Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, Macron légalise et généralise la précarité à tous les niveaux de la Fonction publique. C’est tout bénéfice pour l’administration qui dispose ainsi d’un volant de plus en plus important de personnels encore moins payé·es, plus corvéables et licenciables à volonté.
Cette fragilité entretenue n’est pas du tout comme on voudrait nous le faire croire une simple réponse à une crise de recrutement passagère, mais une étape essentielle pour unifier les personnels de la Fonction publique par le bas, pour en finir avec le statut de fonctionnaire.
Blanquer a organisé le recrutement massif de précaires
Ainsi, dans l’éducation, Blanquer avec ses réformes (en premier lieu celle de la formation des maitres qui a introduit la précarité au niveau du cursus), ses fermetures de postes (il a rendu des postes budgétés tous les ans) et ses atermoiements sur les salaires, a délibérément découragé les vocations et tari les viviers de candidat·es aux concours. Et ce dans le premier comme dans le second degré. Et ainsi des milliers de titulaires ont manqué en cette rentrée. Et le recrutement de beaucoup plus de précaires par job datings, hautement médiatisés, (contrairement à l’habitude où l’embauche des précaires se faisait par la petite porte), est apparu comme n’étant pas de la responsabilité de l’État, mais comme une conséquence d’une soudaine baisse d’attractivité du métier, que le pouvoir se propose de corriger par des augmentations salariales pour les seuls débutant·es (histoire de diviser les titulaires), assorties de tâches supplémentaires et d’une disparition des concours comme garantie de niveau de formation et d’égalité.
Mais s’il n’y a pas d’attractivité du métier, alors comment expliquer que des milliers de contractuel·les aient accepté de l’exercer ? Et en plus pour des salaires et des garanties moindres ? La hiérarchie aux ordres du pouvoir a là aussi une explication : ces contractuel·les recruté·es voudraient profiter des grands avantages inhérents à la précarité, “la liberté” de partir (ou se faire jeter), “la possibilité de rester dans sa région”. Le cynisme n’a pas de limites : les contractuel·les peuvent recevoir des affectations très loin de leur domicile et en changer plusieurs fois dans l’année. Là, l’important, c’est de diviser les titulaires et les contractuel.les.
Ces rumeurs, ajoutées à la faiblesse honteuse de la formation pédagogique (maximum quatre jours) ont pour résultat de braquer les parents (une division de plus : parents/contractuel·les), les élèves et parfois les collègues titulaires contre des personnels formés au niveau universitaire exigé pour enseigner et qui ont surtout besoin, comme tou·te nouvel·le enseignant·e, d’un accueil bienveillant, et de profiter de l’aide des équipes pédagogiques et éducatives.
Non titulaire, ce n’est pas une vie !
Les médias retiennent qu’en cette rentrée les profs contractuel·les ont été jeté·es dans les classes sans y avoir été préparé·es. Peu leur importe que des milliers de ces contractuel·les soient exploité·es depuis plusieurs années et que, comme tou·tes les autres personnels précaires, iels soient encore plus mal payé·es que les titulaires, avec beaucoup moins de garanties, jetables comme des kleenex et sans la moindre perspective de titularisation comme professeur·e doté·e d’un statut.
La possibilité d’obtenir un CDI après six ans d’emploi (en continu, ce qui déjà élimine les années avec des emplois morcelés) est certes une avancée par rapport à la précarité ; les assistant·es d’éducation viennent de la gagner comme première étape de leurs luttes. Mais elle est trompeuse. Le CDI public n’a rien à voir avec celui du privé. Il ne met pas à l’abri d’un temps partiel imposé ou d’un licenciement, avec seule possibilité de recours le tribunal administratif, bien moins favorable que les prud’hommes. Et dans plusieurs académies, il y a moins de “postes” de CDI que de CDIsables attestant de six ans d’ancienneté (par exemple à Marseille 100 pour 130).
La titularisation immédiate pour unifier par le haut les conditions d’emploi, de salaire, de travail de tou·tes et pour refuser la division
Macron se donne tous les moyens pour diviser titulaires, précaires, parents d’élèves, pour aligner rapidement l’ensemble des personnels sur la situation des précaires, généralisant pour ce faire l’emploi hors statut. Il y a donc urgence à mobiliser pour l’inverse, l’alignement des précaires sur la situation des titulaires, en exigeant pour tou·tes leur titularisation immédiate et sans condition de concours dans un statut de la Fonction publique, quitte à le créer, s’il n’existe pas (cf. revendications de AED et des AESH mobilisé·es). Les non titulaires ont été recuté·es, pour certain·es depuis plusieurs années, sur des fonctions correspondant à leur niveau de qualification et pour lesquelles iels ont été jugé·es aptes. Quant aux formations dont ces personnels pourraient avoir besoin (on voit comment les recruteur·euses d’enseignant·es en job dating s’en soucient), elles doivent être assurées après titularisation dans le cadre de la formation continue. Une telle unification ne se conçoit que dans des statuts qui apportent des garanties optimales de conditions de travail, de liberté professionnelle et de protection contre les abus hiérarchiques (loi de transformation de la Fonction publique, école de la confiance…).
Revendiquer le réemploi de tou·tes les non titulaires sans interruptions de salaire, ou mieux la garantie de réemploi comme celle arrachée à partir de 1989 par les Maîtres Auxiliaires (les contactuel·les de l’époque) grâce à leurs grèves de la faim, demeure important. En effet rien ne dit que les besoins actuels en précaires se maintiennent avec les suppressions de postes et les tentatives de faire travailler plus les titulaires.
L’accueil collectif des non titulaires et leur défense syndicale sont essentiels pour dissuader l’administration de les surexploiter et de les utiliser contre les mouvements collectifs. Il est également utile pour les précaires de s’organiser au sein des établissements, des villes ou des départements en collectifs de non titulaires, et en coordination nationale comme l’ont fait les AED et AESH pour élaborer leurs revendications et leurs modes d’action. De tels collectifs doivent être ouverts aux titulaires conscient·es de l’utilisation de la précarité pour tirer par le bas les garanties de tou·tes et bien évidemment par des intersyndicales les plus larges possibles.
Émancipation tendance intersyndicale