“Paroles de filles” est un atelier conçu par deux professeures documentalistes dans un collège. C’est un atelier hebdomadaire de discussion en non-mixité de genre : élèves et une adulte référente.
Ce dispositif a pour but de créer un espace de confiance où les élèves filles peuvent se confier, être écoutées. Mais il doit aussi faire découvrir les notions de féminisme, de sexisme et participer à l’éducation aux sexualités.
“Parole de filles” permet également de faire découvrir les médiations de communication aux élèves : tours de parole, écoute et prise de parole bienveillante, mise en place d’un cadre de discussion où l’on puisse se sentir en sécurité…
Comment mettre en place l’atelier ?
Le projet a été mené par deux profs-docs mais peut être expérimenté par n’importe quel personnel motivé. L’intérêt était que nous avions le lieu CDI à disposition, plus neutre qu’une salle de classe, et que nous avions un rapport différent, que les collègues profs, par exemple aux élèves. La participation d’autres personnels (médico-sociaux, Vie Scolaire, agent·e…) peut également être un atout.
Étape 1 : faire connaître le projet “Parole de filles”
En amont, on peut utiliser les différents moyens de communication de l’établissement (affichage dans le collège pour faire connaître le projet, un mail d’information aux équipes…) afin de trouver des élèves pour participer. En fonction de la situation, les parents peuvent être associés à la démarche.
Étape 2 : organisation pratique
Dans le collège dans lequel nous avons expérimenté “Parole de filles”, nous avons décidé de faire deux groupes selon l’âge : un groupe d’élèves de 5e, et un groupe d’élèves de 4e-3e réunies, car leurs besoins et les thèmes abordés sont différents. Par exemple, les élèves plus âgées ont davantage de questions sur la sexualité et sur le corps.
Nous avons choisi d’avoir une adulte référente par groupe, qui reste la même si possible.
L’espace CDI était divisé en deux, une vraie “frontière” était installée pour préserver l’intimité du groupe (grilles d’exposition avec des grands tissus). Pour accentuer ce sentiment d’intimité mais aussi pour créer une ambiance agréable, nous mettions de la musique, nos choix allaient vers une playlist féministe !
“Parole de filles” avait lieu pendant la pause méridienne, de manière hebdomadaire pendant environ 30 minutes.
Étape 3 : déroulement de l’atelier
Au début, l’adulte prend les tours de parole mais très vite ce rôle peut être attribué à une élève. Le déroulé est plus fluide lorsque les élèves ont déjà une pratique des conseils (cf. la fiche de SUD éducation sur les conseils coopératifs dans le second degré).
Les sujets de discussion sont libres : soit une élève a une idée de thème à aborder, soit la discussion de la semaine précédente est poursuivie, soit l’adulte référente propose un thème (discrimination, relations amoureuses, harcèlement, publicité, rôle des filles, actualité…).”
Retours sur l’expérience
Les élèves avaient beaucoup de questions évidemment sur les rapports sexuels, la puberté, les règles. Ces questions ne sont pas suffisamment abordées. Cela nous montre par ailleurs que ce qui est vu dans le cadre de la classe n’est pas toujours bien compris faute de pouvoir s’y exprimer librement.
Un tel atelier de libération de la parole peut faire émerger des paroles graves : harcèlement, attouchements… C’est pourquoi il faut prévenir dès le début les élèves que nous pouvons être amenées à faire appel à des adultes relais si besoin (infirmières, chef·fes d’établissement…)
L’atelier a permis de valoriser la parole des filles au-delà de l’atelier puisque, suite à ce projet pédagogique, deux professeures principales du collège ont demandé des conseils pour organiser une heure de vie de classe en non-mixité de genre (en 4e et en 5e). Il s’agissait de classes dans lesquels les conflits entre filles et garçons pouvaient être vifs et dans lesquels les filles avaient dit se sentir “écrasées”. Pendant que la professeure principale parlait avec les filles, une prof-doc parlait avec le groupe des garçons des inégalités de genre, du sexisme, du patriarcat dans un objectif de prise de conscience, notamment des outils disponibles au CDI.
L’expérience de “Parole de filles” montre que l’émergence des paroles des filles permet de questionner et de transformer les relations sociales entre élèves dans leur ensemble.
L’atelier “Parole de filles” a fait l’objet de beaucoup de remarques, plus ou moins sérieuses, quant à la création d’un groupe “Paroles de garçons” ! Enfin, le CDI était réservé pour cet atelier et les autres élèves n’avaient donc pas accès au lieu. Cela créait à chaque fois beaucoup d’incompréhension (notamment chez les garçons) mais cela nous permettait d’expliquer pourquoi un tel projet était important.
Commission Quelle école, SUD éducation
Vous pouvez retrouver cette fiche (et d’autres) sur : https://www.sudeducation.org/category/pedagogie