L’État a décidé dans l’urgence, sans débat démocratique, d’autoriser la construction de six EPR dits de nouvelle génération, pourtant l’énergie nucléaire n’est pas anodine, comme pourraient l’être les énergies renouvelables (dans lesquelles la France a pris un retard considérable) et son développement augmente les risques potentiels de catastrophe et d’atteinte à la santé de la population.
La France est le pays le plus nucléarisé d’Europe
Ils viendraient s’ajouter aux 56 réacteurs installés dans 18 centrales, qui font de la France le pays le plus nucléarisé d’Europe, possédant d’ailleurs une des centrales (Gravelines) les plus puissantes en service dans cette zone depuis l’arrêt forcé, en 1986, de la centrale de Tchernobyl 1 (situé à 130 km de Kiev) en raison de la fusion du cœur de l’un des réacteurs, de son explosion et de la pollution radioactive aérienne qui a menacé toute l’Europe, et de l’arrêt partiel (2022) de celle de Zaporijjia, toujours en Ukraine, en raison de la guerre et de sa prise par les Russes…
Des centrales en service depuis 43 ans
La plupart de ces centrales exploitées pour les plus anciennes depuis 1979, (donc en service depuis 43 ans) pour la plus récente en 2002, devraient voir leur exploitation prolongée toujours sans débat démocratique, alors qu’elles étaient prévues pour une durée d’exploitation de trente ou quarante ans lors de leur conception…
La mise en arrêt, en 2022, de 27 réacteurs sur 56 (soit un peu moins de 50 %) pour des opérations “habituelles de maintenance” auxquelles s’ajoute un très sérieux problème de corrosion des circuits de refroidissement, donne une idée des risques pris en prolongeant leur fonctionnement et alors que personne ne sait vraiment si leur “état” le permet.
Aucune nouvelle construction d’EPR n’a pour l’instant abouti
Quant à la construction de nouveaux EPR, soit disant de 2ème génération, (la première correspondant à l’achat par EDF de cette technologie à Westinghouse il y a 60 ans), deuxième génération qui date de 1992 quand Framatome et l’allemand Siemens ont commencé à concevoir un nouveau réacteur “European Pressurized Water Reactor” (EPR), abandonné après la décision de l’Allemagne de se retirer du nucléaire, en 1998… et poursuivi en France sous une autre forme, et alors qu’aucune nouvelle construction de ce type de centrale n’a pour l’instant abouti.
Ni celle de Olkiluoto en Finlande, mise en chantier en 2003, la centrale EPR finlandaise cumule 19 ans de durée de travaux, 12 ans de retard, et ne fonctionne toujours pas réellement, (deux mois en 2022) ni celle de Flamanville en construction à partir de 2007, soit depuis 14 ans.
La construction des deux réacteurs d’Hinkley Point C (HPC), en Grande Bretagne semble suivre le même chemin, après l’annonce en 2019 d’une augmentation de trois Md de livres du coût de construction ce qui le porte à 17 Md€, et de l’allongement des délais de construction des réacteurs.
Pour être honnête il faut signaler que celle de Taishan en Chine fonctionnerait “correctement” selon les autorités chinoises !!! Les réacteurs EPR de Taishan 1 et Taishan 2 ont été mis en service en 2018 et 2019, mais avec un retard de cinq ans sur le calendrier prévu lors de la commande et un surcoût de 60 % par rapport au budget prévisionnel.
Un défaut de conception des EPR
L’un des réacteurs a été arrêté de juillet 2021 à août 2022, en raison de vibrations anormales et d’un problème de radioactivité relâchée par les “crayons” qui sont dans des barres métalliques au cœur du réacteur, et qui ne sont plus totalement étanches, en raison de vibrations, ce qui a fait monter la radioactivité dans le circuit primaire du réacteur n° 1, et provoquer des fuites de gaz radioactifs.
La presse, nationale et internationale, a largement relayé l’affaire des problèmes de ruptures de gaines de combustible nucléaire du réacteur EPR Taishan 1. Depuis, l’ASN a admis qu’un défaut de conception est bien à l’origine de vibrations anormales conduisant à un endommagement inédit du combustible nucléaire dans le cœur des EPR en général, dont celui de Flamanville. (voir La CRIIRAD alerte l’ASN sur un défaut de conception générique).
Combien ça coûte
L’enjeu financier est tout aussi majeur : le coût de construction de trois paires d’EPR2 est estimé à 46 Md€d’euros.
Rappelons que tous les financements sont couverts par des fonds publics, c’est à dire par l’argent des contribuables.
Certaines entreprises ont bénéficié récemment d’une recapitalisation des pouvoirs publics. L’État a mobilisé 4,5 Md€ d’euros pour doter en capital Areva SA (2 Md€) et Orano (2,5 Md€) à l’issue de la restructuration d’Areva.
EDF a bénéficié d’un apport en capital de 3 Md€ et l’État qui possédait déjà 84 % de son capital a annoncé sa (re) nationalisation, pour ce faire il devra débourser 9,7 Md€d’euros, et sans doute rembourser la dette estimée à 65 Md d’euros…
Le coût des EPR explose
Hormis le non-respect des délais et les défauts de conception, l’autre constante caractérisant ces EPR est leur coût qui explose : 19,1 Md d’euros, contre 3,3 Md annoncés en 2006… pour la centrale de Flamanville.
Pour celle d’Olkiluot près de quatre fois le montant prévu au contrat initial soit 2,28 Md€d’euros et des pénalités de retard de 450 Md€d’euros.€
Et le coût de l’électricité
Parlons du coût de l’électricité produite, la Cour des Comptes a estimé, sur la base d’hypothèses (exposées dans un de ses rapports) que le coût de l’électricité produite par l’EPR de Flamanville pourrait se situer entre 110 et 120 €€ le MWh.
Le coût moyen de l’électricité solaire photovoltaïque, lorsqu’elle est exploitée sous forme de parcs ressort à 54,3€€ le MWh.
Celle produite par les centrales thermiques au gaz entre 70€ et 100€€ le MWh. (Un chiffre qu’il faudrait certainement revoir en raison de la hausse du prix du gaz…).
Et le problème des déchets radioactifs
Problème mis sous le tapis dès les décisions prises de développer le nucléaire. Les déchets sont actifs pendant plusieurs centaines de milliers d’années, ils s’accumulent (1200 tonnes de déchets radioactifs/an x 43 ans) et si les fûts ne sont plus balancés à la mer comme cela a été longtemps le cas, ils sont stockés sur des sites, la Hague par exemple, ou envoyés un peu partout à travers le monde.
Dernière idée du lobby du nucléaire, mise en application par l’Andra, le projet Cigéo, c’est à dire un stockage souterrain à Bure en dépit des alertes des scientifiques et de la volonté des habitant·es à qui l’État entend imposer cette décision par une répression policière et judiciaire (voir l’article paru dans le n° 8 de la revue, sur le très beau roman graphique Le Droit du sol d’Étienne Davodeau qui donne toutes les explications).
On peut aussi se documenter sur le sujet du nucléaire en lisant le très instructif rapport de la Cour des Comptes, en libre accès, ou sur les sites du Réseau Sortir du nucléaire, de l’Observatoire du Nucléaire ou du site très documenté de la Coordination Antinucléaire du Sud-est et bien sûr celui du CRIIRAD.
B. Foulon
- Il s’agit de la plus grave catastrophe nucléaire du XXe siècle, classée au niveau 7 (le plus élevé) de l’échelle internationale des événements nucléaires (INES), surpassant, par ses impacts environnementaux immédiats, l’accident nucléaire de Fukushima de 2011, classé au même niveau. ↩︎