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Palestine : résister à l’oppression….

En Palestine, après 11 jours de bombardements intenses et 250 victimes, le cessez-le-feu ne règle aucun des problèmes et n’infléchit en rien la politique d’apartheid en Israël.

Résister à la fragmentation

Tout était annoncé : une “communauté internationale” complice, certains médias à la botte, des dirigeants arabes dociles, une extrême droite israélienne décomplexée, une Autorité Palestinienne discréditée… Les Palestinien·nes n’avaient plus qu’à accepter de capituler

Jusqu’à présent, dans la Palestine fragmentée par l’occupant, les explosions de colère et les révoltes restaient isolées et pouvaient être circonscrites. Cette fois-ci, de Jérusalem à Gaza et à Ramallah en passant par les Palestinien·nes de 48 (= vivant en Israël), tout s’est enflammé. Cette révolte, qui ressemble à une troisième Intifada, a un sens profond : “nous sommes le même peuple, où que nous soyons et quelle que soit la forme de domination que nous subissons. Nous avons des droits. 73 ans, ça suffit ! Nous ne renoncerons pas !” Une grève générale, partie de Haïfa, a été suivie dans tous les morceaux de la Palestine éclatée. C’est l’entièreté du projet sioniste, farouchement opposé à toute forme d’égalité, qui est remis en cause. Et cela interpelle en Israël : “et si la victoire totale et le renoncement des Palestinien·nes, promis par Nétanyahou et Trump, étaient irréalisables, que faire ?” Les roquettes tombées en Israël sont venues rappeler que le projet sioniste n’est pas seulement criminel contre les Palestinien·nes. Il est aussi suicidaire pour les Israélien·nes.

Nettoyage ethnique à Jérusalem

Dès 1967, une politique très active de colonisation a été entreprise pour essayer de rendre les Palestinien·nes minoritaires dans ce qui aurait dû être leur capitale. Ce n’est pas encore fait, mais 230 000 colons sont installé·es dans Jérusalem-Est (face à 380 000 Palestinien·nes). Les colonies sont de véritables villes bénéficiant de gigantesques infrastructures. Ainsi la colonie de Pisgat Zeev est reliée au centre de Jérusalem par un tramway construit par des entreprises françaises (Alstom et Veolia).

Les quartiers palestiniens sont attaqués depuis de nombreuses années dans le but de “judaïser” la ville. À Silwan, c’est la Bible qui sert de prétexte. L’occupant a créé le “Parc du Roi David”, la “Maison du Roi David”, le “Musée du Roi David”. Un téléphérique est en projet. Déjà 3 500 colons sont installé·es dans le quartier. À Sheikh Jarrah, des familles palestiniennes sont sommées de détruire leurs propres maisons sous peine d’énormes amendes et de prison. Le prétexte ? Des Juifs auraient vécu là avant 1948.

Face à la résistance de la population, des milliers de manifestant·es d’extrême droite ont envahi Jérusalem aux cris de “Mort aux Arabes” et se sont livrés à de véritables ratonnades. La police a aidé ces pogromistes. Sur Facebook, on voit un policier israélien, le genou sur le cou d’un manifestant palestinien avec la légende “Palestinian lives matter”.

Plus qu’un lieu saint, la Mosquée Al-Aqsa est devenue pour la Palestine le symbole de son existence et de sa dignité. L’intrusion extrêmement violente de la police et de l’armée israéliennes sur l’esplanade des mosquées et à l’intérieur même d’Al-Aqsa a été vécue comme un traumatisme, d’autant plus que les groupes intégristes juifs, qui projettent de raser les mosquées pour “reconstruire le Temple”, ont à présent des députés et sont indispensables pour qu’un Premier ministre israélien dispose d’une majorité.

Palestinien·nes d’Israël : la fracture

Ils/elles représentent 20 % de la population d’Israël. Ils/elles sont les descendant·es de miraculé·es : l’expulsion de tou·tes les “Arabes” était programmée en 1948. Ils/elles ont vécu sous couvre-feu jusqu’en 1966 et ont subi vols de terre et répression violente. La loi “Israël État-Nation du peuple juif” a officialisé ce qui était la réalité depuis 70 ans : ils/elles sont des citoyen·nes de deuxième zone et ils/elles subissent l’apartheid intérieur sur le plan du travail, du logement, de la possession de la terre, des droits politiques. Même si quelques-un·es d’entre eux/elles ont acquis des positions sociales, plus de la moitié vivent sous le seuil de pauvreté.

Les Palestinien·nes de 48 ont manifesté leur solidarité avec Jérusalem et Gaza et leur refus d’allégeance à l’État sioniste. La grève générale a été suivie. L’ampleur de leur mouvement a eu un impact énorme en Israël et oblige celles et ceux qui souhaitent le maintien d’une forme de vivre ensemble à se positionner. Ces Palestinien·nes de 48 occupent des postes clés dans l’économie (notamment dans la santé).

Gaza, laboratoire de l’inhumanité

Avant de parler de “conflit” (terme qui édulcore la réalité d’un massacre), il faut évoquer ce qu’est la “normalité” à Gaza : deux millions de personnes bouclées par terre, par air et par mer, une pénurie depuis des années d’eau potable et d’électricité, l’impossibilité de commercer, l’occupant multipliant les incursions armées, les assassinats ciblés, les empoisonnements de terres agricoles, les arraisonnements de barques de pêcheurs…

Gaza est une société plurielle avec une multitude d’opinions et de partis différents. Tous les partis ont une branche armée, forcément clandestine et souvent “souterraine”. On les voit parfois, la nuit, s’entraîner. Seuls le Hamas et le Jihad Islamique ont une branche à la fois défensive et offensive.

