Le peuple gazaoui entre dans son septième mois de calvaire, victime d’une guerre coloniale implacable, génocidaire, conduite par l’État sioniste d’Israël, dont les conséquences pourraient être pires que celles de la Nakba de 48.
Outre les massives pertes humaines et les innombrables blessé·es , la destruction des infrastructures, du réseau routier, de l’habitat, les pollutions des terres arables, de la nappe phréatique et des eaux de surface feront que, peut-être, cette terre ne sera plus en mesure de répondre aux besoins vitaux d’une population de plus de deux millions d’habitant·es.
En effet, suite aux effets de l’utilisation d’armes toxiques, le déferlement balistique quotidien sur 365 km2, sans relâche depuis plus de six mois, pourrait rendre cette terre inhabitable et compromettre l’accueil de la population existante. Cette guerre faite au peuple gazaoui est génocidaire. Cette réalité catastrophique incombe au seul État d’Israël, qui vise à spolier les Gazaoui·es de leur terre.
Situation explosive
L’enfermement des populations gazaouies dans un espace muré, cadenassé au nord comme au sud, portait en soi un risque d’explosion sociale désespérée.
Nonobstant, le peuple gazaoui a fait montre d’une capacité de résistance, de combativité et de générosité résiliente qui a généré un fort potentiel humain de refus de la domination coloniale.
Aucune stratégie libératrice en Palestine n’est envisageable après l’abandon des États arabes, la traîtrise des accords d’Abraham, les turpitudes de l’Autorité palestinienne, et les visées politiques de l’organisation islamiste Hamas alliée avec le Qatar, les Mollahs iraniens, le Hezbollah, les Houtis du Yémen, le boucher de Damas.
Bras de fer entre le Hamas et le Fatah
Le 25 janvier 2006, le Hamas gagne les élections à Gaza. Face au Fatah corrompu, Ismaïl Haniyeh prend le pouvoir pour ne plus le mettre en jeu dans des confrontations électorales.
Le Hamas, tacitement soutenu par Israël, entreprend alors une guerre de légitimité politique contre le Fatah. Le Fatah sera chassé de Gaza, et son autorité en Cisjordanie en sera d’autant plus déconsidérée et ternie.
Le Hamas, dans la tradition des frères musulmans organise ses réseaux clientélistes auprès des populations idéologiquement favorables, et gère la société selon des principes religieux, lesquels font litière des revendications sociétales démocratiques. Le peuple gazaoui vit alors la souffrance d’un double enfermement spatial et existentiel qu’abonde une précarité économique drastique, imposée de surcroît par la réalité de rapports de classes capitalistes.
Le Hamas prêche le partage avec les plus démuni·es, mais se nourrit du système capitaliste qu’il conforte. Ainsi le Qatar, son meilleur allié et bailleur de fonds, soutient massivement en argent et en armements l’organisation Hamas à Gaza. Celle-ci engrange le contenu de valises diplomatiques qui transitent par Israël avec les bons soins du Mossad ! Trois cents millions de dollars US par mois.
Cette manne pérenne permet au Hamas de se doter d’un système de protection de caches, d’entrepôts, de tunnels et d’habitacles souterrains à l’abri des bombardements.
Le peuple gazaoui, quant à lui, n’est pas concerné par l’objet politique et stratégique de ces projets ! Il en est tenu écarté, de fait désarmé dans le contexte d’un éventuel conflit majeur.
Ces infrastructures réalisées, son arsenal militaire accumulé, le Hamas se pense alors en mesure d’affirmer sa position de force politique et militaire face au Fatah et à Israël, lequel a pourtant cru tactiquement judicieux de le conforter contre l’Autorité palestinienne.
L’opération du 7 octobre 2023
Cette opération conduite en terre usurpée, sous commandement du Hamas, a plongé dans la sidération les peuples arabes tant la puissance d’Israël semblait invulnérable. S’en est suivie une journée de liesse populaire à Gaza, et de “fierté retrouvée”.
Cette opération militaire menée dans le plus grand secret est indéniablement une opération inédite, révélatrice du savoir-faire militaire, de la tonicité combative et du courage des milices armées du Hamas.
