On entend souvent dire que la guerre au Proche-Orient est compliquée. Compliquée en quoi ? Il y a un peuple qui a été soumis, spolié de sa terre et victime d’un nettoyage ethnique prémédité.
Victime et bourreau
Le peuple palestinien a été fragmenté et transformé en un peuple de réfugié·es éparpillé·es. Il y a au Proche-Orient un occupant et un occupé. Plus de deux millions de personnes sont bouclés par terre, par mer et par air à Gaza. Il y a les maisons détruites, les villageois·es régulièrement confronté·es à la violence de l’armée et des colons. Il y a des cruautés raffinées : la détention administrative, la torture légalisée par la Cour Suprême israélienne, les assassinats d’enfants, les exécutions extra-judiciaires, les snipers estropiant délibérément des milliers de jeunes, les corps non rendus aux familles, les oliviers arrachés, les terres volées, les humiliations sur les check-points…
Cette cruauté repose sur des lois qui distinguent Juif/ves et non-Juif/ves et n’accordent les droits humains fondamentaux qu’aux premier·es.
Certes nous dira-t-on, mais il fallait bien réparer la Shoah. Le génocide nazi est un crime européen. Pourquoi les Palestinien·nes doivent-ils/elles en payer le prix ? En quoi sont-ils/elles responsables de la persécution séculaire que les Juif/ves ont subie ? Et puis le projet d’expulser les Palestinien·nes de leur propre pays est antérieur de 40 ans au génocide.
On nous dit aussi : “Pourquoi vous en prendre à Israël ? Il y a des horreurs bien plus grandes ailleurs”. Sans doute. Les systèmes politiques qui violent tous les droits, qui tuent et qui pillent sont nombreux. Sauf que l’injustice que subissent les Palestinien·nes s’est institutionnalisée depuis des décennies. Et qu’elle symbolise le monde que nous devons refuser à tout prix : celui du colonialisme, du racisme, du suprématisme, de la négation de l’autre, du militarisme.
Cette situation a été très abondamment documentée par un très grand nombre de rapports d’associations de toutes sortes : des associations palestiniennes (Al Haq, Addameer…), israéliennes (B’Tselem, Yesh Din…), militantes (le Tribunal Russell sur la Palestine), liées à l’ONU (le rapport de Richard Falk et Virginia Tilley…), associations de droits de l’Homme (Human Rights Watch, Amnesty International…). Tous les rapports concluent que l’État d’Israël est un État d’apartheid avec la définition internationale de l’apartheid : la domination absolue d’un groupe humain sur un autre. La réponse israélienne est celle de tous les États voyous : accuser de terrorisme et/ou d’antisémitisme toutes celles ou tous ceux qui osent enquêter sur leurs crimes.
L’accusation automatique d’antisémitisme : une obscénité
Dès qu’on parle d’antisémitisme, on est obligé d’être prudent. Trop souvent, des militantes et des militants engagé·es pour la Palestine se plaignent de l’infamie qu’on leur envoie : “Vous critiquez Israël ? Vous êtes des antisémites”. Amnesty International, après un très long travail d’investigation, a abouti à la conclusion (évidente) qu’Israël est un État d’apartheid et c’est l’hallali : autant Amnesty est “crédible” quand il dénonce les crimes de Poutine ou la persécution des Ouighours, autant s’il s’agit des crimes d’Israël, c’est une diffamation “antisémite”.
Élias Sanbar, dans le film Le Char et l’Olivier de Roland Nurier l’explique bien : cette accusation a un but, que les détracteurs d’Israël “la bouclent” ! Qu’un interdit existe !
Il faut savoir que la délégitimation de l’adversaire, surtout depuis les premiers succès de l’appel BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) est devenue une question centrale pour les dirigeant·es sionistes.
En 2015, plusieurs dirigeants israéliens dont Reuven Rivlin, le président de la République de l’époque, Peretz Lavie, président du Technion de Haïfa et Ben Dor Yemini, journaliste au Yediot Aharonot, le principal quotidien israélien, se sont réunis avec d’autres pour étudier la lutte contre tous ceux qui “délégitiment Israël”.
Les campagnes orchestrées pour discréditer ceux et celles qui déplaisent aux dirigeant·es sionistes sont devenues monnaie courante.