Ces combattant·es, noyé·es dans la population, ne sont pas toujours populaires quand ils/elles lancent des roquettes. Cette fois, il y a eu un très large accord sur le fait qu’il n’était pas possible de ne pas réagir aux ratonnades de Jérusalem ou Bat Yam. Et, malgré les milliards de dollars que le “Dôme de fer” a coûtés au contribuable états-unien, celui-ci a révélé des failles et des villes israéliennes ont été touchées, montrant l’imbécillité de la doctrine israélienne d’écrasement de la Palestine.

La férocité des bombardements sur Gaza qui ont fait 250 mort·es en 11 jours rappelle celle des massacres précédents (2008-9, 2012 ; 2014, 2019). Parmi les victimes, 68 enfants (sûrement des terroristes en devenir). Rue Wahda, en une seule frappe, il y a eu 42 mort·es, trois familles (38 personnes) totalement décimées. Un immeuble de 10 étages, supposé abriter des dirigeants du Hamas, a été écroulé. Même sort pour l’immeuble qui abritait la presse internationale et la chaîne Al Jazeera, des fois que certains médias ne propageraient pas la version officielle. Israël a expérimenté une nouvelle espèce de bombes, censées attaquer le fameux “métro”, ces installations souterraines qui nourrissent de nombreux fantasmes.

Au bout du compte, les destructions sont immenses. Des dizaines de milliers de personnes dont les habitations ont été détruites, sont réfugié·es dans les écoles de l’UNRWA dans le dénuement le plus complet.

Le discours israélien, essayant de présenter les Israélien·nes comme victimes de crimes de guerre commis par des terroristes, n’a pas pris. Résister à l’oppression, ce n’est pas seulement un droit, c’est un devoir.

La “communauté internationale” : à vomir

Les “accords d’Abraham” impulsés par Trump ont abouti à la normalisation des relations de plusieurs régimes arabes avec Israël. Ceux-ci sortent très affaiblis. Le roi du Maroc, officiellement “commandeur des croyant·es”, a bien du mal à justifier d’être l’ami de ceux qui organisent des chasses à l’homme à Jérusalem, jusque sur l’esplanade des mosquées. De grandes manifestations pour la Palestine ont eu lieu à Rabat, Casablanca, Marrakech. Les régimes féodaux du Golfe ont été bien silencieux. Sentant le danger, la dictature égyptienne a mis tout son poids pour obtenir un cessez-le-feu et s’engage financièrement pour reconstruire Gaza. La Ligue Arabe est domestiquée, mais la cause palestinienne reste très populaire dans le monde arabe.

Aux États-Unis, un simple rappel du passé montre qu’on assiste à une forme de répétition.

Pendant que les milices d’extrême droite chassaient l’Arabe et que les bombes pleuvaient sur Gaza, Biden s’est opposé à tout vote de motion à l’ONU. Il a un contrat important de vente d’armes à Israël et s’est engagé à remplacer toutes les munitions pour le fameux “Dôme de fer” qui n’a pourtant pas fait preuve d’une efficacité totale.

Mais Biden a des problèmes avec l’opinion publique de son pays. Des manifestations très importantes ont eu lieu dans plusieurs grandes villes pour soutenir la Palestine. Bernie Sanders au Sénat, et Alexandria Ocasio-Cortez à la Chambre des Représentants, essaient de bloquer les ventes d’armes.

Quant à l’ONU et l’Union Européenne, rien de nouveau : un discours hypocrite équivalent à un permis de tuer.

La France complice de l’apartheid

C’est le seul pays où les manifestations de soutien à la Palestine ont été interdites. On dit de Darmanin qu’il a été à l’Action Française. Il vient d’écrire un livre sur Napoléon expliquant que les Juif·ves pratiquaient tous l’usure. C’est cet éminent spécialiste de la “question juive” qui a prétexté l’antisémitisme pour interdire la manifestation et pour mettre en garde-à-vue le Président de l’Association France-Palestine-Solidarité à la sortie d’une entrevue au ministère des Affaires Étrangères.

Macron a téléphoné à Nétanyahou pour lui présenter ses condoléances après la mort de quelques civil·es en Israël. Pas un mot sur Jérusalem et Gaza. Macron appartient au camp des suprématistes.

Terminons sur un mot d’espoir

Le peuple palestinien vient de prouver que celles et ceux qui parient sur sa capitulation se trompent.

En France, Dupont-Moretti avait envoyé une lettre enjoignant aux juges de continuer à poursuivre les partisan·es du boycott d’Israël malgré le jugement de la Cour Européenne de Justice. Or le Tribunal de Lyon vient d’acquitter la Présidente d’Europalestine, accusée d’appeler à boycotter Teva (les médicaments génériques israéliens).

Et puis la Cour Pénale Internationale continue d’enquêter sur les crimes israéliens commis à Gaza. Elle va en avoir de nouveaux à instruire.

Ce qui se joue en Palestine, c’est la société dans laquelle nous voulons vivre.

Pierre Stambul