Est-elle pour autant justifiable au regard des graves transgressions commises ?
Cette attaque incontestablement terroriste quant à son mode opératoire, ne saurait être cautionnée en référence au droit de la guerre. Les crimes qui ont été commis relèvent de crimes de guerre, même si l’armée israélienne a, de surcroît, contribué avec perversité au massacre des populations. Cette intrusion qui s’apparenterait à une “razzia” ne pouvait que donner à un État colonial d’extrême-droite prétexte et justification à une riposte d’une violence débridée et massacrante, et renforcer l’esprit d’unité nationale de l’ennemi, alors que le mafieux Nétanyahou se trouvait confronté à une tourmente de fortes contestations, massivement exprimées dans la rue.
Les contradictions et oppositions de classe au sein de la société israélienne allaient faire tomber un soldat Nétanyahou prêt à choir, que l’assaut a sauvé.
Cette action conduite dans le plus grand secret, sans l’aval de la branche politique du Hamas, et moins encore avec celui de la population, a fait fi d’un élémentaire soutien démocratique populaire.
Comment gagner face à un tel ennemi surarmé, fascisant, conforté par une puissance impérialiste dominante, sans être porté par un peuple en armes démocratiquement auto-organisé ?
Quel soutien international ?
Le Hamas est doublement assujetti à ses puissants parrains au Moyen-Orient, l’Iran et le Qatar, voire au Kremlin. Il serait peu concevable que le passage à l’acte du 7 octobre soit une initiative de la seule branche armée de cette organisation. Le Hamas a certainement eu le feu vert de Téhéran, mais sans engagement réel de soutien. Le Kremlin ne pouvait, non plus, être tenu écarté de cette prise de décision.
Le parti des Mollahs, opposé dans sa partie d’échec à la puissance américaine, pour faire advenir sa puissance nucléaire et arc-bouté dans ses principes religieux pour faire taire les contestations des femmes et d’un peuple en quête de justice sociale et de liberté, soucieux de marquer son influence impériale en direction de la mer Méditerranée au sud, jusqu’au Yémen et à l’Afghanistan à l’est, entend jouer de ses “proxis” afin d’affirmer son leadership au Moyen-Orient.
Dans son combat contre l’impérialisme américain, “le grand Satan”, et Israël, “le petit Satan”, le parti des Mollahs se doit d’activer ces forces islamistes affidées que sont le Hamas, le Hezbollah libanais, les Houtis yéménites, ainsi que les milices chiites irakiennes et iraniennes le long de l’Euphrate, lesquelles harcèlent les bases militaires américaines.
Cependant, l’Iran n’engagera pas de conflit majeur, il n’en a pas les moyens. Vouloir en finir avec l’État d’Israël en serait un, de premier ordre.
Le Hamas comme le Hezbollah sont autorisés à porter des coups, mais pas pour en finir avec l’état sioniste. Il se trouve aujourd’hui peu soutenu dans la tourmente qu’il a bien imprudemment provoquée. Il en paie le prix du sang, faute de n’avoir pas pris soin de protéger ses arrières et de s’être assuré de ses alliances.
Appui islamiste à la contre-révolution !
Quand, à partir de 2010, le monde arabe s’est enflammé, après la Tunisie, en Libye, Égypte, Syrie, Bahreïn, Irak, ou Liban, au Soudan voire encore en Perse, partout les forces sociales progressistes se sont heurtées aux partis islamistes, tous inscrits dans la contre-révolution.
Un signe avant-coureur ? Le Caucase Nord n’avait pas été épargné par l’activité djihadiste.
La Tchétchénie, qui s’était libérée de la tutelle coloniale russe après une première guerre de libération qui dura de 1994 à 1996, conclue par un traité de paix à Khassaviourt, perdit cet acquis historique suite aux menées des chefs de guerre wahhabites tchétchène et saoudien.
Chamil Bassaîev et son allié saoudien Khattab, en entretenant d’incessantes guerres de frontières au Daghestan donnèrent prétexte au nouveau président, un certain Poutine, pour revenir en force en Tchétchénie “buter le dernier terroriste tchétchène jusque dans les chiottes”. Ce qui fut fait lors de la seconde guerre coloniale génocidaire de 2000 à 2007.
