Congrès national du SNES 2022
Nous reproduisons ci-dessous l’intervention faite en début de congrès au nom de l’Émancipation tendance intersyndicale.
Bonjour camarades,
Je donnerai le point de vue d’Émancipation sur les enjeux du congrès. Pour nous, les enjeux sont de deux natures : définir les mandats du syndicat, mais aussi organiser les combats les plus urgents, qui nous attendent pour les prochaines semaines et les prochains mois.
Car des combats, il en faudra.
Macron a été réélu, et il a été réélu sur un programme qui est plus ou moins celui de toute la droite et l’extrême droite : le programme avancé par le MEDEF dans le cadre de la campagne présidentielle. Il est axé sur la “baisse du coût du travail”, la casse des solidarités collectives (le Code du travail dans le privé, les statuts de la Fonction publique, la protection sociale…).
Ce pouvoir a donc bel et bien un programme, dans une situation où l’inflation et la vie chère sont de plus en plus palpables, où des crises économiques sont tout à fait possibles.
Dans une situation aussi où l’invasion criminelle de l’Ukraine par l’impérialisme russe, avec son cortège de bombardements, destructions, décès et crimes de guerre, a d’ores et déjà des répercussions catastrophiques pour les peuples, le peuple ukrainien mais aussi dans le monde entier.
Dans une situation enfin où Macron ne bénéficie d’aucun “état de grâce”, il est au contraire rejeté et haï par le monde du travail qui voit à juste titre en lui un adversaire de classe, un représentant de la bourgeoisie la plus méprisante et cynique.
Autrement dit, Macron et son gouvernement vont prendre des mesures très brutales, pour défendre les intérêts du capitalisme. Y compris par la répression d’État face aux résistances sociales. Répression qui se généralise dans notre secteur avec les mutations d’office (avec les six de Saint Denis muté·es à compter de ce lundi et les mutés du collège Victor Hugo à Nantes).
Dans ces conditions, la première tâche du congrès du SNES, et de façon plus générale la première tâche du syndicalisme, est de préparer le combat contre ce gouvernement et sa politique. D’autant plus qu’il annonce déjà la couleur sur plusieurs sujets centraux :
- – contre-réforme du collège et casse du service public d’éducation par la territorialisation, l’autonomie des établissements ;
- – casse des statuts et généralisation de la précarité, par exemple avec le projet de “pacte” pour les personnels de l’éducation ;
- – développement de l’industrie de guerre et relance du nucléaire ;
- – nouvelles lois liberticides, notamment par le biais d’une loi renforçant les pouvoirs de la police ;
- – recul de l’âge de la retraite ;
- – casse des solidarités de la protection sociale complémentaire et derrière de la sécu, avec l’introduction massive des assurances privées.
“Préparer le combat” je disais, cela commencerait par les analyser et dire en quoi tout cela n’est ni amendable ni négociable, et expliquer qu’il n’y a qu’une seule solution pour en obtenir le retrait : l’action directe et la grève.
De ce point de vue, les derniers mois montrent les contradictions du syndicalisme :
- – d’un côté, toutes les directions syndicales y compris la direction de la FSU (il n’aura échappé à personne qu’elle associe Unité&Action et École Émancipée), ont tourné le dos à cette exigence de lutte. Elles ont signé des accords avec le gouvernement (accord sur le télétravail, accord sur la protection sociale complémentaire, accord de méthode sur la prévoyance) ;
- – d’un autre côté, les syndicats peuvent donner forme à une mobilisation d’ampleur quand ils savent s’appuyer sur la colère des personnels. C’est ce qui explique par exemple le succès de la grève du 13 janvier : la jonction entre le mouvement syndical et les aspirations à l’auto-organisation. Aspirations qui traversent les personnels de l’éducation, notamment les plus précaires comme le montre la coordination des AED, dont il est de plus en plus consternant – y compris du point de vue des élections professionnelles – que le SNES (et donc la FSU) soient parmi les derniers syndicats à reprendre les revendications et à marquer des points sur la durée des contrats, l’indemnité REP/REP+ et la titularisation. Mais ces aspirations à l’auto-organisation traversent aussi d’une façon générale toute la société, depuis les gilets jaunes jusqu’aux luttes féministes en passant par celles des précaires souvent issus de l’immigration comme la lutte syndicale exemplaire d’Ibis Batignolles.
Car c’est un autre aspect de la situation : en s’appuyant sur ces aspirations à l’auto-organisation des luttes et à la démocratie directe, on peut construire les rapports de forces indispensables pour résister et gagner sur les revendications, mais aussi pour donner des perspectives d’une autre société au monde du travail, aux jeunes et aux quartiers populaires. C’est pourquoi, pour Émancipation, les débats du congrès doivent s’articuler autour de deux aspects :
- – tout d’abord, des revendications immédiates : sur les créations massives de postes statutaires, la titularisation immédiate de tous et toutes les précaires, les augmentations uniformes des salaires, l’abrogation de l’ensemble des contre-réformes de ce gouvernement, à commencer par la loi Rilhac sur la direction d’école et la réforme du bac…
- – ensuite, lier ces revendications immédiates à une perspective d’ensemble : celle de la lutte des classes, de la démocratie directe et de l’émancipation de toutes les oppressions, de la marchandisation des êtres humains, comme de l’environnement. Autrement dit : la lutte pour en finir avec le système capitaliste.
Cela passe notamment dans notre secteur par la mobilisation autour d’un autre projet d’école, la défense et l’extension des services publics et du statut des personnels, par l’éradication de la précarité.
Quentin Dauphiné