Une révélation que ce film de fiction, incitant à toutes sortes de réflexions sur ce que peuvent être les “lanceurs et lanceuses d’alerte”, non seulement dans les domaines politiques et socio-économiques comme l’actualité nous le montre, mais dans toutes sortes d’instances de la vie ordinaire. Ici la famille.
Ce qui est dénoncé c’est l’omerta qui peut cimenter toute société et qui, par peur de représailles, pousse à se taire les individu·es appartenant à divers collectifs, à propos d’erreurs, de fautes, de délits, de crimes qu’iels connaissent ou subodorent et au-delà, par peur de l’effondrement de tout un cadre de vie – cette complicité s’exerçant dans le couple, la famille… et jusque dans la communauté internationale, comme en témoigne la passivité des pays occidentaux à l’égard de ce qui se passe actuellement au Proche-Orient.
Ce qui est admirable est l’art du cinéaste, annonçant dès le début la violence de cette vérité insoutenable par la dispute d’un couple en voiture, dont l’homme est le frère du marcheur solitaire qui se révélera être dénonciateur et victime.

Cette violence se perpétue contre l’employé de la luxueuse maison familiale – huis-clos de l’action principale – qui déclare n’avoir pas de chambre pour le nouveau venu, invité imprévu, non souhaité semble-t-il. Elle continuera à sévir sous diverses formes entre les personnages. Et explosera dans l’outrageante et éclaboussante révélation.
Cet homme seul du début est le trublion qui va ébranler la forteresse adossée à la fortune du père, s’auto-célébrant à l’occasion des 60 ans de celui-ci.
Le filmage est lui-même violent, avec une grande brutalité des mouvements de caméra, et ce dévidement précipité d’images, légèrement obliques et heurtées.
C’est au contraire avec une lenteur inéluctable ponctuée de signes, comme dans un infernal jeu de piste, que s’élabore l’éclatement de la vérité et celle du consensus liant les invités à l’hôte fêté comme entre eux. Des pauses dans ce cheminement : des interruptions, des amorces de recul, de renoncement, mais la machine implacable poursuit son œuvre à notre grand soulagement.
Cette parole héroïque comme le suggèrent les dernières séquences, fissure les vies verrouillées et semble ouvrir d’autres perspectives, porteuses d’espoir. Ce large balayage nous tient en alerte quant à nos propres vies et comportements quotidiens, et quant à certains usages sociaux. Il nous incite à débusquer et dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux de l’être – en lui-même comme au sein de toute organisation humaine.
Marie-Claire Calmus
Festen, Thomas Vinterberg, Danemark, 1998.