Pour Gaza et les Gazaouis je n’ai que le mot poésie
Contre l’effacement L’éloignement Je n’ai que l’encre le papier les mots Bloque stoppe flux flot radios télés photos Dans la nuit sous la pluie fusée frappe fracas feu flamme avion explosion bombe tombe Fumée qui monte Couvre le monde Silence Approchez approchez Visages paysages cognent à ma vitre bien fermée Voyez la Palestine ensanglantée Trous noirs dans les façades yeux crevés Terre tailladée cratères ténèbres Poussière Blocs de béton brisés Parpaings gravats déchets La peau des rues est une plaie Lits éventrés Livres en sang sur le plancher Où sont les oiseaux, les poissons ? Derrière ma vitre je vous vois Vous criez, vous bougez Bruit char mitrailleuse missile tir tir Éclats dans ma tête Rien pour anesthésier désinfecter Amputée éborgnée étouffée asphyxiée ensevelie milliers Voyez la terre gorgée de corps martyrisés Ombres décombres Plus un espace pour les tombes Fosses béantes Silence Vous êtes à genoux, dans une carrière, quasi nus, yeux bandés, mains ficelées. Derrière vous les soldats. Vous êtes à genoux, dans la rue, quasi nus, chaussures éparpillées. Derrière vous les soldats. Vous êtes à l’arrière d’un camion, entassés, bientôt torturés. Vous êtes debout, mains en l’air. Vous agitez un chiffon blanc. Tir. Sang sur blanc. Vous courez, sur vos épaules un cercueil, à bout de bras une civière, les quatre coins d’une couverture tachée. Aïcha ta maison n’a plus de toit. Ma poupée, coquine tu te cachais, te voilà. Vous êtes un champ de formes blanches ficelées en haut en bas pas d’épitaphe pas de marbre Juste un nom écrit sur le drap Vous marchez droit Derrière ma vitre je vous vois Vous êtes maigres Vous ne laissez rien paraître Les pieds dans l’eau un enfant dans tes bras Sur la charrette des enfants des matelas Rasez maisons écoles hôpitaux musées bibliothèques églises cimetières Profanation exhumation expulsion exécution Extermination Rasez la mémoire rasez tout rasez la mosquée d’Al Aqsa rasez la Palestine Dans la nuit fumée grise Pas d’oiseaux des missiles Dans la nuit pas d’étoiles des flammes Tu voulais sortir prendre l’air une petite promenade Par ce temps cette horreur ce carnage J’aurais dû sortir avec toi Par ce temps cette horreur ce carnage J’aurais dû rester là avec toi Je serre dans mes bras un drap Sang des enfants Larmes des survivants Regardez-nous bien dans les yeux La mort a éteint tous les feux Nous sommes et nous serons couchés Sous les blocs de béton brisés Dans les fosses que nous avons creusées Corps calcinés cœurs écrasés Sous les gravats C’était Gaza Regardez au loin y a du bleu Je vois un couple d’amoureux Gaza debout face à la mer Indomptable Gaza la fière Regardez au loin y a du vert Vert c’est l’espoir c’est notre terre Tu es belle et je t’imagine Enfin libre et sortie des ruines Plus belle encore Palestine
René Gaudy, 31 janvier 2024