Luttes syndicales et écologiques : la piste brésilienne

Suivi des Rencontres Syndicales Internationales

Du 21 au 24 avril 2022 s’est tenue la quatrième rencontre du Réseau Syndical International à Dijon. Bien que 52 camarades du Soudan, du Maroc, du Pakistan et d’Inde, du Mali, du Sahara occidental n’aient pas pu assister à la rencontre du fait du refus de l’État français de leur accorder des visas, de nombreux et nombreuses délégué·es ont pu échanger et faire apparaître des points communs par rapport aux politiques capitalistes à l’œuvre dans leurs pays respectifs. Les échanges ont aussi été riches quant aux différences qui pouvaient exister entre les rythmes et les méthodes de mises en œuvres de ces politiques mais riches également quant aux différentes formes d’action et d’organisations pour y faire face. Des camarades d’Émancipation ont participé à ces rencontres et vous proposent dans cette revue et les prochaines de donner la parole à certains et certaines des camarades rencontré·es. Nous espérons pérenniser cette rubrique en permettant aux camarades de rendre compte de l’évolution de leurs situations.

Pour ce numéro, nous avons interviewé Irène Maestro et Raquel Tremembé, membres de la CSP Conlutas (Central Sindical e Popular Conlutas), organisation syndicale au Brésil qui inclut des collectifs agisssant sur les questions environnementales. Cette articulation fait l’objet de discussions parfois vives dans nos syndicats en France et à l’heure où nous tentons de construire un réseau écosyndicaliste en France, leurs expériences sont très inspirantes.

L’Émancipation : Pouvez-vous vous présenter ?

Sergio Koei

Irène : Je suis Irène de “Lutte Populaire”, qui est un mouvement qui organise les travailleur·es, principalement parmi les secteurs les plus appauvris et précaires, sur le territoire, dans la lutte pour le logement, à travers les occupations, dans la lutte dans les quartiers périphériques pour des améliorations, contre le génocide de la police, pour les services publics (comme les garderies, les égouts, l’énergie, etc.), pour la défense des femmes, et aussi avec des initiatives dans le domaine culturel. En d’autres termes, au lieu de s’organiser à partir du lieu de travail, dans le domaine de la production, comme le font les syndicats, c’est une organisation qui organise les luttes à partir du territoire, de l’endroit où les gens vivent et reproduisent leur vie, parce que le capital nous attaque aussi sur ce plan-là. Surtout dans un pays comme le Brésil, où la formation du capitalisme est basée sur un processus de colonisation, d’extermination des peuples indigènes, d’expulsion de la terre, d’esclavage sans aucune forme de compensation de surexploitation de la main-d’œuvre avec des salaires très bas et des conditions de vie très précaires.

Raquel : Je fais partie de certaines organisations indigènes de base et, au niveau national, je suis conseillère pour les femmes dans mon État. Je fais partie du conseil de direction de mon peuple et je suis également une militante ; et je fais partie du secrétariat exécutif national de la CSP-Conlutas.

L’Émancipation : Qu’est-ce qui a motivé votre investissement dans les luttes qui combinent les luttes sociales et écologiques ?

Irène : La lutte sur ce qu’on appelle la “question environnementale” se pose pour notre mouvement d’une manière très différente de ce que propose l’idéologie bourgeoise. Les personnes les plus touchées par la dévastation de l’environnement sont les travailleurs et les travailleuses les plus pauvres. La logique prédatrice du capital, à travers l’action des grandes entreprises qui garantissent leurs profits en détruisant l’équilibre écologique et par l’exploitation des forêts et l’extraction violente des ressources naturelles, en polluant, en expulsant les peuples de leurs terres, fait que des milliers de familles pauvres soient devenues des réfugié·es climatiques, car on a commencé à voir apparaitre des situations extrêmes de chaleur, de froid, de tempêtes, d’inondations, de sécheresses, d’incendies, qui font que les gens – toujours les plus pauvres ! – perdent leurs maisons, leurs communautés et doivent s’exiler dans d’autres lieux pour survivre.

