Réfléchir ensemble pour préparer les nécessaires luttes à venir
Cette année encore, les camarades d’Émancipation tendance intersyndicale se sont réuni·es pour leur Semaine estivale à Saint-Martin-Valmeroux (Cantal). La canicule et la menace du Covid n’ont pas empêché la tenue de riches échanges sur l’analyse de la situation politique et syndicale, les perspectives de mobilisation pour la rentrée et l’année à venir, nos pratiques de lutte et pédagogiques. Nous publions ici les introductions aux débats.
Trois thèmes ont été abordés, ils sont liés.
Ukraine
Cette guerre rappelle à la fois la guerre de 14-18 avec les tranchées et les centaines de milliers de conscrit·es envoyé·es à la mort, et la guerre de Yougoslavie avec les nationalismes s’affrontant, le plus fort d’entre eux commettant crimes de guerre et crimes contre l’Humanité.
Il y a une propagande de Poutine visant à nier les crimes atroces de son armée : bombardements délibérés sur la population civile, nettoyage ethnique, viols, exécutions sommaires. Comme si les millions de civil·es qui fuient n’étaient pas chassé·es. Ce négationnisme en rappelle d’autres qui ont été à l’œuvre : la négation du Goulag, des crimes commis contre la Palestine, des crimes coloniaux de la France (notamment en Algérie), des crimes de l’impérialisme américain (notamment au Vietnam)… Ce négationnisme est une horreur de plus et doit être combattu comme tous les négationnismes.
Avant l’invasion, il n’y avait pas forcément de conscience nationale en Ukraine, les différentes régions ayant des histoires très différentes. Avec l’invasion, toutes les couches de la population se sont réunifiées pour résister. Nous sommes totalement avec la population qui souffre et subit, avec les syndicalistes, avec les Russes qui osent s’opposer à l’invasion. Nous ne soutenons en aucun cas le régime de Zélensky.
Après sa défaite en Afghanistan, l’OTAN était moribond. Poutine aura contribué à “ré-otaniser” l’Europe (la Suède et la Finlande adhérent à l’OTAN) comme aux pires moments de la guerre froide. Cette guerre met aussi en sourdine toute pseudo volonté du capitalisme de ralentir le réchauffement climatique et de prendre de réelles mesures. Le gaz de schiste états-unien ou le gaz qatari vont remplacer ce que la Russie n’exporte plus. Cette guerre aura enfin montré le “deux poids, deux mesures” à l’œuvre. Le monde occidental qui rejette à la mer les migrant·es venu.es d’Afrique met toute son énergie à accueillir les Ukrainien·nes. Les mêmes qui ont toujours refusé la moindre sanction contre Israël, renouent avec les mots “boycott” ou “sanctions”… quand il s’agit de la Russie.
Revenons sur l’histoire. Au moment de l’éclatement de l’URSS (1992), la mafia et les oligarques ont pris le pouvoir, en s’alliant aux dirigeants politiques, partout, y compris en Russie et en Ukraine. Par exemple, au moment de Maidan (2014), l’oligarque de l’acier est pro-russe alors que celui du chocolat est pro-occidental.
En 1992, il y avait environ 30 millions de non Russes dans la fédération de Russie et 30 millions de Russophones dans les autres républiques. Le nationalisme russe a écrasé les révoltes à l’intérieur (le peuple Tchétchène a subi un véritable génocide) et a multiplié les interventions armées à l’extérieur : intervention contre la Moldavie en Transnistrie, contre la Géorgie en Ossétie et Abkhazie, contre l’Ukraine en Crimée et dans le Donbass. Les références de Poutine, ce sont les tsars et Staline.
Le mot “Ukraine” signifie frontière en russe. C’est en Ukraine qu’est né le premier État russe. Le nationalisme ukrainien s’est fabriqué un roman national. Les héros, ce sont le cosaque Khmelnitsky, le contre-révolutionnaire Petlioura (tous deux pogromistes), le collabo Bandera. Ce n’est pas Makhno. Il est incontestable que pendant l’occupation nazie, il y a eu beaucoup de collaborateur·es en Ukraine. Quand la Wehrmacht a quitté l’Ukraine, deux millions d’Ukrainien·nes l’ont suivie, ils/elles sont célébré·es aujourd’hui comme des résistant·es.
Zélensky incarne la partie des Ukrainien·nes qui rêvent d’Europe et d’Otan. L’intervention russe aura fait taire les autres voix, autrefois très nombreuses. Zélensky a déclaré à la Knesset (le Parlement israélien) : “nous sommes comme vous menacés de la disparition de notre territoire, de notre langue, de notre culture…”. La guerre actuelle n’est évidemment pas une guerre de la démocratie contre la dictature.
Palestine/Israël
On va revoter en Israël. Les deux coalitions qui vont s’affronter sont toutes les deux dirigées par l’extrême droite. Celle-ci est durablement hégémonique sociologiquement et idéologiquement.
La complicité internationale a considérablement accentué l’apartheid.
