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Un syndicat de police à la FSU ?

Lors du dernier Conseil national de la FSU, la direction de la FSU a proposé au vote un protocole d’association avec un syndicat de police, le SNUIPN (Syndicat national unitaire Intérieur Police Nationale). Il ne s’agit pas pour l’instant d’une adhésion pure et simple à la FSU, c’est plutôt un processus transitoire pour mieux « faire passer la pilule ». Le vote en faveur du protocole a été largement majoritaire, mais l’affaire n’est pas close ; car au-delà d’un élément ponctuel, ce débat pose une question de fond : la police a-t-elle sa place dans le mouvement syndical ? Nous reproduisons l’intervention d’une membre du CDFN, au titre d’Émancipation pour expliquer le vote « contre » d’Émancipation.

Le secrétariat fédéral de la FSU propose de voter un protocole d’association avec le SNUIPN (syndicat national Intérieur Police nationale). Quelques remarques :

Le principal : le fond

La principale discussion est celle du rôle de la police aujourd’hui, et du rôle qu’elle pourrait jouer demain. Comme pour d’autres sujets (syndicats de l’enseignement privé par exemple), il faut distinguer deux choses : l’institution dans laquelle les personnels travaillent d’une part, les personnels qui travaillent dans cette institution d’autre part.

Le SNUIPN et le protocole d’accord partent de l’idée qu’il existe des personnels réactionnaires, mais que les principaux problèmes de l’institution policière sont avant tout constitués par le manque de moyens et de formation des personnels. Autrement dit, il y a des dérives individuelles et syndicales qui trahissent l’esprit de l’institution policière républicaine.

Nous pensons que c’est l’inverse : il y a des policier.es progressistes dans l’institution. Mais l’institution elle-même est répressive de manière systémique (notion de “violences policières”, réactionnaire, se caractérisant aussi par le racisme systémique. Oui, la police (en tant qu’institution) tue, la police est violente. De même, l’institution scolaire est de moins en moins émancipatrice (sans bien sûr être de même nature que l’institution policière), nous nous battons contre cela.

C’est pourquoi le SNUIPN refuse la notion de “violences policières”, lui préférant l’idée de “violences de certains policiers”. On remarquera que le protocole d’association adopte déjà implicitement cette notion, parlant de “pratiques de police” et de “pratiques policières”, ayant du mal à nommer les choses par leur nom : la notion de “violences policières” est déjà évacuée du langage de la FSU, comme d’ailleurs le SNUIPN le demandait déjà au congrès de 2019.

Cette divergence renvoie à une analyse de la situation : s’il y a des violences policières, ce n’est pas seulement parce que des policiers sont insuffisamment formés (et encore moins parce qu’ils sont en sous-effectif), mais plutôt :

  • – parce que la hiérarchie, et en fait le gouvernement, couvre voire encourage les violences policières. La police n’est, en dernière instance, pas là pour défendre les droits des citoyen·nes, mais les nécessités de l’État et du gouvernement… y compris contre les citoyen·nes.
  • – parce que la police est surarmée et se militarise (LBD, etc.).

Ainsi, faute de disposer d’un site Internet, on ne connait pas la position du SNUIPN sur certains sujets et pas des moindres : la loi de sécurité intérieure, la loi sécurité globale, la loi “séparatisme”, l’armement et la militarisation de la police etc.

Comment peut-on prendre une décision de partenariat sans avoir des éléments sur ces sujets ?

Sur la forme : quelques points à noter

Il n’y a pas d’intégration directe du SNUIPN dans la FSU, mais une situation transitoire jusqu’au premier semestre 2027. On notera que, sauf exception, tous les protocoles d’association ont débouché sur une intégration dans la FSU jusqu’à maintenant.

Par ailleurs, Unité & Action nous dit en substance que l’intégration de ce syndicat serait en quelque sorte un non-événement puisque, voyez-vous, ces policiers étaient déjà dans la FSU. Pourtant, le protocole est tout à fait inhabituel dans ses modalités, notamment au vu du temps très long.

Enfin, la question du fonctionnement de la FSU : la FSU est une fédération de syndicats nationaux, autrement dit ses positions sur une question dépendent avant tout de la position du syndicat national concerné. Nous contestons cette organisation en syndicats nationaux, mais pour l’instant c’est ce qui existe et qui définit le fonctionnement de la FSU. Du coup, en toute cohérence, les positions de la FSU sur les questions liées à la police (et notamment le “maintien de l’ordre”) devraient s’aligner avant tout sur les positions du syndicat de policiers. Normalement la position de la FSU se calque sur celle du syndicat national concerné, mais concernant la police ça ne va pas être aussi simple… sauf que bien entendu, on laisse déjà discrètement tomber la notion trop compromettante de « violences policières ».

Camille Scorta