Nous vivons une situation terrible dans le pays et dans le monde. La faim et le chômage augmentent, surtout parmi les plus pauvres, même des familles qui avaient un certain statut connaissent aujourd’hui des difficultés. Quarante-cinq millions de personnes ont faim en ce moment au Brésil (20 % de la population). Plus de la moitié (55 %) des Brésilien·nes souffrent d’insécurité alimentaire, c’est-à-dire qu’ils/elles n’ont aucune garantie de pouvoir manger chaque jour tous les repas nécessaires et suffisants pour leur survie.

Il y a des millions de travailleur·es sans emploi ou avec des emplois informels, qui ne savent pas comment garantir l’alimentation de leur famille. 90 % des Brésilien·nes ont un revenu inférieur à 3 500 réais par mois (3 422 réais soit environ 620€) et 70 % gagnent moins de deux salaires minimums (1 871 réais, pour un salaire minimum de 998 réais, 180€, en 2019). Selon le DIEESE (Service intersyndical de la statistique et des études socio-économiques), le salaire minimum devrait être de 6 000 réais, compte tenu des besoins fondamentaux d’une famille de quatre personnes, sur la base des droits fondamentaux prévus par la Constitution. Près de la moitié (49,3 %) de la population brésilienne au travail occupe des emplois mal rémunérés, peu stables, sans réseau de protection sociale et avec de longues journées de travail.

La précarité des conditions de vie est liée à la question environnementale dans la mesure où les plus pauvres sont contraints de vivre dans des zones où il n’y a pas d’assainissement de base et où les rivières sont polluées par les eaux usées. Au Brésil, 50 % de la population n’a pas accès à des installations sanitaires de base. Dans les quartiers périphériques, où vit la classe ouvrière la plus précaire, il n’y a pas de ramassage des ordures. De nombreuses familles vivent dans des zones de décharge. Les grandes compagnies minières ont été à l’origine de ruptures de barrages qui ont recouvert de boue des villes entières au Brésil, et ceux et celles qui le payent de leur mort sont les travailleur·es qui, dans le même temps, sont surexploité·es dans ces industries. Les salarié·es ruraux et les autochtones travaillent dans un régime de semi-esclavage dans les champs de l’agro-industrie qui a volé leurs territoires d’origine. Et bien souvent, lorsqu’ils/elles occupent des terres pour avoir accès à un logement – un droit refusé par cette société – les travailleuses, les travailleurs et les mouvements organisés sont criminalisés et accusés de crime environnemental ! Il existe un “racisme environnemental” qui criminalise les pauvres pour leur pauvreté alors que le capital détruit, pollue, viole, pille, etc.

Ce n’est pas nous qui avons créé ces déséquilibres qui nuisent à nos vies, c’est la logique de l’exploitation capitaliste, qui est débridée et qui cause de plus en plus de dommages irréversibles à l’environnement. La destruction de l’environnement met même en danger la survie humaine sur terre et a déjà des répercussions en terme d’extinction des espèces.

Chaque jour, il y a des gens qui se battent pour de meilleures conditions de vie et qui font face aux intérêts du capital, même s’ils/elles ne peuvent pas traduire cela dans les mots que nous utilisons, mais ils/elles l’expriment dans leurs luttes quotidiennes.

La nécessité et l’idéal de la lutte pour une vie avec moins de souffrances ne sont pas réservés à celles et ceux qui sont militant·es, organisé·es ou qui comprennent la signification du “socialisme”. Chez les travailleur·es les plus humbles, et chez ceux et celles qui ont les mains les plus usées pour garantir le maintien de l’appropriation qui donne une logique à ce système pervers, la perspective d’une société où les gens ont une vie plus digne et plus juste se pose, même si c’est souvent comme un rêve lointain, comme un espoir ou comme une foi. Mais elle existe. Et plus ils/elles sont pauvres, plus les gens s’accrochent à cette perspective parce qu’ils/elles réalisent que pour eux/elles, ce n’est pas une nécessité “pour que le monde soit meilleur”, mais un impératif pour que leur vie et celle de leurs enfants soit possible.