Jeremy Corbyn est la victime la plus connue de l’accusation d’antisémitisme. Il était vital qu’il ne soit pas élu, il risquait d’en finir avec le soutien inconditionnel britannique aux exactions israéliennes. Electronic Intifada, qui est une publication sur Internet, a enquêté sur les tweets antisémites qui ont envahi le site du parti travailliste. Ils émanaient de gens qui n’ont pas d’existence physique et ils ont trouvé tout autant de tweets antisémites sur le site du parti conservateur. Corbyn, éberlué, s’est mal défendu. La veille de l’élection, le grand rabbin d’Angleterre a appelé à voter contre lui et Corbyn a été battu, pour la plus grande joie des sionistes et de la droite du parti travailliste.
Et l’épouvantail Corbyn a (à nouveau mais sans succès cette fois) été utilisé pour essayer de disqualifier deux candidates parisiennes de la NUPES qui avaient obtenu son soutien.
En France, il aura suffi que le député communiste Jean-Paul Lecoq dans une résolution signée par une trentaine de députés, dénonce l’apartheid, pour que le PCF et la NUPES soient taxés d’antisémitisme par le gouvernement, le CRIF et toute une série de “personnalités”.
La confusion entretenue
Tout·e historien·ne un peu sérieux·se ou toute personne qui veut s’informer sait que l’assimilation antisionisme/ antisémitisme répétée mécaniquement par M. Macron, est une imposture intellectuelle et historique qui n’honore franchement pas celles et ceux qui la profèrent.
L’antijudaïsme chrétien et l’antisémitisme racial ont frappé une communauté humaine, les Juif·ves, considéré·es comme des “parias asiatiques inassimilables”. L’antisémitisme a fonctionné avec des stéréotypes meurtriers (le peuple déicide, la race inférieure…).
Avant le nazisme, les antisémites désiraient avant tout que les Juif·ves quittent l’Europe, ils/elles ont donc accueilli avec joie le sionisme. Cette idéologie de la séparation a considéré d’entrée que Juif·ves et non-Juif·ves ne pouvaient pas vivre ensemble et que les Juif·ves devaient partir ailleurs. Quand Herzl écrit L’État des Juifs, Édouard Drumont, célèbre polémiste antisémite, dit de lui “ce monsieur fait notre bonheur en faisant le sien”. Quand l’empereur allemand Guillaume II apprend qu’un congrès sioniste est en préparation, il demande à son ministre de l’Intérieur surtout de ne faire aucun obstacle à ce projet. Il n’y aucune contradiction entre le Édouard Balfour faisant des déclarations antisémites contre les ouvriers juifs polonais révolutionnaires en 1905 et l’auteur de la fameuse déclaration Balfour en 1917.
Jusqu’à 1940, l’antisémitisme a persécuté les Juif·ves parce qu’ils/elles vivaient en Europe avec la volonté qu’ils/elles partent. Défendre les Juif·ves, ce n’est en aucun cas soutenir une idéologie qui, estimant l’antisémitisme inéluctable, veut les faire partir.
Le sionisme n’a pas combattu l’antisémitisme, il s’est appuyé sur lui pour favoriser ce qu’il appelle l’alyah (la montée) qui est en fait un colonialisme de peuplement. Et quand les Juif·ves rechignaient à partir, tout a été fait pour les y pousser.
Combattre l’antisémitisme, c’est combattre un racisme qui est allé jusqu’à l’extermination planifiée, c’est exactement le contraire du soutien à une idéologie colonialiste, suprématiste et raciste. Le sionisme a abusé les Juif·ves en faisant passer frauduleusement un projet colonial pour un projet d’émancipation.
Droite, extrême droite et racistes de tout poil au côté d’Israël
Droite et extrême droite en France ont été majoritairement antisémites à l’époque de l’affaire Dreyfus ou du régime de Vichy. Aujourd’hui, on entend ces courants politiques tenir les pires propos contre les Noir·es, les Arabes, les Roms, les Musulman·es mais contre les Juif·ves, c’est interdit, ce qui ne les protège pas au contraire. Le soutien inconditionnel à Israël a fait passer, dans leurs têtes, les Juif·ves du côté des dominant·es.
