Promu par l’OCDE depuis 1972, le principe pollueur-payeur impute au pollueur les frais de prévention, de réduction et de lutte contre la pollution qu’il génère. On le rencontre sous de multiples formes – marchés carbone, taxes environnementales, compensation écologique – et on lui prête de nombreuses vertus, notamment celle de remettre les entreprises dans le droit chemin grâce à ses effets incitatifs. En réalité, il autorise surtout les industriels à polluer en toute impunité – moyennant finance ! Les législations successives vont ainsi dans le même sens : plutôt que de contraindre les entreprises à diminuer leur usage du plastique ou leurs émissions de CO2, elles appliquent des mesures correctives en cas d’“externalités négatives”. Flore Berlingen dénonce la faiblesse des dispositifs qui évacuent tout débat public sur les sources de pollution et qui retardent l’adoption de mesures à la hauteur de l’urgence écologique.

Permis de nuire – Sous le règne des pollueurs-payeurs , Flore Berlingen, éditions Rue de l’échiquier, octobre 2022, 96 p., 12 €.

Alors que les inégalités s’accroissent, plus de trois millions d’enfants en France appartiennent à des familles vivant en dessous du seuil de grande pauvreté. “L’école accueille tous les enfants, mais comment s’adapte-t-elle à chacun·e ?” Pour la première fois sur ce sujet, ce livre donne la parole à celles et ceux qui ne l’ont jamais : ATD Quart Monde interroge ses militant·es sur leur parcours scolaire et ce qu’il faudrait changer dans l’École. Enseignant·es, éducateurs/trices, élu·es, responsables politiques découvriront à la lecture de ces récits poignants parfois dérangeants, les blessures, les regrets, les humiliations subies mais aussi les espoirs, les fortes attentes, les ambitions pour leurs enfants que portent ces parents. Leur colère et leurs attentes sont au niveau des espoirs qu’elles/ils mettent dans l’École, leur seul outil pour rompre l’enfermement dans la grande pauvreté.

L’égale dignité des invisibles Quand les sans-voix parlent de l’école , sous la direction de Marie-Aleth Grard, coéditions, Le bord de l’eau, ATD Quart Monde, 2022, 192 p., 10 €.

La Coupe du monde au Qatar relève bien du cauchemar annoncé. Il a d’abord fallu modifier le calendrier sportif en raison du climat désertique ; puis imaginer des stades entièrement climatisés, une aberration écologique ! Les aspects humains achèvent de rendre ce Mondial inadmissible : non-respect des droits des femmes, des homosexuel·les, des libertés individuelles, et plus de 6 000 morts sur les chantiers des stades parmi les ouvriers venus du Népal et d’Inde. En revenant dans cet essai-manifeste sur ce “Mondial de la honte”, et en convoquant des exemples historiques qui trouvent écho dans l’actualité, l’auteur interroge l’enjeu politique que représente le sport et le pouvoir d’agir des athlètes face à l’inacceptable.

Qatar – le Mondial de la honte , Nicolas Kssis-Martov, éditions Libertalia, octobre 2022, 82 p., 8 €.

Le numérique a un double : l’infrastructure électrique. Le rapport immédiat aux objets connectés (smartphone, ordinateur) invisibilise le continuum infernal d’infrastructures qui se cachent derrière : data centers, câbles sous-marins, réseaux de transmission et de distribution d’électricité. Alors que le numérique accompagne une électrification massive des usages, le système électrique dépend lui-même de plus en plus du numérique pour fonctionner. Pour comprendre ce grand système et imaginer comment le transformer, il nous faut aller au bout des flux, là où se révèle la matérialité des machines et des câbles. Fanny Lopez plaide ainsi pour une “redirection” radicale de ce système. Elle passerait par la “déprivatisation”, la diversification et la territorialisation, comme autant de pistes pour bifurquer vers de nécessaires “communs électriques”.

À bout de flux , Fanny Lopez, éditions Divergences, septembre 2022, 160 p., 14 €.