Le capital tente de rendre ces luttes invisibles pour ne pas mettre en évidence sa cruelle logique de fonctionnement, mais souvent, la gauche aussi connaît peu et met peu en valeur ces expériences, la plupart du temps organisées par la base. Sans argent ni structures, la seule force est le peuple uni, auto-organisé ; dans la lutte directe et radicale. Parce que face à tout ce qui a été arraché, et à tant d’humiliation et de violence, la révolte est très grande et personne n’a plus rien à perdre. Les luttes se font dans l’indépendance vis-à-vis des patrons et des gouvernements – parce qu’il n’y a pas de structures bureaucratiques, et que les gens sont pauvres et sans ressources pour les mener, et aussi parce que parmi ceux et celles qui paient de leur vie, chaque jour, la nécessité de survivre, il reste peu d’illusions.

C’est dans ce contexte que nos luttes pour le logement et pour la défense d’infrastructures urbaines adéquates et dignes pour la classe ouvrière sont liées à la défense de l’environnement, afin que la terre appartienne à ceux et celles qui y vivent et qui y plantent pour se nourrir, contre la spéculation immobilière, les banques et les grands propriétaires urbains et ruraux qui utilisent la terre à des fins d’exploitation et non au service de la vie et de nos besoins, contre la logique de la production capitaliste qui fait que les gens ont faim et sont dans le besoin alors que les étalages sont pleins sur les marchés.

Raquel : Nous nous sommes toujours organisé·es, indépendamment de la diversité des peuples, des cultures, qui sont diverses. Ici, au Brésil, il y en a plus de 300 et près de 200 langues. Il y en avait beaucoup d’autres, nous le savons tou·tes. Mais il y a eu ce génocide de masse qui s’est produit et qui se produit encore. Malheureusement, de nombreux peuples ont été réduits au silence et ont subi de nombreux processus d’effacement historique.

Mais chaque peuple a sa propre organisation politique et sociale et aujourd’hui, nous parvenons ainsi à maintenir vivants et intacts toutes ces ramifications et nos ancêtres. Mais c’est une tâche difficile, une tâche de tous les jours, car ce que nous voyons le plus, ce sont des attaques ; des attaques de toutes parts, des attaques qui semblent ne jamais devoir cesser et par le gouvernement lui-même, par l’État… Ainsi, comme je l’ai déjà dit, nous devons tou·tes nous engager dans ce combat, pour la préservation de la vie, pour la préservation de la vie de chacun et chacune.

Ce qui m’a poussée à être dans la lutte, en vérité, c’est que dans le secteur indigène, notre secteur, les liens ancestraux, les racines ancestrales nous font être ce que nous sommes et nous font poursuivre, en continuité avec ce que nos ancien·nes et nos aîné·es nous ont transmis. Et cela compte beaucoup chez nous.

C’est une façon de préserver notre existence, au niveau culturel et ancestral. C’est une façon de nous maintenir en vie, donc de maintenir et de préserver notre vie et celle de tou·tes, y compris la forêt vierge, l’environnement, la faune et la flore en général. Et donc de préserver la vie de chacun et chacune.

L’Émancipation : Quels sont les obstacles et les solutions que vous avez trouvées ?

Raquel : Les obstacles sont innombrables, qu’il s’agisse de préjugés, de racisme primaire… il est absurde, en plein XXIe siècle, de se retrouver dans des situations aussi lamentables, déplorables. Il y a des gens qui n’arrivent pas à croire ce que nous vivons ici. Mais certaines personnes vivent encore la situation indigène. Ils/elles sont à l’avant-garde de la discussion, ils/elles sont dans un espace de formation, ils/elles sont même à l’avant-garde de ce processus de formation.

Il y a encore beaucoup de préjugés et de racisme que nous ne pouvons malheureusement pas surmonter, mais petit à petit, avec ce sang qui coule dans nos veines, et que j’ai l’habitude d’appeler la résistance, nous arrivons, nous avançons à petits pas, mais nous arrivons à avancer. C’est dans cette perspective, dans cette espérance que nous préférons attendre. Nous aspirons à des jours meilleurs et à des victoires vraiment concrètes, mais, en fait, c’est une lutte quotidienne.