Tout ce que le monde compte de racistes, de suprématistes, d’islamophobes et d’antisémites… soutient aujourd’hui sans réserve Israël :
- les chrétien·nes sionistes, fers de lance de la colonisation pour qui les Juif·ves qui ne se convertiront pas à la “vraie foi” doivent disparaître ;
- Victor Orban qui a gagné des élections hongroises en s’en prenant au “Juif Georges Soros” ;
- les dirigeant·es des partis d’extrême droite néerlandais, flamand, allemand… qui ont tou·tes fait le voyage en Israël à l’invitation de leur ami Avigdor Lieberman ;
- Jaïr Bolsonaro pour qui les “Nazis étaient de gauche” ;
- Donald Trump et son acolyte Steve Bannon…
En France, le groupe parlementaire d’amitié France-Israël a été présidé (jusqu’à son décès) par un ancien du groupe Occident : Claude Goasguen. Le CRIF a été longtemps dirigé par Francis Kalifat, un ancien du Bétar, une milice sioniste d’extrême droite particulièrement violente qui faisait des entraînements militaires en Italie fasciste dans les années 1930.
En Israël, les dirigeant·es versent dans le négationnisme à l’image de Nétanyahou affirmant “qu’Hitler ne voulait pas tuer les Juifs” et que c’est le grand mufti de Jérusalem qui lui a soufflé l’idée.
Vis-à-vis des Palestinien·nes, le langage est sans équivoque : Bennett : “J’ai tué beaucoup d’Arabes, je ne vois pas où est le problème” ou Ayelet Shaked : “les mères palestiniennes doivent être tuées et leurs maisons détruites de telle sorte qu’elles ne puissent plus abriter de terroristes”.
Retour en France : Gilles-William Goldnadel, qui multiplie les procès pour “antisémitisme” contre tous les soutiens à la cause palestinienne, est l’avocat de Génération identitaire et a parlé de “colonies de peuplement contre l’avis des autochtones” en Seine-Saint-Denis.
Michel Onfray dont la dérive réactionnaire semble sans fin parle “des synagogues qui brûlent”. Nous lui conseillons un petit voyage à Gaza ou à Jénine pour voir ce qui brûle réellement.
Bref, c’est le monde à l’envers : des racistes et des suprématistes instrumentalisent un crime contre l’humanité et l’extermination programmée d’une communauté humaine pour soutenir et justifier l’apartheid et la négation des droits des Palestinien·nes. Ils n’ont aucun droit à parler d’antisémitisme. De la part de racistes, c’est une obscénité.
Incorrigibles sionistes “de gauche”
Ce sont des gens dits de gauche qui ont dirigé l’Agence Juive puis l’État d’Israël pendant un demi-siècle. Le monde entier s’est pâmé devant leurs slogans : “du désert, nous avons fait un jardin”, “en 1948 les Arabes sont partis d’eux-mêmes”, “Israël est un État juif et démocratique”. De partout, des volontaires sont venus faire l’expérience “socialiste”des kibboutz (y compris l’auteur de ces lignes).
La vérité historique peine toujours à émerger. Ces prétendu·es socialistes ont prôné un État ethnique pour les Juif·ves dont les Palestinien·nes (jamais nommé·es autrement qu’Arabes) seraient exclu·es. Le syndicat sioniste Histadrout, créé en 1920 a, comme premier article de ses statuts, la “défense du travail juif”. Dès sa création, il a organisé le boycott des “magasins arabes” avec comme consigne d’acheter juif.
Les kibboutz, interdits aux Palestinien·nes, ont été essentiellement des instruments de conquêtes (lire Shlomo Sand).
Le nettoyage ethnique de 1948 a été prémédité par les dirigeant·es israélien·nes “de gauche” (lire Ilan Pappé qui décrit le Plan Daleth). Il a donné lieu à de nombreux crimes contre l’humanité commis par les généraux de Ben Gourion (Yitzhak Rabin, Yigal Allon…). Le massacre du village de Tantura a été longtemps nié avant que les derniers survivants de la brigade Alexandroni n’avouent : “oui, nous avons fait ce massacre et le charnier [environ 200 personnes] est sous le parking de la plage”.
Ces sionistes “de gauche” vantent le caractère “démocratique” d’Israël puisque les Arabes votent et ont même des députés. Ils/elles oublient que ce droit de vote a pu être accordé parce que 90 % des Palestinien·nes avaient été expulsé·es et que les rescapé·es ne menaçaient pas démographiquement l’État juif. Ces rescapé·es ont vécu sous couvre-feu jusqu’en 1966. Le massacre de Kafr Kassem (48 villageois·es de Galilée massacré·es par Magav, la police des frontières, en 1956) a été présenté comme une bavure. L’ouverture des archives montre qu’il s’agissait d’un plan prémédité par Ben Gourion pour expulser les villageois·es palestinien·nes de Galilée. Ces Palestinien·nes “qui votent” se sont révolté·es en 1976 (la journée de la terre) contre le vol de leurs terres (92 % de la terre était palestinienne avant 1948). Les Bédouin·es du Néguev “qui votent” ont été exproprié·es et vivent dans des bidonvilles (leurs villages sont “non reconnus”). La loi “Israël État Nation du peuple juif” (2018) a fait des Palestinien·nes des citoyen·nes de seconde zone, seuls les Juif·ves ayant droit à “l’autodétermination”.
