Un film étonnant, distançant de loin la plupart des productions actuelles.
D’une science de la structure éblouissante : ‘une partie d’échecs idéologique et linguistique à partir des textes sacrés : le Coran, “Bible” de l’Islam. Une forme de casuistique qui fait songer à celle de nos Jésuites du XVIIe siècle en plus meurtrier.
C’est à qui, des dignitaires religieux, des fanatiques et de leurs servant·es, utilisera ce texte le plus savamment et le plus subtilement possible : certain·es de bonne foi comme le héros, fils de pêcheur croyant qui au final remportera la partie, d’autres de mauvaise foi, hors même de toute foi de base, à des fins de pouvoir et parmi eux les islamistes assassinant sans vergogne qui se met en travers de leur route.
D’autres restent à mi-chemin, tel ce chef de la police, balançant entre un fond d’honnêteté et le souci de se maintenir en place, dérouté par l’estime qui finit par l’attacher à son protégé et à sa pureté dans un milieu corrompu, tout d’intrigues et de traquenards, où lui-même est en suspens dans sa fonction comme dans sa vie.
Le dénouement est une leçon philosophique : le plus humble s’est révélé être l’égal (au moins) des faux sages comme des vrais et c’est l’échange intellectuel d’Adam puis son alliance avec un des rares chefs sincères qui permettra le retour à une forme de normalité, la défaite provisoire des comploteurs, en même temps que son propre sauvetage et celui des rares intègres.
Le filmage est très beau dans le lieu magnifique qu’est la mosquée Süleymaniye d’Istanbul (puisque le réalisateur est interdit de séjour en Égypte). Des plans de foule somptueux, où la reconstitution minutieuse et esthétique des tenues sur fond d’architecture grandiose tient du chef d’œuvre.
Ce bain artistique envoûtant allège le suspense dramatique, sanglant, du film qui par cette forme-même, achevée, éclatante, proclame le triomphe de la raison et de la culture sur la noirceur sordide de l’obscurantisme et de l’ambition.
M. C. Calmus
- La conspiration du Caire, Tarik Saleh, France-Suède, 2022.