L’Émancipation : Quelles sont vos luttes concrètes au cours de cette période ? Préparez-vous une initiative ?

Sergio Koei

Irène : Dans les occupations de terrains, nous cherchons à construire une expérience qui permette une autre relation avec la terre et l’environnement, visant à garantir nos besoins et non le profit. De plus, face à l’absence de toute structure ou de conditions financières, la créativité collective est fondamentale pour construire les communautés. L’une des expériences les plus intéressantes a été celle des jardins communautaires, que je vais présenter ci-dessous.

Raquel : Pour mieux comprendre la cause indigène, il s’agit d’une cause qui devrait être portée et défendue par tou·tes. Ça ne sert à rien de se positionner, de dire qu’on la soutient, et puis… finalement, au moment clé, l’ignorer. Notre secteur est un secteur qui agit, qui agit toujours sur cette ligne de front. Et il y a eu une résistance de quelque 21 ans, au cours de laquelle beaucoup des nôtres sont mort·es en chemin, pour assurer des droits qui existent déjà, qui sont assurés par la Constitution fédérale, pour maintenir ces droits, et faire en sorte que ce combat aboutisse. Et aussi se battre pour d’autres droits.

C’est donc un combat constant, un combat de tous les jours et pour tous. Il appartient donc à l’ensemble de la société en général de comprendre notre lutte pour notre existence, l’existence de tout un collectif.

Nous avons gagné plusieurs luttes. Nos luttes ne semblent jamais prendre fin. Il semble que nous parvenions à faire un pas en avant mais nous finissions par reculer, oui, on revient en arrière. Mais actuellement, il se produit une situation qui nous empêche de dormir – pas seulement maintenant, cela se produit depuis un certain temps dans certaines régions – celle des invasions constantes. Et enfin, ce sont des situations qui sont malheureusement soutenues par le gouvernement lui-même, par la justice elle-même, en commettant des injustices : invasions, accaparement de terres, spéculation immobilière et innombrables invasions de territoires qui provoquent des impacts divers, principalement environnementaux.

C’est un génocide, oui, de 2018 à cette année qui malheureusement a été une des pires années. C’est l’un des pires moments que nous vivons et les gens qui sont là sur cette ligne de front, les leaders qui sont là sur cette ligne de front vont subir diverses attaques, beaucoup ont perdu la vie. C’est donc très compliqué.

Mais actuellement il y a cette ombre qui est un marqueur temporel. C’est un projet d’ordre tout à fait constitutionnel 1, qui nous empêche de dormir et qui est en train de s’intensifier. Mais il y a encore des mobilisations nationales et régionales pour que ce projet soit vraiment mis à l’ordre du jour, pour qu’il soit voté et ne soit pas favorable aux élus “ruralistes”, parce qu’en fait, ce sont eux qui veulent s’approprier des terres, bien plus que nous.

Donc, ces peuples qui ont eu leur territoire usurpé dans le passé, leur territoire violé, si ce projet est favorable aux élus “ruralistes”, ils/elles n’auront aucune possibilité de régulariser la démarcation de leurs terres. Et même les peuples qui ont vu leurs terres homologuées après la promulgation du 5 octobre 1988 souffriront de cette régression et verront leurs terres envahies à nouveau. Donc, c’est une absurdité et nous nous battons. Nous avons beaucoup de foi dans le fait que cela va marcher, que nous allons réussir à surmonter ce nouvel obstacle qui est devant nous et qui nous hante depuis un certain temps.

L’Émancipation : Que pouvons-nous faire pour vous aider autant que possible ?