Cela n’a pas empêché en France, quand la résolution sur l’apartheid a été présentée, d’entendre l’indignation de cette “gauche”. La rabbine Delphine Horvilleur a “été assise sur les bancs de l’université de Tel-Aviv avec des Arabes”, vous vous rendez compte comment ce paradis égalitaire est diffamé ! La colonisation, les assassinats d’enfants, elle ne connaît pas.
Le député PS de Massy, Jérome Guedj trouve que les 24 pages de la résolution dénonçant l’apartheid “transpirent la détestation d’Israël”. Ce qui est détestable, c’est le déni, non ? Qui rappelle d’autres dénis, celui des crimes coloniaux ou des horreurs du stalinisme…
Le centre Medem a affirmé que la résolution rappelait l’antisémitisme. Là, il s’agit carrément d’une usurpation. Vladimir Medem (1879-1923) a été un des théoriciens du Bund, parti révolutionnaire juif antisioniste (lire le livre Nous ne sommes pas un peuple élu, éditions Acratie). Un des derniers militants du Bund, Marek Edelman (1919-2009), commandant en second de l’insurrection du ghetto de Varsovie, a soutenu jusqu’au bout les droits des Palestinien·nes. Lui savait ce qu’est l’antisémitisme et qui sont les antisémites.
En Israël, la dirigeante du parti travailliste, Merav Michaeli, est présentée comme féministe et moderne. Elle a expliqué que, où qu’ils/elles soient, les membres du Jihad Islamique devaient être anéanti·es. Le Jihad Islamique (que l’auteur de ces lignes a rencontré à Gaza) est une des composantes de la résistance palestinienne. Résister à l’occupation et à la colonisation fait partie du droit international. Pas pour cette “gauche” dont les propos et les actes rappellent davantage les “enfumades” du général Bugeaud ou le génocide des Amérindien·nes. Déshumaniser “l’autre” pour justifier sa mort, c’est ce qui a été fait contre les Juif·ves, non ? Madame Michaeli n’a bien sûr rien à redire sur les 70 enfants assassinés depuis le début 2022.
L’incapacité de s’engager dans la lutte anticoloniale
Dans le camp de ceux et celles qui sont censé·es soutenir les droits du peuple palestinien, la résolution déposée par Jean-Paul Lecoq a soulevé de vives réprobations. Citons bien sûr Chritian Picquet, un des fondateurs du Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens, aujourd’hui membre du Parti communiste. Il dénonce deux phrases de la résolution : “Israël a mis en place un régime institutionnalisé d’oppression et de domination systématique par un seul groupe racial et affirmé clairement son intention de maintenir un tel régime. […] Depuis sa création en 1948, Israël mène une politique visant à instituer et à entretenir une hégémonie démographique juive et à amplifier son contrôle sur le territoire au bénéfice des Juifs israéliens”.
Certes, “groupe racial” est une mauvaise traduction du mot anglais “race” qui figure dans la définition internationale de l’apartheid. Mais pour le reste, tout est parfaitement exact. Christian Picquet insinue que la création d’Israël est une réponse au génocide nazi. C’est faux. Les institutions qui ont dépossédé les Palestinien·nes de leur propre pays (Banque coloniale juive, Fonds National Juif, Agence Juive, Histadrout, Haganah, compagnies des eaux, des travaux publics, des transports…) datent du début du XXe siècle. Il dit surtout que qualifier Israël d’État d’apartheid induit qu’il faut démanteler cet État. Ben oui. Il n’y a pas d’alternative au “vivre ensemble dans l’égalité des droits” et la notion d’État juif (comme toute forme d’État ethnique ou religieux) est contraire au droit international.
La solution aux persécutions séculaires dont sont victimes les Roms, ce n’est pas un État Rom, c’est l’égalité des droits.
En Afrique du Sud, les Blancs ont pu rester en acceptant trois points non négociables : 1) l’apartheid est un crime, 2) l’Afrique du Sud est une et indivisible, 3) une personne = une voix. Si on transpose à Israël/Palestine, on comprend bien que la solution juste, ce n’est pas le maintien d’un État juif qui est tout sauf légitime. C’est l’égalité des droits qui permettra aux Juif·ves de rester au Proche-Orient, pas l’apartheid.
