La création du régime général de sécurité sociale en 1946 n’a pas été le fait d’un consensus national inédit comme on l’entend souvent, mais le produit d’une histoire longue et conflictuelle. La question de l’intervention de l’État dans le domaine de la santé est posée depuis la révolution française, mais jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale l’État intervient très peu. Deux logiques antagoniques s’affrontent en 1946 qui éclairent les évolutions du système de santé en France jusqu’à aujourd’hui : à la “Sociale”, fondée sur l’autogouvernement du système de santé par les intéressé·es eux-mêmes, s’oppose “l’État social” qui fait de la protection sociale un instrument de contrôle de la population. L’étatisation de la sécurité sociale qui est à l’agenda des classes dirigeantes dès 1946 en a subverti le principe de solidarité, ouvrant la voie à un capitalisme sanitaire dont on ne cesse de constater les dégâts. La pandémie a mis en lumière l’impérieuse nécessité de reprendre le pouvoir sur la Sécu.
La bataille de la Sécu Une histoire du système de santé, Nicolas Da Silva, éditions La fabrique, octobre 2022, 328 p., 15 €.