Irène :

  • Faire connaître ces luttes et approfondir la discussion sur l’importance des différentes formes de lutte de notre classe, car plus de la moitié du globe vit dans des conditions précaires et n’est souvent pas organisée via des syndicats, mais dans des mouvements d’organisation territoriale, chaque jour ils/elles se battent – et le paient de leur vie – face à ceux et celles qui détruisent nos vies et notre planète par l’exploitation.
  • Combattre le racisme environnemental.
  • Dénoncer et mener des campagnes de boycott contre les entreprises européennes qui financent la destruction de l’environnement et l’extermination des peuples et des communautés traditionnelles.

Raquel : Nous avons besoin de soutien. Nous lançons un appel pour une campagne nationale et internationale, y compris un appel aux mouvements sociaux, aux sympathisant·es, pour qu’ils/elles viennent et nous aident vraiment et nous donnent plus de force. Et que, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, cette lutte nous appartient à tou·tes, car elle est pour nous tou·tes.

Je pense que vous pouvez faire de la propagande, pour que les gens connaissent notre lutte, comprennent ce que nous revendiquons vraiment, ce que nous voulons vraiment, comprennent que nous ne voulons pas ce qui appartient aux autres. Nous voulons ce qui nous revient de droit, qui a été usurpé, qui est en train d’être usurpé, qui nous est retiré par la violence, d’une manière qui a fait que malheureusement beaucoup des nôtres ont déjà eu leur vie arrachée, en menant cette lutte.

Et c’est ce que nous voulons, que la société comprenne, avant tout, qu’elle comprenne vraiment ce que nous revendiquons, et qu’elle se joigne à nous et nous permette de réussir à unifier ces luttes, et je crois que dans cette unification, nous parviendrons à faire une grande révolution, parce qu’après tout, les luttes sont les mêmes, les douleurs sont les mêmes, indépendamment du secteur de la société qui est le nôtre, qu’il soit indigène, quilombola, du milieu populaire, enfin… Mais ce sont des droits. Et ces droits doivent être respectés, ils doivent être assurés. Donc, je pense que cette unification sert à cela, pour apporter cette révolution tant rêvée.

Entretien réalisé par Serge Da Silva

La lutte populaire et le programme de survie : l’importance de construire des expériences populaires pour la souveraineté alimentaire

Tout au long de l’histoire de notre peuple, de nombreuses expériences ont été créées pour garantir la survie. Il a toujours été urgent de mettre de la nourriture dans l’assiette, car face à l’augmentation de l’exploitation et à l’accumulation par les capitalistes, les travailleur·es sont de plus en plus démuni·es.

Et il n’en va pas autrement en ce moment où nous vivons : des milliers de personnes au Brésil ont faim, parce qu’elles n’ont rien à manger ou parce qu’elles ne mangent qu’un seul repas par jour. Nous vivons dans un scénario où les mères mettent leurs enfants au lit plus tôt parce qu’il n’y a rien pour dîner. En effet, le chômage augmente, laissant les gens sans aucun revenu, et en même temps le prix des aliments et du gaz augmente.

Mais les marchés restent avec des rayons pleins ! Si sur la table de notre peuple c’est la faim qui est le plat, sur la table des grands hommes d’affaires, le plat, c’est  l’accumulation. Ils/elles sont devenu·es beaucoup plus riches ces derniers temps, tandis que nous sommes devenu·es beaucoup plus pauvres !

Nous devons survivre et créer des moyens de résister et de lutter contre ceux et celles d’en haut ! Et l’une de ces luttes est celle de la survie immédiate !

L’être humain est un animal compliqué. En effet, nous avons de nombreux besoins à satisfaire pour être heureux·ses. Nous avons besoin d’apprendre des choses différentes, de réfléchir (la Raison). Nous avons besoin de nous amuser, d’aimer (Émotion/Subjectif/ Spirituel). Et nous avons besoin de dormir, et de nous remplir le ventre (Physiologique). Tout cela est important, et la société capitaliste ne garantit pas que nous puissions faire toutes ces choses de façon qualitativement satisfaisante et en fait elle supprime toute possibilité d’être vraiment heureux·ses.