D’autres militant·es s’acharnent à expliquer qu’ils/elles savent mieux qu’Amnesty International ce qu’est l’apartheid et que ça ne s’applique pas à Israël. Je les invite à visiter Hébron. En un quart d’heure, ils/elles n’auront plus besoin d’explication de texte. Je les invite aussi à écouter ce que disent les militant·es d’Afrique du Sud qui ont combattu l’apartheid. Tou·tes disent que sur bien des aspects, ce qui se passe en Palestine est bien pire que ce contre quoi ils/elles se sont battu·es. Nelson Mandela et Desmond Tutu ont toujours pensé que leur pays ne serait pas libre tant que la Palestine ne le serait pas.
On trouve aussi des groupes qui ne jurent que par l’ONU et/ou qui ont la nostalgie des accords d’Oslo et de la “solution à deux États”. Chaque fois que l’ONU a pris des décisions hostiles aux Palestinien·nes (plan de partage, admission d’Israël en son sein malgré des violations flagrantes du droit international), ces décisions ont été suivies d’effet.
Par contre les résolutions intimant à Israël que les réfugié·es palestinien·nes rentrent chez eux (n°194) ou que son armée évacue les territoires occupés (n°242) ont été foulées aux pieds sans aucune sanction. L’ONU, ce n’est pas le droit international, c’est la loi du plus fort.
Quant aux accords d’Oslo qui ont essentiellement produit une Autorité Palestinienne chargée d’assurer la sécurité de l’occupant et devenue une autocratie collabo déconsidérée, il serait peut-être temps d’admettre que ce que ces accords avaient laissé espérer (deux États vivant côte à côte) a été essentiellement une supercherie qui a permis au rouleau compresseur colonial d’avancer.
On est aujourd’hui dans une situation simple : un colonialisme de peuplement et l’apartheid de la mer au Jourdain avec tout ce qu’il implique, en particulier la fragmentation du peuple palestinien.
Une petite diversion
Reste un petit phénomène spécifique à la “gauche de la gauche” : l’apparition de courants faisant de la lutte contre l’antisémitisme leur axe unique. Ce sont le RAAR (Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes) et les JJR (Juives et Juifs Révolutionnaires). Il y a un groupe assez analogue en Allemagne, les Antideutsches qui contribue à la criminalisation dans ce pays du soutien à la Palestine.
L’objectif serait louable sauf que… ces groupes reprennent les accusations classiques sur l’antisémitisme de la gauche. Aujourd’hui, ils tapent essentiellement sur le mouvement de solidarité avec la Palestine (en particulier l’UJFP) et sur les Insoumis. Les rares fois où un de leurs membres vient dans une manifestation pour la Palestine, il y entend des propos antisémites qu’il est seul à entendre.
Pour eux, l’antisémitisme est un racisme à part et cette question est centrale. Il semble plutôt que la question du racisme sous toutes ses formes soit centrale. Et il est exagéré de dire que les Juif·ves subissent plus de racisme en France que les Noir·es, les Arabes, les Roms et les Musulman·es. Ceux et celles qui meurent par milliers en Méditerranée ne sont pas juif·ves.
Pour le RAAR et les JJR, la question de l’antisémitisme n’a rien à voir avec ce qui se passe au Proche-Orient et on n’a pas à demander aux Juif·ves de se prononcer sur cette guerre.
Sauf qu’Israël se définit comme un État juif parlant au nom de tous les Juif·ves, qu’il a truffé le territoire de colonies juives ou qu’en France, le CRIF est reconnu institutionnellement comme représentant les Juif·ves.
Sauf toujours que les sionistes et leurs soutiens multiplient les définitions de l’antisémitisme qui toutes assimilent la critique de la nature de l’État d’Israël à de l’antisémitisme. Face à la définition de l’IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de l’holocauste) ou à la résolution Maillard (ce député est un grand ami des colons), on a affaire à une instrumentalisation organisée de l’antisémitisme sur laquelle ces groupes ne disent rien.
Combattre l’antisémitisme, c’est combattre le racisme sous toutes ses formes, c’est combattre toutes les idéologies racistes dont le sionisme.
L’antisémitisme est un crime.
Son instrumentalisation est une obscénité.
L’antisionisme est un devoir.
Pierre Stambul