tous les rôles, faire tout toute seule, tous les travaux et s’occuper des blessé·es, des handicapé·es etc.
L’absence d’électricité pour les travaux de la maison, qui doivent donc tous se faire à la main, laver le linge, faire le pain, chercher de l’eau, tout à faire à la main, et les femmes se sont plaintes de douleurs permanentes aux mains, aux jambes.
Pour les mamans, suivre les petits pour l’éducation, plus d’écoles même si on a fait des petits groupes dans des centres mais rien de régulier, les mamans n’avaient pas le temps. Plein d’enfants ne peuvent plus lire ni écrire. Les enfants disent des gros mots, traînent dans la rue sans école sans rien, iels perdent le respect, cela a créé beaucoup de difficultés de ne pas pouvoir suivre les enfants.
Dehors il n’y a plus de rues, pas de trottoirs, les femmes qui respirent mal ne peuvent plus sortir, la poussière, les poubelles, plus de nature, tout est dégoûtant, détruit. Je ne supporte pas de rentrer sale tout le temps, poussiéreuse.
Dans les tentes les femmes ont dû vivre avec toute la famille, parents, grands-parents, beaux-parents, cela a créé beaucoup de problèmes une promiscuité impossible, beaucoup de cas de divorces dans cette guerre. Les femmes qui ont été enceintes pendant la guerre ont eu des bébés en très mauvaise santé, des accouchements dans des situations très mauvaises, pas de possibilité d’être prises en charge, aucun suivi médical. Les médicaments, on ne les trouvait plus, ou alors de très mauvaise qualité, sans effets thérapeutiques.
Toutes les femmes ont perdu leur travail, comme moi par exemple, déjà avant la guerre c’était difficile, maintenant c’est une difficulté de plus. Nous ne pouvons plus avoir aucune autonomie, nous sommes obligées de vendre nos bijoux et de vider toutes nos économies.
Ici à Gaza on est des femmes et des jeunes femmes, civiles comme vous, et on a le droit de vivre comme vous, on est des êtres humains.