…au Machrek
La démonstration se poursuit, avec les mêmes jeux d’alliances mortifères.
La révolution syrienne en sera un cas d’école. Surgissant dans un pays tenu par une dictature d’une particulière férocité, le peuple qui se lève en mars 2011 se revendique peuple “Un”, toutes confessions confondues, pour se libérer des chaînes que lui impose la dynastie des Assad et aspire à des élections libres, une république laïque, démocratique, et “du travail et du pain”, revendications élémentaires.
Bachar al Assad répond à l’insurrection en faisant intervenir ses forces armées, ses milices de moukhabarats, voyous tortionnaires et violeurs patentés, pour la plupart libérés de prison, payés pour exécuter les basses œuvres, également appuyés par les milices du “Parti de Dieu” venues du Liban, et les brigades islamiques iraniennes, organisées par feu Qassem Souleimani de sinistre mémoire.
Toutes forces coiffées par la soldatesque russe à la manœuvre sur terre, sur mer et particulièrement massacrante par air à partir de 2015.
Sans oublier la constitution et l’intervention de Daesh, manipulé par Bachar al Assad contre son propre peuple, ainsi que la présence de Al Qaïda aujourd’hui nommé Hayat Tahrir al Sham (HTS) qui sévit toujours contre le peuple du gouvernorat d’Idleb.
Le Hamas, pourtant sunnite, à nouveau domicilié à Damas, allié obligé de Bachar, aux côtés du Hezbollah (Parti de Dieu) et des milices islamistes de la république d’Iran sous l’autorité des Mollahs, se trouve associé à l’arc chiite islamiste fascisant, qui terrorise les peuples syrien et iranien et maintient les peuples irakien et libanais sous une férule sans concession.
L’arc chiite islamiste peut-il être propalestinien ?
Sans avoir trop à convoquer l’histoire, nous nous contenterons de rappeler les massacres avérés de populations palestiniennes perpétrés par ceux-là mêmes qui prétendent soutenir “la cause palestinienne”.
Bachar al Assad, avec les méthodes que nous lui connaissons, assure la continuité dynastique des Assad, dont le père, Hafez, craignant en 1976 que ne se constitue au Liban une force nationale gouvernementale entre forces progressistes libanaises et forces palestiniennes, prévient les milices chrétiennes maronites et le Mossad israélien du danger que représenterait cette instance politique potentielle libano-palestinienne. Ainsi alertés, milices chrétiennes et commandos israéliens participeront de conserve au massacre des populations palestiniennes du camp de Tell al-Zaatar (la colline du thym), peuplé de plus de 50 000 habitant·es, encerclé·es par les troupes syriennes. Massacre qui fit plus de deux milles mort·es.
Autre massacre emblématique, celui du camp de Yarmouk, dans la banlieue de Damas. Yarmouk, “le cimetière des Palestiniens de Syrie”, comme le rappellent les Palestinien·nes, capitale non déclarée de la diaspora palestinienne, ville de réfugié·es de 150·000 résident·es, en compte aujourd’hui moins de trois cents.
Dès 2012, les Palestinien·nes de Yarmouk se divisent sur leurs orientations : le FPLP-CG reste fidèle au régime tandis que le mouvement Liwa el-Assifa regagne les rangs de l’armée syrienne libre (ASL), écœuré par le simulacre d’un assaut contre les forces israéliennes mis en scène par le FPLP-CG de Ahmed Jibril, envoyant des adolescents démunis sur le front du Golan. S’en suivra une perte de neuf mineurs combattants palestiniens.
Suite à cette ignominie, l’insurrection naît à Yarmouk.
Les guerres intestines et l’intrusion dans le camp facilitée par Bachar al-Assad, de Hayat Tahrir al Cham puis de Daesh feront fuir massivement les populations restantes, moins de cinq mille habitant·es, affamé·es, bombardé·es, pris·es dans une nasse sans issue : d’innombrables cadavres et disparitions, dans les pires circonstances.
