Le soulagement a été à la hauteur de la peur ressentie à l’idée d’une possible victoire d’un candidat à la fois enfant de Pinochet et héritier des Nazis réfugiés en Amérique Latine. En effet, si le candidat d’extrême droite Kast avait bien reconnu que son père avait été dans la Wehrmacht, il avait juré que ce dernier n’avait pas été nazi, ce qui s’est avéré faux : Michael Kast avait adhéré au parti d’Hitler en 1942.
Entendre des milliers de personnes reprendre les chants de Quilapayun ou d’Inti Illimani (“el pueblo unido jamas sera vencido”) était incroyablement émouvant. La victoire est très nette et elle suit une lutte populaire massive et durable. La tâche est immense. Pinochet n’est pas seulement responsable d’assassinats, de torture et de disparitions. Il a été l’élève modèle des Chicago Boys formés par Milton Friedman. Il a entièrement détruit toute forme de redistribution. La santé et l’éducation sont devenues payantes et hors d’atteinte pour une bonne moitié de la population. Dans cette société à deux vitesses, la bourgeoisie a profité du faible coût salarial pour s’enrichir tandis que prolétariat et classe moyenne basculaient dans la pauvreté dans un pays où le coût de la vie est exorbitant.
Jusqu’ici, le parti socialiste allié à la démocratie chrétienne ne s’est jamais attaqué à ce “meilleur des mondes“ de l‘inégalité. L’écroulement de ces partis rappelle celui du PASOK en Grèce. Espérons que Boric ne sera pas un nouveau Tsipras, incapable de rompre quand le rapport de force est favorable.
Le néo-fasciste a quand même obtenu 44 % des voix, ce qui montre la détermination de la bourgeoisie chilienne à tout faire pour que rien ne change. Ce passage du vote pour un milliardaire corrompu (Pinera) au vote fasciste s’est déjà déroulé dans d’autres pays.
Boric étant réputé pro palestinien, les représentants de la communauté juive chilienne ont appelé (selon le journal israélien Haaretz) à voter Kast.
Pour être candidat, Boric était sorti vainqueur d’une primaire contre un autre militant issu des luttes, le communiste Daniel Jadue (d’origine palestinienne). Parmi les changements indispensables qu’il aura à faire, il y a la revendication du peuple autochtone, les Mapuches, en lutte depuis des décennies contre le vol de leurs terres et leur marginalisation sociale.
Majoritaire dans les urnes (malgré 45 % d’abstention) et à la nouvelle Assemblée Constituante, Boric devra vite poser des actes de rupture.