Dans le capitalisme, nous travaillons beaucoup, et à un rythme soutenu, en faisant ce qu’on nous dit de faire. Nous n’avons pas la possibilité de donner notre avis, de créer ce que nous voulons, de la manière que nous voulons, au moment qui nous semble le plus opportun. Et pour ne rien arranger, le travail dans le capitalisme nous fait entrer en compétition entre nous, l’un voulant prendre le dessus sur l’autre pour s’assurer une place au travail, et nous, qui au final sommes égaux·les tout en étant refaits, nous, finissons par nous battre entre nous, tandis que notre plus grand ennemi est notre patron. Ainsi, lorsque nous faisons notre propre expérience productive – notre propre jardin, notre propre atelier, c’est un lieu où nous pouvons décider cette fois-ci de ce que nous allons faire à notre manière !

Ainsi, lorsque nous parlons de réfléchir à un programme de survie créé par nous et pour nous, cela signifie examiner tous ces besoins. Mais nous regardons, tout de suite, l’urgence d’avoir de quoi manger et les conditions pour survivre !

C’est pourquoi les initiatives populaires de souveraineté alimentaire sont si importantes, car elles ont quatre rôles :

a – leur rôle d’urgence, qui consiste à construire une forme de subsistance en garantissant les aliments cultivés dans le jardin ;

b – leur rôle de formation politique permanente, en construisant des espaces collectifs qui nous poussent à apprendre à prendre des décisions ensemble et dans l’intérêt collectif, ainsi qu’en construisant des espaces pour débattre et étudier le fonctionnement des relations de marché dans le monde dans lequel nous vivons et le type de relation de production que nous défendons ; 

c – leur rôle humanitaire, par la possibilité de construire de nouvelles valeurs et de nouvelles relations humaines, à partir de l’activité du travail créatif qui affirme notre humanité, différente du travail dans le capitalisme qui nous laisse sans énergie physique et sans énergie créative-mentale, et nous déshumanise. Produire de nos propres mains nous permet d’avoir de meilleures relations les uns avec les autres, de nous entraider, de collaborer, uni·es par le même objectif, et de construire une sociabilité de camaraderie plutôt que de compétition et de rivalités ; 

d – leur rôle politique, en mettant à l’ordre du jour la lutte pour l’auto-organisation du peuple et la défense de l’occupation des usines et des terres.

Nous voulons que les travailleur·es aient le contrôle de la production et produisent ce qui est nécessaire pour vivre. Ainsi, les jardins communautaires apprennent à notre peuple, par une expérience concrète, qu’il est possible de le faire de nos propres mains ! Ensemble, nous parvenons à creuser la terre pour planter, à organiser ce processus de travail collectif, etc. Nous parvenons à apprendre, à enseigner, à produire, à décider collectivement des étapes (Que planter ? Que produire ? Comment produire ?) et à faire l’expérience d’une production dont la valeur principale est la collectivité. Et, qui plus est, nous garantissons toujours la nourriture pour survivre ! 

Nous savons qu’il s’agit d’une petite chose, et que nous voulons beaucoup plus ! Notre intérêt est que nous parvenions à nous emparer des usines, à nous emparer des terres et à les faire passer sous le contrôle du peuple ! Mais pour chaque histoire, il y a des étapes. Et ce sont quelques-unes d’entre elles que nous nous proposons de prendre et de suivre dans notre lutte !

  1. En 1988, la nouvelle Constitution fédérale brésilienne reconnaissait aux peuples indigènes le droit inaliénable de vivre sur leurs terres ancestrales, ainsi que le droit de profiter des ressources du sol de ces terres. Aujourd’hui, des député·es et sénateur/trices du Front parlementaire de l’agriculture et de l’élevage (FPA) veulent étendre la surface de l’agro-industrie et exploiter les ressources naturelles en terres indigènes. Ces parlementaires “ruralistes” sont souvent eux mêmes des grands propriétaires terriens. Ils ont l’appui du gouvernement Bolsonaro qui paralyse les démarches de démarcation et de reconnaissance des terres. Il soutient également un projet de loi qui consisterait à ne reconnaître que les terres déjà occupées en 1988 sans prendre en compte les expulsions et persécutions qui ont abouti à la non occupation de certaines terres ↩︎