Le Hamas, alors encore en dissidence d’avec le régime syrien, paiera le prix fort de sa présence au Yarmouk.
Alliances morbides et contre-révolution
Pour le Hamas, se replacer sous l’aile de tels parrains ne peut que perpétuer ses échecs sanglants, aussi et surtout pour les peuples qui s’y subordonnent.
Ce qui frappe, c’est sa capacité combative et sa cécité stratégique, mais plus encore le franc soutien ou critique que lui accordent les organisations et partis constitutifs de la sphère de gauche et d’extrême gauche, ici en France, et à l’international, y compris celles et ceux qui prétendent ne pas vouloir se situer dans les problématiques campistes et se prétendent “anticapitalistes”.
Les pays arabes, les organisations islamistes ou formations pseudo-marxistes dégénérées “propalestiniens” sont tous et toutes attaché·es au système capitaliste, et en cela ne sauraient laisser la maîtrise de la reconquête de leur terre aux Palestinien·nes. Ces organisations islamistes ne pourraient être progressistes et libératrices en Palestine et fascisantes et criminelles en Iran et en Syrie.
Leur accorder une once de légitimité est contre-révolutionnaire.
À ne pas vouloir “hurler avec les loups” en écho à ceux de la bourgeoisie, les loups islamistes mordent la nuque des peuples qui se lèvent dans le monde arabe et en Perse.
Quels soutiens à la résistance palestinienne ?
Il convient d’élargir la focale au-delà de la seule Palestine et d’amorcer une réflexion internationaliste.
Soutenir les peuples qui se lèvent au Machrek serait aussi affirmer notre soutien au peuple syrien, qui se bat contre tous les impérialismes et toutes les puissances coloniales, au premier rang desquelles l’Iran avec ses milices du Hezbollah. Aujourd’hui, ce peuple en guerre depuis treize ans contre un régime génocidaire, qui compte près d’un million de mort·es dans sa communauté sunnite se lève dans des manifestations violentes dans la région druze, à Deraa, à Idleb toujours, dans sa volonté de chasser le tyran, mais aussi l’autorité islamiste de Hayat Tahrir al Cham, qui tente de s »imposer en tant que direction religieuse, politique et militaire.
Soutenir le peuple syrien en lien avec le peuple palestinien, mais également avec le peuple ukrainien et ses avant-gardes prolétariennes, donnerait sens à un soutien politique en termes de classe internationaliste à ces peuples qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes.
Cela relèverait de nos tâches de syndicalistes de nous adresser en ces termes à nos camarades syndicalistes de Cisjordanie, en leur rappelant qu’à Soueïda, à Deraa, à Idleb, le peuple s’est rassemblé pour soutenir le peuple de Gaza, drapeau palestinien en première ligne, en affrontant les forces de répression de Bachar ou celles de Hayat Tahrir al Cham.
Une camarade de notre tendance syndicale, drapée du drapeau palestinien a, ainsi animée de cette volonté internationaliste, transmis ce message lors de la commémoration de la révolution syrienne place de la Bastille le 16 mars 2024 devant un millier de manifestant.es qui regroupait Syrien·nes, Ukrainien·nes, Tatar·es de Crimée, Belarus·ses, Tchétchènes et opposant·es russes à la guerre.
Tous et toutes étaient convaincu·es que, sans solidarité internationaliste, aucune victoire démocratique ne serait acquise…
Soutenir l’idée d’un seul État palestinien laïque et libéré du capitalisme ouvert à toutes communautés doit être mis en exergue de nos messages de campagne.
Enfin, amplifier l’activisme militant décliné dans toutes ses composantes, manifestations, meetings conférences pour exiger le retrait de toutes les forces sionistes de la bande de Gaza, l’arrêt immédiat des bombardements et l’ouverture aux convois humanitaires. Halte au génocide !
Menons campagne pour le boycott des produits israéliens, exerçons la pression la plus forte sur les entreprises pourvoyeuses d’armes en direction d’Israël tout en prenant contact avec leurs travailleur·es
BOYCOTT ISRAËL / STOP ARMING ISRAEL
PALESTINE VAINCRA !
Claude Marill, le 4/4/24