Biden est venu à Tel-Aviv visiter Israël. Il renforce les liens avec les pays arabes féodaux, notamment l’Arabie Saoudite. Macron reçoit Yaïr Lapid, le dictateur Sissi, l’assassin MBS. Et il continue à garder Georges Abdallah en prison et à criminaliser le soutien à la Palestine. Les “accords d’Abraham” marchent à fond et le chef de l’armée israélienne visite le Maroc. Israël et l’Égypte s’apprêtent ensemble à vendre du gaz à l’Europe. Le trophée des champions (PSG-Nantes) se joue en Israël.
Du coup Israël ne fait même plus semblant de respecter le droit : presque chaque jour, un enfant est tué, les colons attaquent la population, les prisonnier·es sont maltraité·es, Salah Hamouri, citoyen français jamais jugé est envoyé dans une prison de haute sécurité pour avoir écrit à Macron. 1300 villageois·es sont expulsé·es du village bédouin de Masafer Yatta, un téléphérique est construit dans le quartier de Silwan à Jérusalem en vue d’une annexion et la Cour suprême israélienne légalise tout. Le langage des dirigeants israéliens “se libère” avec des appels au meurtre réguliers.
La société palestinienne résiste indépendamment des deux gouvernements rivaux. Les six associations palestiniennes qu’Israël considère comme terroristes continuent leurs activités.
L’Autorité Palestinienne est discréditée et de plus en plus considérée comme une entité collabo.
La demande que le droit international s’applique se fait de plus en plus forte. Il y a un vrai espoir que la CPI (Cour Pénale Internationale) aille au bout de son enquête. Plus que jamais, la Palestine attend de l’aide politique et économique de la solidarité internationale.
Cette demande palestinienne nécessite pour nous une clarification : nous soutenons le droit international mais clairement pas les institutions censées l’appliquer et qui le violent en permanence.
Migrant·es
Les mort·es de Melilla et de San Antonio annoncent des tueries qui vont se multiplier. La mondialisation capitaliste qui assigne au Tiers-Monde une situation de dépendance éternelle, le dérèglement climatique qui rend des régions invivables, l’incapacité des gouvernements à assurer le minimum pour leurs populations, l’organisation du commerce international qui a poussé de nombreux pays à renoncer aux cultures vivrières et bien sûr les guerres (Ukraine, Éthiopie…) et les famines (Afghanistan), tout ceci fait que le nombre de migrant·es va augmenter.
La politique visant à construire des murs ou à sous-traiter leur refoulement (accords entre la Grande-Bretagne et le Rwanda) est une infamie. Il faut exiger que tou·tes les migrant·es soient traité·es comme les Ukrainien·nes pour lesquel·les on a trouvé logement, formation, scolarisation et travail.
Pierre Stambul
Camarade Georges
L’Émancipation, tendance syndicale révolutionnaire salue en toi
- • Le militant révolutionnaire resté totalement fidèle à ses idées qui continue, depuis la prison, à animer la résistance à l’impérialisme et au capitalisme.
- • Le militant pour la Palestine, engagé dès sa jeunesse pour les droits de ce peuple, contre le sionisme et ses complices.
- • Le symbole d’une injustice absolue et de la brutalité de l’arbitraire du pouvoir. Même avec les règles de la justice bourgeoise, tu devrais être libre depuis bien longtemps et pouvoir retourner au Liban où tou·tes les tien·nes t’attendent.
Georges, nous continuerons à exiger partout ta libération.
Motion adoptée à l’AG d’Émancipation tendance intersyndicale, 15 juillet 2022
Les droits qui devraient être appliqués partout et pour lesquels nous nous battons
À l’heure des guerres impérialistes, des occupations néocoloniales et de la loi du plus fort, il est urgent de réaffirmer l’existence de droits fondamentaux et universels, d’en faire un objectif constant et prioritaire d’autant qu’ils sont quotidiennement violés :
- Le droit à l’éducation.
- Le droit à la santé.
- Le droit à un logement digne.
- Le droit à un travail décent et à un revenu suffisant.
- Le droit des femmes à disposer de leur corps.
- Le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants.
- Le refus des occupations et du colonialisme, le droit à la résistance face à ces agressions.
- L’égalité des droits, quelles que soient le genre, l’origine, les croyances ou l’identité supposée.
- Le droit de circuler, de migrer et de s’installer.
- Le droit de croire ou de ne pas croire en une quelconque transcendance. Aucune religion ne doit imposer quoi que ce soit à la société.
- Le droit de s’organiser et de se syndiquer.
- Le droit à une information pluraliste.
Tous ces droits, reconnus pour la plupart au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, ont été très rapidement violés par toutes les instances de pouvoir, quelles que soient leur statut : ONU, superpuissances, États.
Défendre des droits universels qui s’imposent au niveau international, ce n’est pas défendre l’ONU, encore moins les institutions qui ont transformé le monde en marchandise (OMC, FMI, Banque Mondiale…), c’est s’appuyer sur les sociétés civiles et le mouvement ouvrier qui réclament justice et égalité, contre des États qui bafouent toutes les formes de droit. Ce sont les bases du monde que nous voulons construire.
Motion adoptée à l’AG d’Émancipation tendance intersyndicale, 15 juillet 2022