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Présentation du débat sur la protection sociale

Réfléchir ensemble pour préparer les nécessaires luttes à venir

Cette année encore, les camarades d’Émancipation tendance intersyndicale se sont réuni·es pour leur Semaine estivale à Saint-Martin-Valmeroux (Cantal). La canicule et la menace du Covid n’ont pas empêché la tenue de riches échanges sur l’analyse de la situation politique et syndicale, les perspectives de mobilisation pour la rentrée et l’année à venir, nos pratiques de lutte et pédagogiques. Nous publions ici les introductions aux débats.

En l’absence des camarades pressentis pour participer à ce débat, notamment sur les aspects de la sécurité sociale alimentaire, je bornerai cette introduction à une question qui a occupé une bonne part de l’activité syndicale cette année : l’accord sur la protection sociale complémentaire (PSC) sorti du chapeau par Macron juste avant les élections présidentielles et signé au finish par l’ensemble des syndicats dit représentatifs. Je pense que la tendance a été suffisamment informée par nos articles dans la revue, nos batailles, motions et interventions dans les instances sur cette question (et si ce n’est pas le cas le débat qui suivra permettra d’y remédier). Cet accord est revenu pour les syndicats à entériner, juste avant une élection où pourtant une alternative à gauche était annoncée, le projet macronien et ultralibéral d’en finir avec les principes solidaires de la sécu de 1945 : “chacun.e contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins”. Et toute l’habileté du pouvoir a été d’attaquer d’abord la PSC pour atteindre la sécu, en faisant reconnaître par les syndicats l’institutionnalisation d’une PSC contradictoire avec le 100 % sécu, et aussi pour utiliser le levier de la PSC contre la sécu qui est en situation de vase communiquant avec la PSC. Les directions syndicales, incapables de briser le blocage du point d’indice et prêtes, depuis l’accord PPCR, à sauter sur tout ce qui aurait l’apparence d’une augmentation de pouvoir d’achat, sans voir plus loin les inacceptables contreparties, sont tombées dans le panneau d’une apparente réponse à leur revendication de participation de l’employeur au financement de la PSC en feignant d’oublier le précédent catastrophique de l’équivalent pour le privé, l’ANI. Elles ont refusé d’admettre et surtout d’expliquer aux personnels que c’était au prix de la perte des solidarités entre générations, entre revenus et familles, remplacées par des modalités bien inférieures et absolument pas garanties dans la durée, au prix de la séparation de la protection sociale complémentaire santé et de la PSC prévoyance et aussi au prix d’une aggravation du contrôle à la fois des assurances privées et de l’État sur la PSC et donc indirectement sur la sécu.  

Je propose d’aborder l’évolution de ce dossier du point de vue du prétendu dialogue social : les directions syndicales n’ont jamais été aussi déterminées, que depuis qu’elles sont allées à Canossa en paraphant l’accord, à défendre bec et ongle une sécu à 100 % ainsi qu’une amélioration de l’accord PSC qu’elles ont pourtant signé en l’état. Encore des illusions entretenues contre toute évidence : Macron, réélu, ne cédera pas le moindre pouce du terrain où il a déjà réussi à emmener les syndicats et où il veut achever de leur faire mordre la poussière.

L’enjeu de la prévoyance

Ainsi, parmi les éléments encore en débat il y a la prévoyance séparée de la PSC santé dans l’accord PSC, contrairement à ce que les mutuelles faisaient jusqu’ici. Cette PSC prévoyance n’avait fait l’objet avant les élections que d’un accord de méthode, pour lequel l’unanimité syndicale s’est trouvée écornée avec le retrait de FO. Il faut dire que la ficelle était trop grosse. Dans la dernière version de cet accord de méthode soumise à signature a été précisé, sans plus d’explication, que ne sont concernés que les personnels du ressort du conseil commun de la FP. L’exclusion d’ayant-droits est donc à prévoir. Au hasard, les retraité·es ?

Depuis un groupe de travail de “négociation” (sic) s’est tenu le 23 juin 22, sur insistance syndicale et en présence d’une administration peu empressée : “négociation” de juillet à octobre (histoire d’animer les élections professionnelles) sur les seuls risques décès et incapacité. La dépendance n’est bien sûr pas au programme. Le risque invalidité, le plus coûteux, rattaché au système de retraite, prévu dans l’accord de méthode a été “oublié” ! Sur le décès et l’incapacité, développement du statutaire par rapport au complémentaire, ce qui là aussi va dans le sens de l’exclusion des précaires non contractuel·les, des retraité·es et du renforcement des inégalités en complémentaire par tarification au risque et/ou augmentation des cotisations en raison du plus petit nombre de concerné·es.

On commence à percevoir jusqu’où Macron veut entraîner les directions syndicales. L’expérience des derniers accords signés unanimement et le silence sur les “négociations” en cours, laissent penser qu’elles le suivront. D’autant plus que les mutuelles, quant à elles, le précèdent honteusement.

Et la MGEN ?

La direction de la MGEN, bien que cette dernière ait institué la sécu dans l’éducation, a procédé au ménage de tou·tes les élu·es et employé·es pas assez Macron compatibles, ou qui n’auraient pas bien compris que les principes solidaires de la sécu et de la mutualité étaient à ranger au rayon des incantations d’assemblées annuelles (voir à ce sujet l’encadré page 10 de la revue 08). Par exemple le titre de l’édito du dernier numéro (328) de Valeurs Mutualistes “Continuer de faire vivre le mutualisme” est contredit par un encart de 16 pages Protection sociale complémentaire cahier 1 (le début d’une longue série ?) dont le titre est on ne peut plus éclairant : “MGEN prête à s’adapter pour accompagner cette réforme”. Le président Savignac, le copain de Macron affiche comme priorité “la mise en œuvre de la nouvelle gouvernance, l’accompagnement de la transformation opérationnelle du Groupe amplifiée par la réforme de la protection sociale complémentaire” ; autrement dit la diversification en cours des contrats et des tarifs “amplifiée” par la réforme de la PSC. Le directeur général Heyries, dans un partage des tâches devenu classique, est moins enthousiaste : “Avec les effets de la PSC, l’adaptation de notre modèle est notre principale priorité. Cette réforme, a priori [en italique dans le texte] avantageuse pour les agents de la Fonction publique, emporte avec elle son lot de transformations et d’adaptations pour le groupe MGEN […] avec pour exigence de maintenir le plus haut niveau de solidarité et de mutualisme possible”.

Se mobiliser

Les positions des directions syndicales et de la MGEN nous font craindre le pire pour la protection sociale. Nous devons continuer à informer largement et mobiliser sur tous les aspects de ce sujet complexe, à trouver des alliées dans les syndicats, les mutuelles, les collectifs de défense de la santé et de la protection sociale. En acceptant aussi bien de débattre avec celles et ceux qui considèrent que la MGEN, on s’est battu pour la construire, on se battra pour la garder et avec celles et ceux qui optent pour une grande sécu à 100 % (voir à ce sujet le dernier numéro dans l’excellente revue PRATIQUES, Les cahiers de la médecine utopique “la grande sécu que nous voulons” et particulièrement l’article de Frédéric Pierru “Retour sur une anomalie politique”), en rappelant à chaque fois les principes de ces conquêtes sociales : indépendance, non lucrativité, solidarités par rapport aux revenus, vis-à-vis des exclu·es, intergénérationnelles, familiales…

Olivier Vinay