En Ukraine, la gauche milite pour une “nation ukrainienne multiethnique”. La constitution de 1996 garantit l’utilisation et la protection du russe et des autres langues des minorités nationales (même s’il y a des accrocs à ces principes). C’est ce que l’attaque des hypernationalistes veut détruire. Cette adresse répond à cette offensive.
À M. Ruslan Stefanchuk, initiateur du projet de loi n°7633
Le 1er décembre 2022, la Verkhovna Rada de l’Ukraine a adopté en première lecture un projet de loi “Sur les amendements à certaines lois de l’Ukraine sur l’interdiction de l’utilisation des sources d’information de l’État agresseur ou de la puissance occupante dans les programmes éducatifs, les activités scientifiques et scientifico-techniques” (n° 7633). Ce projet de loi prévoit notamment l’interdiction d’utiliser, dans le cadre de programmes éducatifs, scientifiques et de recherche scientifique, des sources d’information en russe et de citoyens de l’État agresseur, indépendamment de leur localisation et de leur affiliation. Les exceptions faites pour “l’analyse critique” de l’État agresseur prévoient évidemment le contrôle par les autorités de l’État du contenu des publications, c’est-à-dire la censure.
Cela signifie une entrave à la liberté de collecte et de diffusion de l’information, une discrimination fondée sur la langue contraire aux articles 24 et 34 de la Constitution ukrainienne, ainsi que l’introduction de la censure, qui viole l’article 15 de la Constitution et l’article 13 “Liberté de l’art et de la science” de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Ce projet de loi non seulement sape le choix démocratique de l’Ukraine, mais est extrêmement nuisible à l’éducation et à la recherche et doit donc être retiré immédiatement. Si ce projet de loi est adopté, l’Ukraine deviendra presque le seul pays au monde où les scientifiques seront tenus par la loi de violer l’intégrité et de supprimer les références aux sources (y compris les publications fondamentales qui sont une priorité scientifique dans le monde) sur la base de la langue, de la citoyenneté des auteurs et de la localisation des institutions scientifiques.
Cela ne va pas seulement compliquer la vie des scientifiques ukrainiens, mais peut faire en sorte que leur travail ne réponde pas aux normes scientifiques internationales – les exclure de la communauté scientifique internationale, rendre impossible la coopération avec de nombreuses institutions scientifiques du monde (principalement en Europe et aux États-Unis), pour lesquelles la censure est absolument inacceptable, et souvent directement interdite par la législation des pays respectifs, les statuts des universités et des organisations publiques.
L’introduction de la censure des sources scientifiques rendra impossible la réalisation de recherches scientifiques de niveau international en Ukraine. Il pourrait en résulter la destruction d’équipes scientifiques et le déplacement forcé de scientifiques à l’étranger, et, par conséquent, une diminution de la qualité, et bientôt de la quantité, des publications scientifiques en ukrainien.
Liste des 400 premiers signataires sur : https://www.syllepse.net/syllepse_images/signataires.pdf