Ce pouvoir par les riches pour les riches ne cesse de museler la société, de confisquer des libertés (interdictions de manifestations, violences policières, gestion totalitaire de la crise sanitaire…)
Et maintenant voici la mise au pas de la jeunesse, SNU, Marseillaise obligatoire sans critique de paroles revanchardes, nationalistes, puis le retour, d’abord expérimental, de l’uniforme cher à tous les régimes autoritaires, qu’ils soient fascistes, staliniens ou théocratiques. Signe d’une militarisation de la société, car, même dans le domaine des loisirs, le scoutisme par exemple n’a pas de racines civiles. L’uniforme à l’école rallie les suffrages du sabre et du goupillon (tenue correcte, neutre, décente).
Les établissements scolaires catholiques ont longtemps exigé l’uniforme dans notre pays, avant que la déchristianisation n’entraîne un changement des mentalités : il s’agissait alors de distinction sociale, et non plus religieuse. Si on n’est plus contraint à prier catho, manger catho, penser catho, on ne s’habille plus catho. L’habit ne fait pas le moine, mais il y contribue, seules les plus intégristes des institutions ont gardé le port obligatoire de l’uniforme.
Quel bon en arrière toute ! Feuilletant l’ouvrage Mai 68 par celles et ceux qui l’ont vécu, je note l’aspiration à en finir avec les contraintes vestimentaires ; une lycéenne parisienne évoque les “cahiers de doléances” : “L’une d’elle était de supprimer le port obligatoire de la blouse, vestiaire obligé : deux blouses hebdomadaires en alternance, l’une bleue l’autre rose, avec nos nom, initiale du prénom et classe brodés au fil blanc”. Autre témoignage, l’abandon du port du voile infirmier, encore imposé à l’époque.
Il n’est pas étonnant que Robert Ménard, le maire médiatique de Béziers, très proche de la famille Le Pen sur bien des points, se précipite pour expérimenter l’uniforme dans sa cité, et les contrevenant·es seront exclu·es de l’établissement concerné.
Une mesure liberticide
Ne parlons pas d’égalité, car Macron et ses soutiens font la guerre aux pauvres et creusent un abîme entre les classes, réduisant les indemnités chômage, les allocations, pourchassant les migrant·es… Il s’agit bien d’une mesure liberticide de plus, qui coûtera cher, soit aux familles, soit à l’État qui devrait consacrer davantage d’argent à l’Éducation nationale ; enfants et jeunes seront dont privés de la liberté de choisir leurs vêtements, alors qu’il s’agit d’une forme d’expression de soi, de créativité, d’art éventuellement (costumes, carnaval, loin de l’industrie du luxe). Ce n’est pas anodin, cette offensive réactionnaire (de l’ordre, de l’ordre, de l’ordre, selon Macron, adepte d’un vocabulaire martial digne d’un Zemmour) qui vise à restaurer une discipline d’un autre âge. Certes, l’uniforme existe déjà dans des établissements spécifiques, lycée hôtelier public notamment. Pour y être intervenue, je sais combien la tenue pèse à certain·es élèves (au point d’être un motif pour quitter le lycée) et la façon dont ils ou elles l’enfilent prestement à la porte de l’établissement afin de se fringuer de façon plus décontractée à l’extérieur. Le (désormais) premier ministre avait commencé par l’interdiction de l’abaya (quid des autres robes longues ?), qui lui avait donné une auréole autoritaire et avait permis de diviser la gauche (laïcité contre risque de stigmatisation d’une population déjà ciblée par le voile). Le Ministère est désormais confié à une femme qui traitait de “fariboles” la résurgence de l’uniforme. Elle a mangé son chapeau et applique à présent la feuille de route ultraconservatrice du chef.
Face à ces régressions, il faut une réaction citoyenne à la hauteur : syndicats, fédérations de parents d’élèves, organisations lycéennes doivent s’unir et refuser ces retours en arrière, où la nostalgie de l’ordre moral se mêle aux accents guerriers. L’expérimentation suscite déjà des levées de bouclier, elle s’amplifiera, espérons-le, afin que les générations futures ne subissent pas ces obligations rétrogrades, autoritaristes : elles préparent l’avènement de l’extrême-droite.
Marie-Noëlle Hopital