Claude Marill revient ici sur la réponse que Pierre Stambul a écrite dans la revue 10 de juin 2024 (Gaza : le génocide en cours n’a rien à voir avec l’Iran) au sujet d’un article écrit par Claude dans la revue 9 de mai 2024 1 .
Le conflit palestinien est aujourd’hui au cœur de nos engagements et réflexions militantes. Des divergences d’appréciations se font jour. La controverse alors s’impose. Mais faut-il encore éviter de porter des verres anamorphiques facteurs de distorsions et faux débats.
Qu’est-il écrit pour l’essentiel dans cet article “Face à la guerre génocidaire en Palestine, que faire ?”.
1/ Une dénonciation de l’État d’Israël comme SEUL responsable d’une entreprise génocidaire contre le peuple gazaoui et probablement d’un écocide visant son environnement et ses terres.
Cette guerre totale menée par Tsahal contre le Hamas et l’ensemble du peuple palestinien est la réplique attendue à l’attaque à caractère terroriste perpétrée par le Hamas.
Dénonciation de cette organisation palestinienne islamiste dont le projet est de s’imposer comme seule représentante de la Résistance du peuple gazaoui, voire du peuple palestinien à partir d’un mode opératoire dont l’assaut du 7.10.23 illustre le peu de considération que manifeste le Hamas pour le peuple qu’il prétend défendre et, a fortiori, pour les populations civiles en terres usurpées israéliennes.
L’article dénonce l’attaque du 7.10, laquelle relevant de la seule initiative de la branche armée du Hamas, a laissé à l’abandon le peuple gazaoui, non organisé en Katibas d’auto-défense, dans un rôle contraint “de bouclier humain” en protection des formations armées du Hamas.
Dans cette optique, l’article dénonce les organisations islamistes qui opèrent ou ont opéré au Caucase nord, en Perse, au Mashrek, voire au Maghreb, au Yémen, lesquelles ont toutes trahi leur peuple engagé dans le combat contre l’oppression et l’exploitation nationale ou coloniale.
Elles sont toutes résolument inscrites dans la contre révolution.
Ces organisations ne sont pas désignées comme “terroristes” mais responsables d’actes terroristes dès lors qu’elles participent à des massacres indiscriminés parmi les populations civiles y compris parfois palestiniennes (camp palestinien de Yarmouk en Syrie).
L’opération du Hamas le 7.10.23 s’inscrit dans ce contexte de massacre indiscriminé ce qui, de mon point de vue, est incontestablement condamnable ! L’article pour autant, ne renvoie pas “dos à dos”, dans cette réalité de rapport de domination coloniale, le Hamas et Tsahal sous direction du pouvoir politique fascisant de Nétanyahou et des suprématistes, comme le prétend Pierre.
2/ Nul argument dans l’article, ne fait référence au “mal” qu’incarnerait “l’État colonial d’Israël, État d’apartheid” mais expose une création étatique artificielle sioniste voulue par les puissances impérialistes américano- occidentales et l’URSS stalinienne de 48, assignant ainsi au peuple israélien une fonction de prédations et de spoliations de tout un peuple afin d’affirmer un régime de terreur à l’égard du peuple spolié, et d’assurer aux puissances impérialistes l’inviolabilité de leur présence dans le monde arabe. (Depuis 48 jusqu’à nos jours, exploitations prédatrices des hydrocarbures).
Il n’est pas question du “mal” mais de ce que génère, en termes de classe et de domination coloniale, le système capitaliste. Ce n’est donc pas un constat “moral” mais politique.
3/ Bien que sunnite, le Hamas est aujourd’hui inscrit dans l’arc chiite d’opposition à l’État d’Israël, arc constitué du Hezbollah libanais, du régime alaouite (chiite) de Bachar al-Assad, des houtistes chiites yéménites, des milices islamistes chiites irakiennes, et des milices Qods iraniennes sous le commandement direct d’Ali Khamenei, lui-même en alliance avec le Kremlin et la Chine.
Le Hamas n’aurait-il alors rien à voir avec l’Iran ? et le peuple Gazaoui ne serait-il pas tributaire obligé de ses “protecteurs” mortifères ? comme le prétend Pierre. Il est clair que nous n’avons pas la même lecture du conflit dans son contexte géopolitique.
4/ Par ailleurs l’article fait mention de la nécessaire solidarité de classe internationaliste entre les organisations syndicales palestiniennes et les forces démocratiques syriennes toujours en révolution à Soueïda, Derra, Idleb, et les forces laïques et démocratiques libanaises. C’est dans cet esprit que l’article ouvre sa focale dans son environnement régional et politique.
L’article ne confond pas la résistance du peuple palestinien, y compris armée, avec celle du Hamas qui bénéficie d’un arsenal en armes important payé par le Qatar, et fourni par les Mollahs. Mais à quelles fins stratégique et politique ? L‘article suggère des pistes argumentées de réflexions sur ces questions qui conditionnent nos engagements.
Il appelle au désarmement d’Israël, au boycott de ses exportations, à participer à toutes manifestations en soutien au peuple palestinien, à entretenir des liens constants avec les syndicalistes palestinien·es.
Il soutient STOP ARMING ISRAËL !, appelle à la solidarité avec le peuple ukrainien, autre victime du colonialisme russe.
5/ L’article plaide pour que se réalise un seul État palestinien sur les terres de Palestine ; un État laïque, libéré du capitalisme, ouvert et organisé par les organisations ouvrières, assurant l’épanouissement et la protection de ses citoyen·nes, quelle que soit la confession, et intégrant le droit au retour. Il est à craindre que l’attaque du 7. 10 contribue à ruiner pour longtemps cette perspective démocratique voire révolutionnaire.
Ce n’est pas une position “morale” mais politique qui ne renvoie pas “dos à dos” les peuples concernés, palestinien et israélien, mais tout au contraire pourrait les unir.
6/ Le parallèle que suggère Pierre entre l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 avec le soulèvement du peuple algérien du 1er novembre 1954 fait fi, de mon point de vue, de toutes données contextuelles et considérations historiques.
Ces peuples palestinien et algérien ont chacun leurs spécificités et ne sauraient être comparés dans leur lutte de libération nationale.
Ce débat nécessaire ne peut être constructif que s’il est respectueux de la chose écrite et dite.
Claude Marill,
le 14.10.24