Contre-choc
Jeudi 05 octobre : quelques heures après la publication d’une enquête internationale sur les systèmes éducatifs (PISA), le ministre Bruno Attal annonce le “choc des savoirs”. Partant de l’idée que l’école publique dysfonctionne, il annonce une série de transformations d’ampleur. Les “groupes de niveau” en mathématiques et français ont fait la “Une” de l’actualité, mais le “choc des savoirs” ne s’y réduit pas. Il articule à la fois des mesures sur les structures du système éducatif, les contenus d’enseignement, le métier (et ses implications statutaires) enseignant.
On remarquera que le gouvernement se plaint de l’état d’un système éducatif qu’il a déjà soumis à de nombreuses contre-réformes depuis presque sept ans : le principal responsable du délabrement de l’école publique qu’on feint de déplorer, c’est lui-même. C’est lui qui a supprimé des postes, provoqué une crise de recrutement, engendré des classes pléthoriques dans de nombreux endroits, cassé le sens du métier et l’implication pédagogique de nombre de personnels (liste non-exhaustive)…
Dans ces conditions, il est logique, pas étonnant, que les personnels, à commencer par ceux et celles des collèges, se révoltent contre le “choc des savoirs”. Ils et elles connaissent déjà cette politique éducative, ils et elles ont déjà subi les prémices de ce que le gouvernement veut faire : un système éducatif avec une école publique en ruines et des personnels précarisés d’un côté, une école privée dotée de toutes les attentions d’un autre côté.
Ils et elles perçoivent plus ou moins consciemment les bases de la politique de Macron et de son gouvernement. Il n’y a pas de mystère : le débat récent sur “la dette publique”, dans un contexte de difficultés économiques, de concurrence internationale accrue, de l’explosion des dépenses pour les budgets liés à la guerre… impliquent un plan d’austérité massif : les 20 milliards d’économies annoncés risquent de n’être qu’une première étape. Dès lors, renforcer l’autoritarisme est à l’ordre du jour, car tout cela ne se fera pas sans résistance.
Cet autoritarisme au nom des marchés et de l’impérialisme, partagé par une grande partie du champ politique jusqu’à “gauche” (cf. la campagne atlantiste et réactionnaire de Glucksmann) explique la vague de répression contre ceux et celles qui défendent les droits du peuple palestinien bafoués par un État colonial. C’est aussi cet autoritarisme qui préside aux annonces récentes d’Attal : une partie de la jeunesse (et des familles) de ce pays, d’origine populaire, doit être soumise par la répression et la mise à l’écart, pour ne pas dire la mise à l’index. C’est encore lui qui aboutit à criminaliser de simples critiques verbales contre une institution policière en voie de fascisation, comme dans le cas du militant Olivier Cuzon de SUD éducation 29. C’est enfin lui qui entend, notamment par le “choc des savoirs”, transformer les enseignant·es en simple exécutant·es dociles de la politique et de l’idéologie du gouvernement (y compris bientôt par le licenciement, avec la future loi sur la Fonction publique).
Autant dire que les enjeux des luttes actuelles sont majeurs, et inséparables d’une lutte plus globale contre ce pouvoir et sa politique. Depuis des semaines elles existent dans l’éducation, souvent en alliance avec les parents d’élèves : grèves reconductibles comme en Seine-Saint-Denis où les personnels poursuivent l’action, manifestations, “nuit des établissements”, opérations “collèges morts”, boycott des “formations” et refus de mettre en place les mesures du “choc des savoirs”. Le potentiel de refus est là, il est temps qu’enfin le syndicalisme donne des perspectives d’unification de ces luttes : en les soutenant, les faisant connaître, les généralisant et en leur donnant un cadre national pour obtenir le retrait des contre-réformes, et la satisfaction des revendications urgentes.