La lecture de la superbe Bande Dessinée d’Étienne Davodeau, Le Droit du sol, puis du livre du collectif SNA MUINARU, On n’est pas DUP (ouvrage illustré constitué de témoignages et récit de la lutte contre la centrale du Pellerin, en bord de Loire, entre 1976 et 1983), fait resurgi l’impériosité de lutter, avec ténacité, contre le nucléaire, alors qu’en France, les décideur·ses passé·es, présent·es et futur·es veulent l’imposer comme seul horizon pour répondre à des demandes énergétiques tristement croissantes.
Ce livre de témoignages sur la lutte victorieuse contre l’implantation de centrales nucléaires en Basse-Loire (au Pellerin à partir de 1976 puis au Carnet) donne à voir et comprendre les répertoires d’actions qui ont été mis en œuvre : la création d’un collectif large qui se réunit une fois par semaine, celle d’un groupement foncier agricole, des collectifs par communes, dans un fonctionnement horizontal, où les femmes sont très présentes. Et puis, l’indispensable construction, sur site, d’un lieu, une “cabane” : la rotonde, qui va fonctionner comme un “quartier général” avec des permanences, des rencontres, du matériel militant.
Ces collectifs, qui peuvent diverger dans leurs approches, se réunissent dans l’unité d’action et construisent la lutte dans un calendrier qu’ils se donnent. C’est ce qui apparaît dans les témoignages glanés depuis deux années.
Tout d’abord, la production d’un matériel d’information (tracts, affiches), puis l’organisation d’actions, chaque week-end : fêtes, marches, manifestations sur le terrain ou à Nantes, distante d’une vingtaine de kilomètres, des recours juridiques et interpellations d’élu·es, pétitions mais aussi des actions conflictuelles, efficaces lors de l’opposition à l’enquête d’utilité publique. Citons l’arrosage au purin sur les gendarmes “protégeant” le cahier d’enquête qui se trouvait dans un petit car baptisé “mairie annexe” car les équipes municipales avaient refusé de l’accueillir, barricades avec tracteurs le 7 juillet 77 à Cheix-en-Retz, sabotage de la station de pompage EDF, registre brûlé à Couëron, villages morts… Autre idée : 391 instituteurs et institutrices achètent à leurs frais une page dans Le Monde avec un argumentaire centré sur les droits des enfants, générations à venir et l’éducation à l’environnement, pour de vrai ! Malgré tout cela, l’avis d’implantation favorable est édicté et bien sûr, la répression est là : arrestation de cinq paysans condamnés à deux mois ferme, alors 34 personnes se déclarent coupables solidairement avec un important comité de soutien.
Deux ans plus tard, est annoncé l’abandon des poursuites.
À noter que cette bataille se situe dans une séquence électorale avant 1981, où le PS veut l’emporter et où Mitterrand promet que le projet sera “gelé” !
En avril 83 la DUP (Déclaration d’Utilité Publique) est enfin abrogée : il n’y aura pas de centrale nucléaire ! Merci aux lutteuses et lutteurs de l’époque !
Aujourd’hui
À nouveau, les nucléocrates, E. Macron en tête, accompagné par Mme Morançais, présidente du Conseil régional veulent imposer du nucléaire dans l’estuaire de la Loire, entre deux grandes villes, la belle Loire déjà bordée en amont par des centrales vieillissantes.
Mais ne craignez rien, ce sera plus petit, plus souriant, et tellement propre : le Small Modular Reactor ! Une énergie décarbonée peu chère, sûre, qui nous rend indépendants, grâce à l’excellent savoir-faire à la française.
“On nous prend vraiment pour des veaux…” peut-on entendre ici et là !
Concrètement l’association nazairienne Natur’action a réalisé un scénario “négaWatt2022”, à partir d’une étude chiffrée de chaque secteur de production et de consommation, envisageant une nécessaire transition de notre système énergétique, la faire connaître, et des motions portées par Émancipation sont présentées dans les instances syndicales, seront-elles ensuite portées par les directions ? Toujours est-il qu’au regard de la puissance des nucléocrates, il y a urgence à agir, radicalement :
À nouveau, se mobiliser largement, s’organiser, s’inspirer d’un répertoire d’actions efficaces, tenaces, en refusant la division qui est la partition des adversaires.
Non au nucléaire, non au militaire !
Emmanuelle Lefèvre