Nous publions ci-dessous la tribune de rentrée de l’ICEM pédagogie Freinet
Sans surprise, un ministre succède à un autre et même si la forme change, le fond reste le même : celui de la destruction de l’École en tant que service public et de la mise à mal de ses professionnel·es.
Notre liberté pédagogique est toujours plus remise en cause.
Après les évaluations de CP, de CE1, de GS, cette année ce sont les classes de CM1 qui seront évaluées. En 2023, ce seront les écoles dans leur ensemble qui le seront. Ces évaluations prétendent aider les élèves en difficulté alors qu’elles ne sont qu’un moyen pour l’administration de contrôler ses agent·es. Le ministre nous parle “de retour aux fondamentaux”, mais nous en sommes-nous déjà éloigné·es ?!
Les guides de “bonnes pratiques” édités par le ministère n’en sont qu’un exemple, on ne peut plus réactionnaire. Quant à la mise en place de la loi Rilhac, elle témoigne d’une caporalisation de l’Éducation nationale, plus que d’un travail en équipe pédagogique.
Notre professionnalisme est toujours plus méprisé.
Outre la formation de contractuel·les en quatre jours, mise en avant dans les médias, la formation initiale et continue des professeur·es ne vaut pas mieux. Les constellations ne sont qu’un faux semblant de travail en équipe : elle permet simplement d’introduire au sein-même des équipes un discours vertical des instructions officielles. Pour ses promoteurs, le mot “pédagogie” n’évoque pas un travail coopératif de recherche, nourrie par la confrontation aux enfants, mais une technique de communication pour faire passer des “réformes” qui ne sont que des destructions.
Notre métier est de plus en plus précarisé, avec de plus en plus de collègues contractuel·les recrutés·es sans aucune qualification. À cela s’ajoutent les nombreuses répressions des collègues qui osent faire entendre une voix dissonante aux discours et à la propagande du ministère. Ce qui amène de plus en plus de collègues à préférer taire qu’elles ou ils pratiquent la pédagogie Freinet dans leur classe. Face à tant de mépris et de pression par l’institution, pour certain·es la démission devient malheureusement la solution.
Et l’innovation, elle est à qui ? Elle est à nous !
Le 25 août 2022, Emmanuel Macron annonce 500 millions pour “un fond d’innovation pédagogique”. Mais de quelle innovation pédagogique parle-t-il ? De celle qui va mettre en concurrence les écoles ? De celle qui va former des futur·es aliéné·es : des gens qui, tout au long de leur vie d’enfant puis de leur vie d’adulte, n’auront appris qu’à s’adapter, à se plier aux exigences, à toutes les exigences, même les plus nuisibles, même les plus absurdes ?
Si le gouvernement débloque une telle somme pour les projets innovants, nous doutons d’en voir la couleur : les subventions allouées à notre association diminuent d’année en année.
Et pourtant à l’ICEM, nous innovons, nous produisons, nous expérimentons depuis de très nombreuses années… Nous continuons à nous former et à produire des outils pédagogiques au sein de nos groupes départementaux et de nos groupes de travail. Ces outils ont largement fait preuve de leur efficacité. Mais ces temps de formation, ne sont que très peu reconnus par notre ministère. Ils ne sont pas intégrés aux 108 heures d’obligations de service des professeur.es des écoles. Pourtant, ce sont les fruits de vraies recherches d’innovation pédagogique. Nous sommes obligé·es de prendre sur notre temps personnel pour réaliser tout cela puisque, sous prétexte de l’intérêt du service, nous nous voyons sans cesse refuser nos demandes d’absence pour nous rendre à nos stages de productions.
La vraie innovation et la vraie décentralisation ne doivent pas venir des recteurs et rectrices mais de celles et ceux, sur le terrain, qui travaillent avec les enfants, les jeunes et leurs familles.
Nous continuerons de nous battre pour une innovation à la hauteur des enjeux de l’époque : une innovation qui permette aux enfants de découvrir le monde dans lequel ils et elles vivent, une innovation qui leur permette d’en affronter la complexité, une innovation qui leur permet de l’interroger, de le problématiser et une innovation qui les autorise à construire une société plus juste et coopérative.
Le Comité collégial d’animation :Anne Dejaune, Chloé Pélissier, Christelle Talbot, Émilie Baron, Esther Breysse, Florence Arribas, Hélène Careil, Geoffray Riboulot, Jean Teissier, Hervé Allesant, Muriel Quoniam, Sabine Loubet