La grève comme stratégie féministe
Le début d’année 2023 est marqué par la mobilisation contre la réforme des retraites, qui s’inscrit dans une série d’attaques contre nos droits sociaux toujours plus remis en question. De l’inflation à la réforme des retraites, en passant par la réforme de l’assurance chômage, entre autres, les individu·es et secteurs les plus précarisés payent le prix fort et les inégalités s’intensifient.
Aux inégalités économiques s’ajoutent les inégalités climatiques dont les effets et manifestations s’intensifient de plus en plus également. Dans ce contexte, les femmes et les minorités de genre sont en première ligne des attaques : nous sommes majoritaires dans les emplois à temps partiel, dans les carrières morcelées, dans les parcours discontinus qui sont grandement pénalisés dans les projets de réformes en cours.
À cela s’ajoutent les violences sexuelles et sexistes qui persistent et qui sont toujours tues alors que le problème est systémique, les féminicides partout dans la monde, et qui ont fait se lever les peuples iranien et kurde récemment, mais aussi le contrôle toujours plus grand sur nos corps, qui a résonné très fortement l’été dernier avec l’énorme recul en matière de droit à l’interruption volontaire de grossesse qu’ont subi les états-unien·nes, et qui nous menace tout le temps, partout, du fait des baisses de subventions aux centres d’IVG, de la fermeture de ces mêmes centres…
Les mobilisations se développent partout dans le monde, face à un système capitaliste, sexiste et raciste. En France, l’actuelle mobilisation contre la réforme des retraites a vu se développer dans de nombreuses villes des cortèges féministes dans les manifestations, ou des expressions collectives dénonçant les manœuvres du gouvernement qui présente la réforme comme “plus juste pour les femmes”. Si la déconstruction du discours gouvernemental semble assez évidente pour une immense majorité des personnes, reste que la stratégie à mener nécessite clarification et combativité.
En effet, à l’heure où cet édito est écrit, la prochaine date de grosse mobilisation décidée par les directions syndicales est le 7 mars, avec la mention que “l’intersyndicale se saisira du 8 mars” – mais “s’en saisir” ne suffira pas. Or, appeler la veille du 8 mars c’est, pour les directions syndicales, abandonner le travail pourtant essentiel de lien entre mouvement social et mouvement féministe. Appeler à une grosse date de mobilisation le 8 mars eût été l’occasion de mettre en avant et de travailler à une véritable grève féministe, qui, si elle est passée dans le vocabulaire syndical depuis plusieurs années (au prix de batailles importantes en interne), peine encore à être mise en pratique.
Une fois encore, il faudra prendre les choses en main à la base, par l’auto-organisation. Il s’agit de mener la bataille partout où nous sommes pour construire une véritable grève féministe le 8, articulée avec la bataille contre la réforme des retraites, en se saisissant de tous les cadres d’auto-organisation, de tous les collectifs, dans lesquels nous sommes pour construire par en bas cette grève avec toustes les travailleur.ses qui luttent dans le mouvement social.
Il s’agit aussi de continuer à réconcilier les milieux féministes avec la grève – du travail productif comme reproductif – pour renforcer le combat et l’unité contre le système qui nous exploite et opprime.